11/08/2014
L'Amérique latine derrière Gaza
Plus de 10 000 km séparent l'Amérique latine de bande de Gaza. Pourtant, les réactions sud-américaines à l'opération « bordure protectrice » ont atteint une intensité inédite.
«Une guerre d’extermination menée depuis presque un siècle» , «usage disproportionné de la force dans la bande de Gaza», «agression collective contre un peuple». Ces commentaires ne proviennent pas d'associations pro-palestiniennes, mais de hauts responsables politiques du Vénézuela, du Brésil et du Chili. Comme le rapporte (en anglais) le Washington Post, l'Amérique latine a soutenu en bloc la cause palestinienne.
En tête des pays les plus critiques à l'égard de la politique militaire israélienne, Cuba, qui, dès la guerre du Kippour en 1973, avait mis un terme à ses relations diplomatiques avec Israël. Le Vénézuela d'Hugo Chavez, qui fut le président sud-américain à se rendre le plus en Palestine, a arrêté les relations en 2009. Dernier en date, le président bolivien Evo Morales. Le mercredi 30 juillet il inscrivait l'état hébreu sur une liste des «Etats terroristes».
Mais il serait réducteur de croire que seul les gouvernements de gauche « radicale » se manifestent contre l'opération militaire menée à Gaza. «Déjà en 2009 l'opération israélienne contre Gaza « Plomb durci » avait soulevé des critiques contre l'Etat hébreu, explique Christophe Ventura, chercheur spécialiste de l'Amérique latine à l'IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques). Mais cette fois-ci, c'est historique: l'ensemble des pays de l'Amérique centrale et du sud sont sur la même ligne politique. Le Mercosur (marché commun du sud, organisation économique qui réunit l'Argentine, le Brésil, le Paraguay, l'Uruguay et le Vénézuela) qui se tenait la semaine dernière à Caracas, a débouché sur une déclaration commune condamnant l'offensive israélienne à Gaza.»
«Nain diplomatique»
Un peu plus de deux semaines après le début de l'opération «Bordure protectrice», la présidente brésilienne, Dilma Roussef, rappelait pour consultation son ambassadeur en Israël après avoir qualifié de «massacre» l'offensive de Tsahal. Israël a répondu par l'intermédiaire du porte-parole de son gouvernement, Yigal Palmor, en traitant de «nain diplomatique» le géant sud-américain.
«Le Brésil se fait le porte-voix des gouvernements qui n'acceptent pas la manière dont le droit international est piétiné en fonction des intérêts occidentaux. De plus, le pays compte assumer son statut de puissance émergeante. Il veut affermir son implication dans les grands dossiers qui agitent le monde. Il ne faut pas oublier qu'en 2010 le Brésil avait fait avec la Turquie une proposition d'accord sur le nucléaire iranien. Les Etats-Unis ont refusé mais Téhéran a accepté», explique le chercheur.
Le geste fort du Brésil a entraîné dans son sillage le Pérou, l'Equateur, le Chili et le Salvador à rappeler leurs ambassadeurs. L'Argentine a convoqué l'ambassadeur d'Israël et condamné sévèrement l'entreprise militaire israélienne. Le pays a pourtant une relation privilégiée avec Israël en raison de sa communauté juive qui avec 150 000 personnes est la plus importante d'Amérique latine. De même, la Colombie, pays le plus à droite du continent et confronté à un conflit militaire interne qui l'incline à soutenir «le droit à se défendre», a pris une position non-équivoque face à Israël. Pourtant le pays est l'allié traditionnel des Etats-Unis dans la région et son armée est notamment formée par Tsahal.
Liens important entre les deux continents
«Il y a une relation charnelle entre les pays arabes et l'Amérique Latine», raconte Christophe Ventura. Ainsi le Vénézuela abrite une grande communauté syrienne. Au Brésil également, nombreux sont les citoyens ayant une origine syrienne ou libanaise. Leur part monterait à 6% de la population totale. «La communauté arabe au Brésil est très présente, tant dans la vie culturelle qu'économique ou politique. C'est un facteur qui compte, rapporte Christophe Ventura. D'ailleurs, c'est pour cela que l'ancien président brésilien Lula a pendant son premier mandat fortement contribué à créer des échanges importants avec le Proche-Orient. Entre 2001 et 2010, les exportations du Brésil vers le Moyen-Orient ont augmenté de 63%. Et de 330% avec l'ensemble des pays du Mercosur. Il ne faut pas oublier non plus que Lula fut le premier président sud-américain à se rendre en Palestine en 2002.»
