19/06/2024
« Sinjar, naissance des fantômes » : les esclaves sexuelles de Daech témoignent
Le 3 août 2014, le groupe « État islamique » s’est lancé à la conquête de la région du mont Sinjar, en Irak, capturant des milliers de femmes et massacrant les hommes. Un documentaire exceptionnel revient sur ces années terribles et les fantômes qui hantent encore ces femmes.
« Je suis la mémoire et la douleur est mon nom. Nous, Yézidis, nous sommes tous morts. » Le documentaire d‘Alexe Liebert s’ouvre sur ces phrases terribles, glaçantes. L’écran est noir et nous sommes seuls avec des mots qui résonnent d’autant plus durement qu’on se souvient des Yézidis.
Personne ne savait très bien de qui il s’agissait, ni ne connaissait l’endroit où ils vivaient. C’était à l’été 2014. Il y a dix ans. Un horrible été marqué par la proclamation de l’« État islamique » dans la ville irakienne de Mossoul. Et très vite, le 3 août, les Yézidis ont fait la une de l’actualité.
Ils étaient attaqués par les djihadistes. Les hommes et les vieillards massacrés, les femmes et les filles enlevées, les maisons brûlées. Ils se sont réfugiés au sommet d’une montagne et ont attendu l’aide internationale, qui n’est pas arrivée.
Seuls les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), l’organisation d’Abdullah Öcalan, sont venus à leur secours, les armes à la main, mettant un terme au génocide en cours. Mais des milliers de femmes ont disparu, devenues esclaves sexuelles à Raqqa, Deir ez-Zor en Syrie, et même vendues à de riches Soudanais, Jordaniens ou Saoudiens.
Une minorité religieuse unique
Accompagnée du photographe Michel Slomka, la réalisatrice Alexe Liebert a commencé à s’intéresser à l’histoire de ces populations en 2015. Puis, en 2017, le binôme s’est rendu sur place. La zone où vivent les Yézidis dans leur grande majorité est le Sinjar, en territoire irakien, tout contre la frontière avec la Syrie.
D’origine kurde, ils représentent une minorité religieuse unique, mélange de zoroastrisme et autres cultes perses de l’Antiquité. Ils vénèrent Malek Taus, ou l’ange Paon. Dans leur histoire, ils ont vécu des dizaines de massacres mais sont toujours là, peuple montagnard semi-nomade à l’hospitalité légendaire.
Le documentaire est intelligemment construit, qui permet de s’immerger dans l’environnement naturel de ce peuple, d’entendre son chant décrivant ses souffrances et, bien sûr, de recevoir des témoignages forts. « Quelle religion, quelle croyance autorisent la vente des femmes ? » demande le chanteur.
Le sort des enfants enlevés
Se succèdent alors des portraits de femmes, toutes se tordant les mains, le regard fuyant comme cherchant à échapper aux souvenirs, aux fantômes. Puis la parole se libère, souvent accompagnée de larmes. Comment pourrait-il en être autrement en entendant cette violence : le viol permanent, les coups, voire les meurtres. Sur un téléphone récupéré, une annonce reste gravée : « Esclave sexuelle à vendre. Belle, grande, élancée, obéissante. 12 000 $. » Alexe Liebert revient ensuite sur le sort des enfants enlevés, leur traumatisme et surtout leur endoctrinement. Ils ne parlent plus kurde, s’étonnent de voir les femmes non voilées et s’exclament : « Si mon père était là, il vous couperait la tête ! »
Des témoignages rendus possibles car des groupes d’hommes se sont organisés pour les récupérer après des contacts secrets téléphoniques, payant des passeurs, risquant eux-mêmes leur vie. Un documentaire exceptionnel à bien des égards, à voir absolument.
Sinjar, naissance des fantômes, d’Alexe Liebert, France, 1 h 43, sortie en salles le 19 juin 2024.
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13/06/2024
De l’électricité pour l’industrie
Peut-on vraiment décarboner l’industrie, alors qu’elle fonctionne encore pour beaucoup au charbon, au gaz et au pétrole ? L’enjeu est simple : ne pas y parvenir signifierait ne pas atteindre les objectifs climatiques décidés en 2009 et 2015 et donc s’engager dans un réchauffement aux conséquences ingérables, en particulier pour les populations et pays pauvres. Bonne nouvelle, annonce une étude 1 du Fraunhofer Institute, un centre de recherche allemand, électrifier la plupart des procédés industriels les plus émetteurs de gaz à effet de serre utilisés dans l’Union européenne est possible.
