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12/03/2013

Mélissa Laveaux : "Cet album est sur la survie, les ruptures, le renouveau..."

: haïti,musique,concert,entretien,mélissa laveaux,ottawaIl y a dans le sens du groove et dans l’énergie déployée par Melissa Laveaux dans son deuxième album « Dying is a wild night » quelque chose du jeune Keziah Jones. Pourtant la jeune chanteuse de 28 ans se destinait plutôt à la bioéthique. Mais l’étudiante, très investie dans des associations de défense de droit des femmes ou de formations des médecins aux rapports avec leurs patients, s’est fait repérer via MySpace par un label français.

Oublié le master et Ottawa, la Canadienne s’installe à Paris. Le premier album rencontre un succès d’estime. En revanche, sa reprise très réussie de « Crazy In Love » un tube de Beyoncé, repris dans la compilation Paris Dernière, lui a permis d’élargir son public, y compris aux Etats-Unis. Spontanée, disponible et visiblement très heureuse de vivre son rêve, Melissa Laveaux évoque pour nous son parcours.

Quel est votre parcours de musicienne ?

Melissa Laveaux. J’ai commencé à jouer de la guitare à 13 ans. Mon père m’en a offert une. Je viens d’une famille antillaise où les enfants doivent jouer ou réciter un poème pendant les fêtes. Dans l’une d’elles, un très grand pianiste m’a vu jouer. Il m’a dit : « arrête, il faudrait que tu prennes des cours ». Je me suis arrêtée pendant plusieurs années. J’ai repris en terminale, en voulant composer une chanson pour ma classe. C’était mon second départ pour la musique. Je n’ai plus jamais lâché. A la fac, je faisais pas mal de bénévolat. J’ai fait beaucoup de concerts pour les associations dans lesquelles je m’impliquais. J’ai participé à des scènes ouvertes où j’ai rencontré beaucoup de gens. Je me suis très bien entendue avec un percussionniste. On a enregistré un titre. On l’a mis sur myspace. Je pensais arrêter et passer mon master de bioéthique. Un label français m’a vu sur myspace. Ils sont venus au Canada. Ils m’ont vu jouer. Le concert était pourri. Mais ils m’ont quand même signée parce qu’ils croyaient en moi. Un mois plus tard, j’étais à Paris.

Vous parlez un français parfait. Pourquoi chantez-vous exclusivement en anglais sur cet album ?

J’apprécie la musique française mais je n’ai pas vraiment grandi avec. Du coup, je n’ai pas de marqueur ou de référence. Pour cet album, on a travaillé sur 30 chansons. Certaines étaient en français, une en créole. Mais on a pris les meilleurs et elles n’ont pas été retenues.

Quels sont les artistes référents pour vous ?

J’ai grandi en étant baigné dans la musique antillaise : Tabou Combo, l’orchestre septentrionale haïtien, Martha Jean-Claude. Martha Jean-Claude est la première voix que j’ai entendue. Je l’ai appréciée toute ma vie parce qu’elle était vachement engagée. Elle a été emprisonnée enceinte pendant la dictature haïtienne. Elle s’est exilée à Cuba. Elle parlait plusieurs langues. C’est une femme du monde qui a beaucoup écrit, critiqué les régimes Duvallier tout en restant très coquine et délicate. Après ça, à l’adolescence, j’ai écouté pas mal de musique brésilienne Tropicalia : Os mutantes, Caetano Veloso. J’écoutais aussi du trip Hop, Joni Mitchell et plein d’artistes canadiens qui font de la folk. Voila mes grandes influences.

Beaucoup de français ne comprennent pas l’anglais. Quelles sont les thématiques de vos chansons ?

: haïti,musique,concert,entretien,mélissa laveaux,ottawaJe comprends l’espagnol mais quand j’écoute des chansons dans cette langue, je n’écoute pas les paroles en premier. C’est un risque de faire un album en anglais dans un pays où les gens ne vont pas comprendre. Surtout dans un pays où la chanson et les paroles sont super importantes. On a voulu prendre ce risque. Les chansons sont sur mes expériences par rapport à mon départ. J’ai eu une énorme rupture avec ma famille. Etre au bureau de l’OFII (office français de l’immigration et de l’intégration) pour obtenir des papiers a nourri mon expérience. Je n’étais pas déprimée mais j’étais « down » (en bas NDLR). Je me retrouvais seule à devoir m’adapter à mon environnement. Je n’avais pas trop d’amis, pas trop d’argent, je n’étais pas en règle. Je n’avais même pas de numéro de sécu. D’ailleurs, j’ai souffert d’une bronchite pendant cinq semaines. Quand je me suis enfin décidé à aller voir le médecin, elle m’a dit : « Si vous étiez venue une semaine plus tard, vous auriez eu une pneumonie et votre carrière aurait été ruinée ». Cet album est sur la survie, les ruptures, le renouveau, la mort et la renaissance.