À l'instar de l'Europe, des manifestations de soutien aux habitants de Gaza ont eu lieu un peu partout sur le continent latin. Le 26 juillet, une protestation devant l'ambassade israélienne a donné lieu à des heurts avec les forces de l'ordre tandis que le 1 août à Brasilia, le comité de soutien au peuple palestinien demandait officiellement la fin des relations diplomatiques avec Israël. «L'Amérique latine a un rapport différent des Américains et des Européens avec la fondation de l'Etat hébreu, analyse le chercheur à l'IRIS. Pour eux, la question israélo-palestinenne est celle d'un conflit colonial au XXIe siècle. Il y a donc chez les latinos-américains une identification à la cause palestinienne qui crée une forte empathie. Cette idée coloniale est insupportable pour l'opinion publique. Tout comme celle-ci est frappée par la violence qui s'est abattue sur Gaza.»
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04/08/2014
80 % des habitants des Etats-Unis vivraient dans la précarité
Une agence de presse américaine vient de tirer la sonnette d’alarme ! Selon les résultats de son enquête, 80 % des habitants des Etats-Unis vivraient dans la précarité. Un phénomène inquiétant que DGS vous explique en détail.
L’agence Associated Press a révélé des résultats d’enquête très surprenants il y a quelques mois, annonçant que 80 % de la population américaine vivait dans la précarité, luttant contre le chômage et nécessitant l’aide gouvernementale pour joindre les deux bouts. Parmi ces individus en difficulté, près de 50 millions vivent même en dessous du seuil de pauvreté. L’étude a également montré que l’écart de richesse entre riches et pauvres était plus grand que jamais. De plus, les emplois industriels bien payés qui autrefois donnaient l’opportunité aux ouvriers d’augmenter leur niveau de vie disparaissent progressivement.
Le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté ne reflète pas forcément le nombre d’Américains sans emploi. Selon une mesure de recensement publiée en avril 2014, ces 50 millions (3 millions de plus que les chiffres officiels du gouvernement), sont aussi dus aux frais de santé et du travail. La nouvelle mesure est en général « considérée comme plus fiable par les sociologues car elle prend en compte les revenus et les effets de l’aide gouvernementale, notamment des bons alimentaires et des réductions fiscales », explique Hope Yen, journaliste à l’Associated Press. D’autres révélations affirment que les bons alimentaires aidaient environ 5 millions de personnes à tout juste sortir du seuil du pauvreté. Cela signifie que le taux de pauvreté est en fait plus haut et que sans l’aide du gouvernement, il s’élèverait de 16 % à presque 18.
Les Hispaniques et Asiatiques américains ont vu leur niveau de vie baisser, passant respectivement de 25,8 % à 27,8 % et de 11,8 % à 16,7 % de population vivant sous le seuil de pauvreté. Les Afro-Américains d’un autre côté, ont maintenant une vie un peu moins difficile (de 27,3 % à 25,8 %), notamment grâce aux programmes d’assistance lancés par le gouvernement. Les Blancs sont passés de 9,8 % à 10,7 % de pauvres. « La raison principale qui maintient la pauvreté à un seuil si haut, vient du fait que les bénéfices d’une économie qui croît ne sont plus partagés par tous les travailleurs, comme c’était le cas dans le quart de siècle qui a suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale », déclare Sheldon Danziger, économiste à l’université du Michigan. « Etant données les circonstances économiques actuelles, la pauvreté continuera de se propager à moins que le gouvernement ne vienne en aide aux travailleurs les plus modestes. »
D’un autre côté, le gouvernement américain pense apparemment que la réponse au problème est de retirer encore plus de services qui aident les 80 % de la population qui en ont le plus besoin, réduisant régulièrement la quantité de bons alimentaires disponibles. Les Démocrates et les Républicains négocient actuellement le nombre exact de ces services qui doivent être supprimés, mais aucun des deux partis n’a songé à se dire qu’il fallait surtout ne pas y toucher, voire en mettre d’autres en place.