Le plus gros paquet à gérer ? La chaleur. Les trois quarts des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie européenne proviennent de la combustion d’énergies fossiles pour produire de la chaleur. Usines de la chimie, aciéries, cimenteries, fabrication du papier, agroalimentaire, produits manufacturés… Or, montre cette étude, il est possible d’éviter 90 % des émissions associées d’ici à 2035 par l’utilisation de technologies électriques déjà éprouvées ou démontrées comme les torches à plasma, les arcs électriques, l’induction, etc. Qu’il s’agisse des 200 °C à 500 °C des usines chimiques ou des 2 500 °C nécessaires à la sidérurgie et les forges des aciéries, les technologies électriques sont désormais en capacité de les fournir.
Des politiques publiques nationales et européennes, incitatives ou réglementaires, visant à éradiquer les émissions de gaz à effet de serre des industries sont donc techniquement possibles. Et dans des délais correspondant à l’urgence climatique si les investissements massifs permettant cette conversion à grande échelle sont réalisés.
Il restera à assurer l’alimentation en électricité bas-carbone de ces futurs équipements. Aujourd’hui, environ le tiers de la demande énergétique de ces secteurs est alimenté en électricité, pour environ 1 000 térawattheures par an (le double de la consommation électrique française totale en 2023). Il faudrait donc y ajouter environ 2 000 TWh par an à capacité industrielle inchangée. Un objectif tout sauf marginal, comparé aux 2 600 TWh de la production totale d’électricité de l’Union européenne actuelle. En outre, cette production est encore à près de 40 % réalisée à partir de gaz et de charbon, ce qu’il faut éliminer.
Ces calculs en ordre de grandeur indiquent clairement que le débat qui oppose le nucléaire et les renouvelables est en contradiction totale avec les enjeux climatiques. Seul un développement hardi de ces deux sources d’électricité bas-carbone est susceptible de répondre aux besoins de l’industrie comme de la vie quotidienne des Européens dans le respect des objectifs climatiques.
- Fraunhofer ISI (2024) : Direct Electrification of Industrial Process Heat. An Assessment of Technologies, Potentials and Future Prospects for the EU. Study on Behalf of Agora Industry. Alexandra Langenheld et al. ↩︎
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31/05/2024
Cancer du sein : l'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, une proposition de loi prévoyant une meilleure prise en charge des soins
Les députés ont adopté en première lecture une proposition de loi portée par le député communiste Fabien Roussel (Gauche démocrate et républicaine), "visant la prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein par l'Assurance maladie", à l'exclusion des dépassements d'honoraires. Le texte doit maintenant être examiné par le Sénat.
Améliorer la prise en charge du "cancer le plus violent et qui frappe le plus de monde dans notre pays". Ce sont les mots du député communiste Fabien Roussel, expliquant l'objectif de sa proposition de loi adoptée à l'unanimité, en première lecture par l'Assemblée nationale. Le texte, "visant la prise en charge intégrale des soins liés au traitement du cancer du sein par l'Assurance maladie", était présenté dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe Gauche démocrate et républicaine, du jeudi 30 mai.
Si le cancer du sein est reconnu comme affection longue durée (ALD), permettant la prise en charge complète des traitements (chirurgie, chimiothérapie...), les patientes ont dans les faits un reste à charge, plus ou moins important en fonction de leur complémentaire. En cause, explique Fabien Roussel, les participations forfaitaires et franchises, les dépassements d’honoraires engagés pour des soins comme la chirurgie de reconstruction après l’ablation du sein, l’achat des dispositifs médicaux ou produits de santé prescrits dans le cadre des traitements (sous-vêtements chirurgicaux, renouvellement de la prothèse mammaire, vitamines, crèmes et vernis, etc.) ou encore les frais engagés pour l’accès aux "soins de support", tels que l’activité physique adaptée, les consultations de diététique, le suivi psychologique...