Quels sont vos rapports avec la culture haïtienne ?

Mon identité haïtienne fait partie de moi. Haïti fait partie de moi. Moins que ceux qui y ont grandi. Ce pays m’a forcément touchée. A l’extérieur, j’étais canadienne. A l’intérieur, j’étais Haïtienne. On parlait le créole à la maison. J’ai grandi et j’ai été bercé dans cela. En même temps, je ne me considère pas du tout haïtienne. Par contre, je suis créole c’est-à-dire que je suis un mélange de culture haïtienne et canadienne. Je suis très canadienne mais historiquement, dans mes choix, dans la manière dont j’ai été élevée, il reste beaucoup de mes racines haïtiennes malgré moi.

« Dying is a wild night »

  • Concerts :

Le 15 mars à Loiron (53)
Le 18 mars à Paris (Point ephémère)
Le 29 mars à Chelles (77)
Le 30 mars à Sannois (95)
Le 9 avril à Roubaix (59)
Le 19 avril à Feysin (69)
Le 20 avril à Arles (13
Le 25 avril au printemps de Bourges (18)

Entretien réalisé par Michaël Melinard pour l'Humanité

21/02/2013

Esclavage moderne aux Émirats

philippines, esclavage, libres-échanges, dubaï, burj khalifa

Pourquoi ne parle-t-on jamais de cette réalité du capitalisme mondialisé ?

Le coolie trade est une pratique instaurée par les grandes puissances coloniales à la suite de l’abolition de l’esclavage. Pour compenser la perte d’une main-d’œuvre asservie, l’empire britannique fit appel aux populations les plus misérables d’Asie et institua un système moralement douteux : en échange de leur force de travail, l’État garantit aux travailleurs des salaires de misère, et les invita à travailler dans des conditions de travail telles que les anciens esclaves les avaient fuies.

Dubaï, aujourd’hui symbole de la puissance financière des Émirats, est une ville factice qui a émergé du désert en moins de trente ans. Sa population, forte de quelque 5 % d’Émiratis, est majoritairement composée de travailleurs étrangers : les expatriés occidentaux, au compte de grandes multinationales, et les ouvriers dépêchés pour subvenir à la nouvelle politique de grands travaux, ainsi que des domestiques, souvent des femmes, en provenance des Philippines.

Ces deux derniers groupes sont exploités, et ce sans discrimination de sexe. À l’instar des anciens coolies, ils ont des conditions de travail effroyables : papiers confisqués par leur employeur à leur arrivée à Dubaï, salaires de misère… Le mode opératoire est toujours le même : les travailleurs quittent leur pays natal après qu’on leur a fait miroiter une somme qui leur permettrait de soutenir leur famille. La réalité est toute autre : la plupart des bonnes perçoivent un salaire très inférieur à celui dû et sont fréquemment victimes de viols (1) comme cette jeune Éthiopienne qui s’est suicidée en décembre dernier. Les travailleurs immigrés masculins sont logés à la même enseigne. La tour de Burj Khalifa, du haut de ses 828 mètres, fleuron de la politique de grands travaux, a nécessité l’emploi de plus de 10 000 travailleurs, œuvrant au prestige de la ville pour quelque 2,85 euros par jour, sans filet de sécurité ni harnais. Ces pratiques alarmantes font douter de la véracité du nombre de morts déclaré pendant la construction (un seul), alors que l’ONG Human Rights Watch n’a cessé de dénoncer le surmenage et les suicides des ouvriers. Bâtisseurs du prestige de Dubaï, les travailleurs, le soir venu, sont dérobés aux yeux des touristes dans un bidonville à quelques dizaines de kilomètres du centre-ville.