Nous nous sommes sentis très concernés par cette étude édifiante. Nous n’aurions jamais imaginé qu’autant de personnes vivaient dans une situation si délicate dans un pays aussi développé. En France, le problème se pose aussi : la classe moyenne est en train de disparaître et les inégalités entre riches et pauvres se creusent de manière inquiétante. Espérons qu’un jour, les gouvernements du monde entier sauront inverser la tendance pour réduire ces écarts de niveau de vie. Ressentez-vous les effets de ce phénomène au quotidien ?
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29/07/2014
Ukraine, Palestine, Israël : les ravages de la diplomatie émotionnelle / Politique internationale de la France : chapeau les artistes !
FIGAROVOX/CHRONIQUE INTERNATIONALE - Alors que la crise ukrainienne et le conflit israélo-palestinien sont traités sur le registre de l'émotion par les politiques et les médias, Renaud Girard rappelle que la diplomatie est avant tout une affaire de sang-froid.
Renaud Girard est grand reporter international au Figaro. Il a couvert les grands conflits des trente dernières années. Il est notamment l'auteur d'un ouvrage sur la guerre en Irak, Pourquoi Ils se battent (Flammarion, 2006) et son dernier ouvrage, Le Monde en marche, a été publié aux éditions CNRS.
De tous temps, la diplomatie a été une affaire de constructions à long terme. Qu'il s'agisse de tracer des frontières, de nouer des alliances, d'édifier des unions douanières, de rédiger des règles internationales, de déléguer partiellement sa souveraineté, l'art diplomatique exige du temps. «Il faut qu'on laisse le temps au temps. Personne ne passe du jour au lendemain des semailles aux récoltes, et l'échelle de l'histoire n'est pas celle des gazettes», disait le président Mitterrand. Il le savait mieux que quiconque, lui qui avait, avec son ami Kohl, patiemment achevé la construction de la monnaie commune européenne, œuvre commencée vingt ans auparavant par le tandem Giscard-Schmidt.
« Il faut qu'on laisse le temps au temps. Personne ne passe du jour au lendemain des semailles aux récoltes, et l'échelle de l'histoire n'est pas celle des gazettes. »
La diplomatie demande du temps dans sa préparation, dans ses objectifs (on fait des traités pour trente ans, pas pour une saison), dans son expérimentation. Il y a cinq ans, que n'a-t-on entendu sur la «mort de l'euro»? Maintenant qu'il a traversé avec succès sa crise d'adolescence, l'euro s'est imposé comme une incontournable monnaie de réserve mondiale. Si la justice américaine persiste à vouloir faire prévaloir sur la planète entière les lois votées à Washington, parions que l'euro remplacera bientôt le dollar comme instrument privilégié des transactions commerciales internationales. La monnaie unique européenne est un édifice diplomatique qui, dès le départ, s'est inscrit dans le temps long. C'est une des raisons de sa réussite.
Malheureusement, la vertu de cet exemple ne semble pas s'être imposée à nous. Avec le développement, en Occident, de la démocratie d'opinion - ce régime hybride qui veut que les ministres, dénués d'ambitions à long terme pour leur pays, gouvernent le nez sur le guidon des sondages et les oreilles rebattues par leurs conseillers en com -, la diplomatie du temps long cède progressivement le pas à la diplomatie émotionnelle. C'est une diplomatie du temps court car, par définition, elle ne dure que le temps d'une émotion médiatique.
La diplomatie du temps long cède progressivement le pas à la diplomatie émotionnelle.