Rares sont ceux à connaître un sort plus enviable que leurs ancêtres coolies. Ces travailleurs pauvres sont les esclaves modernes, victimes corvéables de leur misère natale et d’un capitalisme dément. Avec la mondialisation, les pays de la péninsule Arabique disposant d’une nouvelle manne financière se sont lancés dans une modernisation effrénée pour s’imposer comme un modèle régional, un acteur mondial, et surpasser le modèle occidental des pays dits développés. Dubaï est l’image même de tous les excès de nos sociétés d’hyperconsommation, au prix du sang et des larmes des travailleurs bafoués.

philippines, esclavage, libres-échanges, dubaï, burj khalifaLe non-respect des droits de l’homme est symptomatique de la région. À l’heure où Dubaï réussit à s’imposer à l’international, cette mentalité, cette conception de l’autre, permet de douter de la légitimité d’un modèle cynique qui s’appuie sur la négation de l’autre, une traite immonde, une forme d’esclavage moderne. Ce modèle qui prône la puissance de l’argent réduit l’autre à une simple bourse, ou une force de travail qu’il convient de réduire à l’impuissance.

 (1) Lire le dossier de Courrier international n° 1130, juin 2012.

Ambre Froment et Dounia Boumaza, 18 et 17 ans , publié dans l'Humanité spécial jeunes

04/02/2013

Mariela Castro Espin: «Cuba surprend toujours, même nous, nous surprenons»

Cuba après Fidel Castro, education, droit, cuba, raul castro, fidel castroFille du président Raul Castro et de Vilma Espin, grande figure de la révolution cubaine, aujourd’hui disparue, Mariela Castro Espin, âgée de quarante-neuf ans, est directrice du Centre national d’éducation sexuelle cubain (Cenesex). Rebelle, militante opiniâtre des droits des homosexuels et des transsexuels, longtemps discriminés, elle est à l’origine d’importants changements les concernant. Entretien.

Vous menez depuis plusieurs années un combat en faveur de la liberté d’orientation sexuelle et de l’identité du genre à Cuba. Où en êtes-vous actuellement ?

Mariela Castro. Nous sommes dans un bon moment. C’est le résultat d’un travail de plusieurs années. Depuis la création de la Fédération des femmes cubaines, dans les années soixante, des chemins ont été ouverts et ont permis peu à peu de désarticuler les préjugés liés à la sexualité et au genre. Ce travail nous a permis d’aborder avant de les affronter d’autres formes de discriminations qui existent tous les jours dans notre culture et notre société.

S’agissant de l’homophobie, changer la façon de penser de toute une société n’est pas facile. Mais chaque action peut réussir, par le biais d’une incidence, dans le domaine éducatif, s’appuyant sur les moyens de communication, télévision et radio, dans le cadre d’une stratégie complexe. Il faut être partout. Cela implique la présence d’une volonté politique pour opérer tous ces changements et qu’elle soit exprimée par le biais d’une loi concrète, explicite, qui puisse s’emparer de ce problème.

Vous avez élaboré un projet de loi, avance-t-il ?

Mariela Castro. Une de nos propositions législatives concerne le Code de la famille, code civil approuvé en 1975, à l’initiative de l’organisation des femmes, et largement discuté. Ce Code fonctionne mais, depuis plus de quinze ans, nous participons, en tant qu’institution, au combat de la Fédération des femmes cubaines pour le transformer afin de mieux garantir les droits des femmes, des enfants, des handicapés et des personnes âgées. Dans cette logique, le Cenesex propose un nouvel article incluant la libre orientation sexuelle et l’identité des genres.

Ce n’est pas un Code dont l’accomplissement est obligatoire, mais il sert à établir des valeurs au sein de la famille. J’ajoute que ce Code, une fois qu’il sera voté, devra inclure par la suite d’autres éléments parce que beaucoup d’autres législations vont aussi changer. Avec la nouvelle loi, les transsexuels auront le droit de modifier leurs documents d’identité. Ce qui suppose qu’ils soient soumis à une intervention chirurgicale pour changer de sexe. En 2008, nous avons déjà réussi, sous l’égide du ministère de la Santé, à établir des procédures d’assistance de santé spécialisée dont les personnes transsexuelles ont besoin, y compris pour le changement de sexe.

Ces interventions sont totalement gratuites et rentrent dans le budget de l’État. Nous sommes le seul pays à l’avoir fait complètement. Mais on ne change pas encore les identités, s’il n’y a pas d’intervention chirurgicale. Tel est le projet de loi. Il est rédigé, il ne reste plus qu’à le présenter à la discussion politique.

Ne vous êtes-vous pas heurtée à des obstacles d’ordre politique et religieux ?

Mariela Castro. Les freins ne sont pas les préjugés de toute la population. Dans cette société hétérogène dans laquelle nous vivons, dans les églises, et même dans d’autres structures existantes, des gens nous soutiennent et d’autres pas. Des responsables religieux sont d’accord, d’autres non. Il n’y a pas de confrontation avec le Parti communiste et son département idéologique, ni avec le médiateur qui a été très attentif et respectueux.

Nous leur avons exposé nos arguments et ils ont eux-mêmes dialogué avec les religieux qui n’étaient pas d’accord. Il n’y a pas de malaise, des soucis oui, mais pas de malaise. Nous avons parlé de notre préoccupation à ne pas transgresser les personnes, à ne pas leur porter atteinte. Seul le dialogue peut régler les contradictions. Mais il y a des points sur lesquels nous ne céderons pas, par exemple, les opérations pour le changement de sexe.

Nous le considérons comme un traitement de santé et là, nous ne transigerons pas. Il faut le faire, c’est un droit. Nous savons que, par rapport au mariage des personnes de même sexe, plusieurs églises ne l’approuvent pas. Plutôt que de créer une catégorie avec le mariage homosexuel, ce n’est pas nécessaire, nous proposons une union légale qui puisse garantir les droits des personnes de même genre. Elles ne doivent pas être discriminées, ni exclues.

L’objectif est qu’elles aient les mêmes garanties que les couples hétérosexuels, notamment du point de vue du patrimoine. Notre proposition est l’union consensuelle : les couples de même sexe ont les mêmes droits que les couples de sexe différent. Il n’y a pas de différence. On ne parle pas d’adoption.

"Une société en transition socialiste telle que la société cubaine doit être vigilante à ne pas reproduire les mécanismes de domination préexistants"

Même si on pouvait l’envisager, ce que je pense, les résistances sont là. Au fur et à mesure que notre population avance et qu’elle surmontera ses préjugés, ce ne sera pas un souci. Nous avons observé le processus de progrès législatifs dans d’autres pays, même européens, et ils ont dû procéder de la même manière, commencer par une chose d’abord et passer à une autre.

En ce qui nous concerne, nous ne proposons ni mariage, ni adoption des mineurs. Nous avançons dans la reconnaissance des droits de la population et du genre.

S’agit-il d’une bataille d’émancipation dans le cadre du processus révolutionnaire cubain ?

Mariela Castro. Bien entendu ! C’est la plate-forme, le scénario. Moi, j’ai une formation marxiste qui me permet de comprendre la société dans laquelle je vis et ce que nous entendons par socialisme. Une société en transition socialiste telle que la société cubaine doit être vigilante à ne pas reproduire les mécanismes de domination préexistants.

Je pense que cette bataille pour la dignité pleine des personnes est en cohérence avec un processus de transformation sociale pour l’émancipation des êtres humains qu’est le socialisme. Cette idée, on ne peut pas la perdre de vue. Sans elle, justement, on continue ailleurs à reproduire les mêmes schémas avec les femmes, les homosexuels ou les immigrants.

Pour la première fois dans l’histoire du PCC, dans le document qui sera présenté à la conférence nationale en janvier 2012, on parle des droits à l’orientation sexuelle. On le discute dans toute la population. Nous, au Cenesex, nous avons fait pas mal de suggestions, notamment d’y inclure le concept d’identité des genres et non seulement l’orientation sexuelle. Car, avec cette identité, on a la protection des personnes par rapport au genre.

Vous parlez du respect de la personne humaine et de ses droits pleins et entiers, n’y a-t-il pas aussi d’autres combats à mener sur la liberté d’expression ?

Mariela Castro. Personne ne peut nous empêcher de nous exprimer. Ça, c’est un mythe. Personne ne peut se taire à Cuba. Le système colonial espagnol n’a pas pu nous faire taire, ni le colonialisme nord-américain, pas plus que la dictature militaire imposée par les États-Unis. Nous avons toujours dit ce que nous pensons. Chacun est maître de ce qu’il dit, de ce qu’il fait. Il faut aussi en assumer la responsabilité.