Au début de l'année 2011, dans un bel unanimisme, les journalistes occidentaux se sont enthousiasmés pour ce qu'ils appelèrent les «printemps arabes». A les entendre, le «Grand Soir» était venu de la libération des peuples arabes. Vexés de n'avoir joué aucun rôle dans les révolutions tunisienne et égyptienne, hypnotisés par leurs écrans de télévision, mais indifférents aux rapports circonspects de leurs diplomates arabisants, les dirigeants français, anglais et américains se sont précipités pour s'ingérer dans les affaires libyennes et renverser un dictateur avec lequel ils entretenaient les meilleurs rapports trois mois auparavant. Le 23 août 2011, quand tomba à Tripoli le régime de Kadhafi, ils se pavanèrent devant les caméras, souhaitant qu'on voie en eux des stratèges de génie. Bizarrement, on ne les entend plus aujourd'hui, où la capitale libyenne est dans un tel état de chaos que les diplomates français, anglais et américains l'ont fuie, comme des rats quittant un navire en perdition. La diplomatie émotionnelle est toujours extrêmement bruyante à sa phase de lancement ; elle se fait souvent très discrète à l'heure du bilan.
La crise ukrainienne aurait pu se limiter au remplacement en douceur d'un président incompétent et corrompu. C'est ce qui avait été obtenu dans l'accord du 21 février 2014, parrainé par l'Allemagne, la France et la Pologne, et signé par les chefs de tous les grands partis politiques ukrainiens. Mais, hélas, la diplomatie de l'émotion est passée par là et l'on se dirige actuellement vers une longue guerre civile dans l'est russophone du pays, et vers une inutile reprise de la guerre froide entre l'Occident et Moscou. La diplomatie occidentale a été émotionnelle car elle a cru, comme le fait l'objectif d'une caméra de télévision, que Maïdan représentait l'ensemble de la population ukrainienne, ce qui n'était pas le cas. Gavée de propagande télévisuelle nationaliste, la Russie est aussi tombée dans la politique émotionnelle la plus grotesque, incapable aujourd'hui de dire la vérité sur le missile ayant abattu le Boeing malaisien, empêtrée dans ses théories du complot, impuissante à faire le ménage chez elle. Comme l'a montré la récente démission du gouvernement Iatseniouk, l'Ukraine est un pays économiquement failli et socialement profondément malade. Seule une discrète mais intense coopération entre Bruxelles et Moscou pourrait le remettre sur pied et lui forger un avenir. En se montrant incapable de construire une grande diplomatie russe après l'avertissement de la crise géorgienne (août 2008), l'Occident a sottement traité le président Poutine sur le registre de l'émotion ; parallèlement, le tsar Vladimir est devenu «accro» à l'émotion de la popularité dans les sondages que lui confèrent ses bras d'honneur répétés à l'Occident. A la fin de ce petit jeu débile, le grand perdant sera la Russie, suivie par l'Union européenne ; l'Amérique et la Chine n'auront plus qu'à s'en frotter les mains.
La diplomatie émotionnelle est toujours extrêmement bruyante à sa phase de lancement ; elle se fait souvent très discrète à l'heure du bilan.
La politique de l'émotion a également gagné un pays occidental qui, par le passé, nous avait habitués à davantage de sang-froid dans sa prise de décision stratégique. L'assassinat - qu'aucun groupe palestinien n'a revendiqué - de trois adolescents d'une colonie israélienne en Cisjordanie, a relancé le cycle du sang. Qu'a gagné Israël à tuer plus d'un millier de Palestiniens en trois semaines? La fin des tunnels? Bien sûr que non. Tant qu'ils resteront enfermés dans leur ghetto, les résidents de Gaza en creuseront. Un triste fait divers, médiatisé à profusion, a fait dérailler la hiérarchie politique israélienne. En sur-réagissant, elle a inutilement terni la réputation internationale de l'Etat juif et redoré le blason d'un Hamas islamiste qui était en perte de vitesse, chez lui et dans la région.
Comme les centaines de morts sur la route des vacances françaises, les accidents d'avion sont toujours bien tristes. Celui du vol Ouagadougou-Alger ne fait pas exception. Sur l'autel de la politique de l'émotion, un «deuil national» de trois jours a été décrété en France. Allons-nous désormais mettre nos drapeaux en berne, à chaque fois que la télévision aura diffusé un nouveau drame du tourisme de masse dans nos chaumières? Sommes-nous vraiment prêts à devenir, en diplomatie comme en politique intérieure, des Diafoirus de l'émotion?