 La liberté, c’est assumer ses responsabilités, de jouer le tout pour le tout, de prendre des décisions. Et c’est vrai partout. Par rapport à la liberté de la presse, je serais tenté de dire que nulle part elle n’existe. Elle dépend de ceux qui maîtrisent les moyens de communication, les propriétaires, les groupes financiers, les actionnaires, les éditeurs, la politique d’État.

À Cuba, il y a un grand nombre de blogs indépendants et des milliers de blogueurs intéressants, courageux dans leurs remises en questions tout en assumant leurs responsabilités, sans apport d’argent d’un pays qui veut nous maîtriser, nous harceler. Certes, un petit nombre d’entre eux reçoivent de l’argent du gouvernement des États-Unis pour inventer des histoires contre Cuba.

"Qui connaît vraiment, autrement que par la déformation, la réalité quotidienne des Cubains et leur capacité d'avancer?"

Depuis plus de cinquante ans, nous subissons une véritable guerre idéologique dans le but d’achever la révolution. La campagne médiatique contre Cuba est de plus en forte. Le département d’État américain y a injecté plus de 20 millions de dollars. Avec cet argent, il paie des blogueurs, des journalistes nord-américains ou européens, pour nous discréditer. Mais qui connaît vraiment, autrement que par la déformation, la réalité quotidienne des Cubains et leur capacité d’avancer ?

Concernant Cuba, je souhaiterais une presse plus critique, qui fasse un vrai travail d’enquête. Et critiquer ne veut pas dire manquer de respect si cela répond à l’éthique journalistique.

Un seul parti dominant la politique cubaine, est-ce suffisant ?

Mariela Castro. Bon ! Celui qui a inventé le parti unique, ce n’est pas Fidel, mais José Marti. Face à la menace étrangère, il n’y avait pas d’autre option que de rallier la volonté des Cubains, ce que Marti appelait le «parti révolutionnaire». Le PCC a hérité de ce parti révolutionnaire créé par José Marti.

Grâce à l’unité dans ce parti unique, on a réussi à gagner l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne, mais elle a été frustrée du fait de l’intervention nord-américaine. Les Cubains se sont encore unis pour accéder à leur souveraineté. C’est pourquoi c’est un parti qui comprend énormément de diversité, inclut les religions et a différentes positions. Mais le principe est très clair sur la souveraineté nationale, la défense de cette souveraineté, le développement du pays sur la base de la justice et de l’équité sociale.

Voilà, c’est ça, le projet. Le peuple cubain a ce qu’il veut. Le PCC ne postule pas aux mandats électifs, c’est le peuple dans les quartiers qui décide et postule.

Quel est le sens de la formule de votre père, Raul Castro, quand il dit : il faut avancer 
« pas à pas » ?

Mariela Castro. Tout changement brusque peut être d’une grande irresponsabilité. Le processus de construction et le changement d’état d’esprit exigent du temps, beaucoup plus qu’une consultation populaire. Quand il dit «pas à pas», c’est consolider chaque pas que l’on fait, ne pas être superficiel et n’oublier personne. Il m’a dit à plusieurs reprises d’essayer d’avoir un point de vue éducatif auprès de la population avant de l’amener sur un projet de loi, sinon celle-ci ne sera jamais votée.

 Ce que nous avons fait en sensibilisant les Cubains, les députés. Lui travaille dans ce sens, je crois que c’est un bon stratège. Des gens aimeraient que Cuba se presse dans les changements. Lui répond : «Je voudrais me presser, mais je ne peux pas imposer.» Il faut trouver un certain consensus, tout au moins, pouvoir compter sur la majorité.

Quelles sont les priorités pour les Cubains aujourd’hui ?

Mariela Castro. Des tas de choses ! Surtout il s’agit de renforcer notre économie pour être autosuffisants. D’une certaine manière, le tourisme peut nous aider à réaliser des progrès. Malgré le blocus économique et commercial envers Cuba, le tourisme nord-américain a augmenté de façon incroyable. Les Nord-Américains ont envie de venir à Cuba, nombreux arrivent par des voies détournées pour ne pas être pénalisés aux États-Unis.

Le fait d’être sanctionnés par la loi du blocus est, au passage, est une violation des droits des citoyens nord-américains et de la Constitution. Alors, oui, il nous faut avancer, créer de nouveaux mécanismes. Et ça vient ! Cuba surprend toujours, même nous, nous surprenons.

À son élection, Obama avait nourri quelques espoirs vis-à-vis de Cuba. Mais rien n’a changé…

Mariela Castro. Obama ne s’est pas acquitté des responsabilités de son programme. Les États-Unis continuent à être hégémoniques. Ils sont la police du monde, ils nous contrôlent tous. Je constate que l’Europe leur a emboîté le pas en établissant une position commune contre Cuba. C’est d’un cynisme ! Cela démontre qu’elle est subordonnée à la politique des États-Unis.

Vous êtes la fille de Raul et la nièce de Fidel. L’héritage n’est-il pas trop lourd à porter ?

Mariela Castro. Parfois oui, parfois non ! Non pour tout ce qu’on vous fait porter de façon symbolique par rapport à l’héritage familial. Certains inventent une responsabilité qu’ils aimeraient me voir endosser, qui ne me correspond pas ; d’autres veulent que, dans l’avenir, je sois présidente de la République. S’ils me connaissaient bien, ils ne le voudraient pas ! Cela n’a rien à voir avec mes aspirations.

D’autre part, j’ai reçu beaucoup de gratifications à Cuba et dans de nombreux pays. On m’a dit des choses très belles, pleines d’admiration, de respect, d’affection et de remerciements. On m’a raconté des anecdotes de mes parents que j’ignorais. Alors je me sens fière de la famille dans laquelle je suis née. Ils m’ont transmis des valeurs, une éthique. Et si je suis rebelle, ce n’est pas de ma faute, c’est de la leur. Ils l’ont été beaucoup plus que moi et continuent de l’être, c’est pourquoi j’ai beaucoup d’admiration. Mais moi, je ne veux pas être comme eux.

À lire :

--> Raul vu par Mariela...

Entretien réalisé par Bernard Duraud pour l'Humanité

 

25/01/2013

Les 100 personnes les plus riches ont un revenu annuel qui pourrait permettre d'éradiquer quatre fois la pauvreté

pauvrete.jpgINÉGALITÉS – Du 23 au 27 janvier, les grands de ce monde se retrouvent à Davos, petite station de sports d'hiver du canton des Grisons en Suisse, pour la traditionnelle réunion annuelle du Forum économique mondial.

Les semaines précédant le sommet, lobbys et ONG ont coutume de mettre en lumière quelques-uns des problèmes les plus urgents de la planète à grands coups de rapports et de mises en perspectives déroutantes. À quelques jours de la 43e édition du rassemblement, l'organisation humanitaire Oxfam n'a pas dérogé à la règle en dévoilant son rapport sur les inégalités, "The cost of inequality : how wealth and income extremes hurt us all". Avec une idée choc: le revenu annuel des 100 personnes les plus riches pourrait permettre d'éradiquer quatre fois la pauvreté.

 Un "new-deal" pour lutter contre les inégalités ? Dans son rapport, la confédération d'ONG britannique cite l'Index des Millardaires de Bloomberg dont la dernière version estime à 240 milliards de dollars, le revenu net des 100 personnes les plus riches du monde en 2012.

Barbara Stocking, directeur-général d'Oxfam, indique qu'au cours des vingt dernières années les personnes les plus aisées de la planète, qui représentent à peine 1% de la population mondiale, ont vu leurs revenus augmenter de 60%.

 A l'inverse, les plus démunis tentent de survivre tant bien que mal avec moins d'un dollars et 15 cents par jour. Citant le Brésil en exemple de pays qui a su allier une forte croissance à une réduction des inégalités, l'organisation souligne également que l'accroissement de l'écart entre riches et pauvres va à l'encontre de toute productivité économique et met en péril la démocratie en exacerbant les tensions sociales.

 Aussi, Oxfam somme-t-il les dirigeants mondiaux à s'engager dans un "new-deal mondial" pour ramener les inégalités à leur niveau de 1990 en luttant contre l'extrême richesse (fermeture des paradis fiscaux, fiscalité plus agressive, taux minimum d'imposition pour les entreprises à échelle mondiale, gratuité des services publics).

Un cri d'alarme qui sonne comme un avertissement à destination de la cinquantaine de chefs d'État et de gouvernement et des chefs d'entreprises et décideurs économiques qui sont attendus dans la station suisse à partir de mercredi pour débattre de la relance de l'économie mondiale et des conflits au Mali et en Syrie.

Publié dans Huffingtonpost

18:51 Publié dans Actualités, Economie, Planète | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pauvreté, richesse, monde, inégalités | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!