On en reste béat d’admiration. On a même envie de dire: chapeau les artistes. La politique étrangère de la France, hier avec Sarkozy, aujourd’hui avec Hollande restera dans les annales comme exemplaire, forte, créative. A coup sûr, des années fondatrices d’une nouvelle démarche originale et conquérante.
Déjà, avant, tout avait fonctionné à merveille avec l’équipe rapprochée de Sarkozy : l’ancien gauchiste transféré au PS, le Thénardier de la politique, je veux dire Bernard Kouchner aujourd’hui dans le « conseil » aux dictatures africaines, et son copain Bernard Henri Levy, le « philosophe » en panne de lecteurs, reconverti lui aussi dans le « conseil » en matière de géopolitique toujours du côté du manche. Si possible, bien huilé.
Ah, la belle époque, celle où l’on s’extasiait de l’efficacité de Sarkozy dans la crise géorgienne avec comme résultat 20% du territoire de l’ancienne patrie de Staline passant du côté russe. Ah, la formidable construction que cette « Union pour la Méditerranée », un flop se terminant par le printemps arabe et la France généreuse, par la voix de sa ministre des Affaires étrangères, Mme Alliot-Marie, offrant « notre savoir faire en matière de sécurité » à Ben Ali. Que du bonheur, que du succès. Sans conteste, c’est bien l’aventure libyenne qui a marqué la capacité propulsive de la politique internationale française de cette époque. On se souvient du général en chef BHL appelant à l’assaut contre Tripoli du haut des marches de l’Elysée et Sarkozy donnant le top départ aux Rafales. Avec le splendide résultat que nous vivons aujourd’hui et alors qu’un parachutage de BHL sur Benghazi serait du meilleur effet. Pourtant, des diplomates français avaient eu l’outrecuidance de rouspéter dans une tribune publiée dans « Le Monde ». Ils se présentaient comme "un groupe de diplomates français de générations différentes, certains actifs, d'autres à la retraite, et d'obédiences politiques variées". Ils affirmaient : "L'Europe est impuissante, l'Afrique nous échappe, la Méditerranée nous boude, la Chine nous a domptés et Washington nous ignore". "La voix de la France a disparu dans le monde."
La raison profonde de cet enlisement? "Notre politique étrangère est placée sous le signe de l'improvisation et d'impulsions successives qui s'expliquent souvent par des considérations de politique intérieure" (…) des erreurs auraient pu être évitées, imputables à l'amateurisme, à l'impulsivité et aux préoccupations médiatiques à court terme." Dans leur viseur, pêle-mêle: une Union pour la Méditerranée "sinistrée", une politique au Moyen-Orient "devenue illisible". « Nous sommes à l'heure où des préfets se piquent de diplomatie, déploraient-ils, où les « plumes » conçoivent de grands desseins, où les réseaux représentants des intérêts privés et les visiteurs du soir sont omniprésents et écoutés".
Les signataires ne connaissaient pas encore le parcours d’un « exemple » de la diplomatie sarkoziste, le dénommé Boris Boyon: mafiosi à Bagdad, insultant à Tunis, pour finir trafiquant à Paris en se faisant arrêter Gare du Nord avec près de 400.000 euros en liquide dans les poches. J’oubliais la libération des infirmières bulgares « obtenue » par l’ancienne épouse du président, où plutôt par Claude Guéant qui avait ses entrées sous la tente de Kadhafi et d’amicales relations avec les porteurs de mallettes argentées ainsi que la presque rupture avec le Mexique pour une sombre affaire de rapt. Que du succès, que du prestige. Et rien, rien du tout – pour Salah Hamouri, notre compatriote enfermé sept ans dans les geôles israéliennes pour de simples supputations. En fait, la voix de la France est devenue la risée du monde. On aurait pu se dire « Mais ça, c’était avant. »
Avec l’arrivée de Hollande on allait voir ce qu’on allait voir. Or, ce n’est plus seulement du bling-bling auquel nous assistons, c’est aussi une série d’engagements politiques à faire se retourner dans sa tombe le célèbre et talentueux diplomate Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord.
Comme pour la Libye et avec le même « conseiller spécial », le sinistre BHL, alors qu’il fallait écouter et aider l’opposition laïque et démocratique syrienne, les nouveaux chefs de guerre parisiens frémissaient à l’idée de bombarder Damas. Patatras, Washington n’a pas suivi. A Kiev, le très modeste et humble Fabius se vantait d’avoir été le « moteur » d’un accord qui en fait a favorisé l’arrivée au pouvoir du roi du chocolat et sa clique plus réac tu meurs, et une guerre dans l’est de l’Ukraine. Le couple Hollande-Fabius roule des mécaniques devant les Russes, envoie des avions de chasse en Pologne tandis que les rusés Allemands composent une autre musique avec Poutine. Faut-il ajouter l’Afrique et l’enlisement au Mali, la protection du nouveau pouvoir corrompu et répressif en Côte d’Ivoire ; faut-il ajouter l’interdiction de survol du territoire français de l’avion présidentiel bolivien…
C’est surtout l’alignement de la politique française sur celle de Netanyahou qui marquera désormais et pour longtemps la politique internationale de la France : une complicité écrasante avec les massacreurs du peuple de Gaza qui devront un jour où l’autre comparaître pour crimes contre l’humanité.
Les mêmes diplomates français qui sous Sarkozy critiquaient une politique internationale marquée par « l’amateurisme », la qualifient aujourd’hui « d’inaudible ». Inaudible, quand elle se limite à la « retenue » alors que plus de mille Gazaouis parmi lesquels de nombreux enfants sont morts sous les bombes israéliennes ? Inaudible, lorsqu’on laisse des jeunes Français incorporer l’armée de Tel-Aviv ? Inaudible, lorsqu’on accepte que 6000 prisonniers politiques palestiniens croupissent dans les geôles israéliennes ? Inaudible, lorsqu’on refuse d’entendre la voix de Marwan Barghouti, le Mandela palestinien ? Inaudible, lorsqu’on se range derrière les assassins ? Le bruit n’est que trop lourd. On entend la mort…
José Fort. José Fort est un internationaliste passionné du monde, journaliste, ancien chef du service monde de l’Humanité
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22/07/2014
« L’appel au cessez-le-feu doit être entendu »
Vous étiez il y a quelques semaines dans la Bande de Gaza. Comment expliquez-vous l’engrenage meurtrier dans lequel est à nouveau pris ce territoire palestinien ?
Jean Asselborn: Le gouvernement israélien est déterminé à pousser jusqu’au bout la logique militaire et uniquement militaire à Gaza, dans le but d’y éliminer le Hamas. De l’autre côté, l’autorité palestinienne semble malheureusement déboussolée, sans prise sur les événements. C’est ce qui a poussé le président Abbas, dimanche, à demander à l’ONU de placer les territoires palestiniens sous protection internationale.
Personne ne peut justifier les tirs de roquettes vers Israël. Mais on ne peut pas comprendre ce qui se passe à Gaza sans prendre en considération la situation humanitaire. En un mot, sans les Nations-Unies, Gaza ne pourrait pas exister. Sur 1,7 millions de personnes vivant sur un territoire qui représente 1/7 de la surface du Luxembourg, 800 000 personnes dépendent de l’ONU pour leur survie. Dans ce territoire sous siège depuis sept ans, plus de 60% de la population a moins de 18 ans. Ces jeunes n’ont aucune perspective. Lorsque l’on vit dans de telles conditions, on est poussé vers la violence. Depuis le début de l’offensive militaire, 80% des morts sont des civils, dont de nombreux enfants. Même des handicapés ont été touchés. L’appel de la communauté internationale à un cessez-le-feu doit être entendu. Rappelons qu’en 2012, le Hamas et Israël avaient négocié un cessez-le-feu.
L’échec de l’initiative américaine pour remettre les deux parties autour de la table de négociations explique-t-il ce nouveau cycle de violence ?
Jean Asselborn: Au mois de mars, l’initiative de John Kerry a été bloquée par le refus israélien de libérer la quatrième tranche des prisonniers palestiniens. Depuis, un vide politique s’est creusé. Lorsqu’on ne négocie plus, c’est la violence qui s’installe.
La poursuite de la colonisation est-elle en cause ?
Jean Asselborn: C’est évident. L’initiative de John Kerry a coïncidé avec une poussée énorme de la colonisation, le gouvernement israélien donnant son feu vert à la construction de 14000 nouveaux logements en Cisjordanie. C’est une façon de s’approprier une grande partie des territoires palestiniens, pour rendre impossible l’existence d’un Etat palestinien contigu. Certains responsables politiques israéliens défendent même à la Knesset l’appropriation par Israël de la zone C (62% de la Cisjordanie). Les négociateurs palestiniens ont fait preuve de bonne volonté. Ils avaient vraiment l’intention de parvenir à un accord sur la base des frontières de 1967. Il est clair que cette question des colonies explique l’échec de l’initiative américaine. Si du côté israélien, tout le monde n’est pas sur une ligne dure, certains ministres du gouvernement Netanyahou refusent la solution de deux Etats.
Benjamin Netanyahou veut-il faire voler en éclat l’accord sur un gouvernement palestinien d’entente nationale incluant le Hamas ?
Jean Asselborn: J’étais très heureux des réactions européenne et américaine qui ont accueilli cet accord. La réconciliation palestinienne est un préalable à la tenue de nouvelles élections. Les Israéliens eux-mêmes ne reprochaient-ils pas au président Abbas de parler au nom d’une partie seulement du peuple palestinien ? Pour des raisons tactiques et stratégiques, le gouvernement israélien n’a pas accepté cette démarche. Il y avait pourtant là l’occasion de voir se constituer, par delà les positions des uns et des autres, un gouvernement qui aurait représenté tout le peuple palestinien. Un gouvernement palestinien doit bien sûr reconnaître le droit à l’existence d’Israël. C’est clair. Mais il n’y a eu aucun signal, laissant présager que tel ne serait pas le cas. La réaction de M. Netanyahou est compréhensible à court terme mais elle est, à mon avis, fatale à moyen et à long terme. La sécurité d’Israël ne sera assurée que lorsque les Palestiniens pourront vivre en paix dans un Etat souverain. J’ajoute que ce qui se passe en ce moment à Gaza ternit de manière tragique l’image d’Israël, singulièrement dans le Tiers-monde. Israël, qu’on le veuille ou non, c’est aussi l’Occident, avec toutes les connotations négatives que cela peut impliquer.
La diplomatie européenne renvoie une image de passivité dans cette crise…
Jean Asselborn: Lorsque John Kerry nous a exposé sa démarche, nous avions sincèrement l’espoir de voir se dégager des solutions sur les points capitaux : les frontières, Jérusalem, les réfugiés. Les Américains nous ont demandé de les laisser mener les négociations sans interférer directement ou indirectement. L’Europe n’avait pas d’autre choix. Nous avons soutenu Kerry, nous avons soutenu Tzipi Livni et Saeb Erekat pour aller de l’avant. Au fil du temps, le dialogue s’est grippé. Aucun accord ne se dégageait. Ni sur les points essentiels ni sur les détails. Jusqu’au clash de la quatrième tranche de libération des prisonniers.
Quels leviers diplomatiques pourraient obliger Israël à cesser la colonisation ?
Jean Asselborn: Il faut d’abord que la paix revienne. Sans cessez-le-feu, personne ne peut reprendre le chemin de la négociation. La volonté du président Abbas de ratifier soixante conventions, l’adhésion de l’Autorité palestinienne à la Cour pénale internationale sont autant de démarches utiles, mais rien ne peut remplacer des négociations. Si celles-ci devaient redémarrer d’ici la fin de l’année sous quelque forme que ce soit, le gouvernement israélien devrait démontrer la volonté de parvenir à une solution à deux Etats. Ce qui implique de mettre un terme à la colonisation. Les Israéliens devraient avoir une autre conception de leur propre sécurité. Celle-ci passe par un Etat pour les Palestiniens. S’agissant de Gaza, on ne peut pas laisser 1,7 millions de personnes vivre sans aucune perspective dans une prison à ciel ouvert. C’est cela qui engendre la violence. C’est une dynamique destructrice.
Entretien réalisé par Rosa Moussaoui pour l'Humanité
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