La proposition de loi du secrétaire national du Parti communiste prévoit donc une prise en charge de ces soins "consécutifs" à la maladie, afin de remédier à cette "injustice". Contrairement au texte initial, selon le rapporteur du texte - sans que ne soient cependant pris en charge les dépassements d'honoraires, ce qui était prévu par le texte initial, mais pas dans la version votée en commission, puis dans l'hémicycle. Au cours des débats, Jean-François Rousset (Renaissance) a pointé un risque "inflationniste" si les dépassements d'honoraires étaient inclus dans le dispositif, un point de vue partagé par par Nathalie Serre (Les Républicains).
"Le cancer féminin le plus meurtrier"
"Le cancer du sein meurtrit profondément les femmes", a défendu Fabien Roussel. Plus de 60 000 personnes ont été atteintes par ce cancer l'année dernière, dont 99% sont des femmes. Ce cancer est également "le cancer plus meurtrier" chez les femmes, avec 12 000 décès en 2023. Détecté rapidement, la rémission est possible dans neuf cas sur dix en cas de diagnostic précoce, selon les chiffres de l'Assurance maladie.
Le député communiste, témoignages à l'appui, a souhaité convaincre des conséquences profondes du cancer du sein sur l'existence des femmes, et de la nécessité de combler les "trous dans la raquette", face à "des craintes d'assumer des dépenses qui ne sont pas prises en charge". Le texte permet notamment, par l'article 1, l'exemption de forfait journalier hospitalier et la prise en charge intégrale des prothèses mammaires et capillaires, ainsi que des soins de support, afin de diminuer le reste à charge "dont le niveau [...] se chiffre en plusieurs centaines d'euros, voire davantage".
Un risque de "rupture d'égalité"
En séance, le ministre délégué en charge de la Santé et de la Prévention, Frédéric Valletoux, a dit craindre une "réponse partielle". En créant un régime dérogatoire pour le cancer du sein, par rapport aux autres affections longue durée, il a estimé que la proposition de loi portait un risque de "rupture d'égalité et de traitement" en matière d'accès aux soins, au point de créer potentiellement une "inégalité flagrante".
Saluant l'intention du texte de Fabien Roussel, la présidente de la commission des affaires sociales, Charlotte Parmentier-Lecocq, a tenu à rappeler "l'importance du dépistage" du cancer du sein. Considérant que la proposition de loi, telle qu'elle a été retravaillée, apporte de "vraies réponses", elle a cependant évoqué, elle aussi, l'introduction d'une "différence de prise en charge, spécifiquement pour le cancer du sein", qui impliquera une réflexion dans le cadre de la navette parlementaire. Charlotte Parmentier-Lecocq a, en outre, indiqué que la commission des affaires sociales avait décidé de créer une mission sur la question des dépassements d'honoraires, qui se pose pour le cancer du sein, mais aussi pour de nombreuses pathologies, afin d'étudier "la manière d'améliorer leur prise en charge".
Après son adoption à l'unanimité en première lecture - Fabien Roussel se félicitant à ce stade d'une "loi de compromis" - le texte doit maintenant être examiné par le Sénat pour continuer son parcours législatif.
12:11 Publié dans Actualités, Connaissances, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fabien roussel, cancer | |
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29/05/2024
Manon Ovion, des Vertbaudet : « Je me suis trompée, la politique impacte nos vies »
Visage de la lutte des Vertbaudet, elle a mené la longue grève de 84 jours qui a permis d'arracher des hausses de salaires. La Roubaisienne Manon Ovion revient sur ce mouvement historique de 2023 et sur sa participation à la liste PCF aux élections européennes.
Au printemps 2023, une centaine d’ouvriers de Vertbaudet, un spécialiste du prêt-à-porter pour enfants, se lançaient dans un long combat. Leur objectif ? Obtenir de meilleurs salaires, tandis que la vente en ligne explose et les cadences de travail avec.
Ce mouvement, ancré sur le piquet de grève de Marquette-lez-Lille (Nord) et essentiellement porté par les travailleuses, a marqué le paysage social, alors que l’exécutif forçait les actifs à travailler deux ans de plus, avec sa réforme des retraites. La déléguée syndicale CGT, Manon Ovion, est apparue comme le visage de ce mouvement : une femme, jeune, mère de famille, qui a tenu tête à une direction fermée à toutes médiations. Jusqu’à la victoire de ces ouvrières.
Pensiez-vous tenir durant 84 jours ?
Non. Nous avons fini ce combat avec 75 collègues grévistes. L’inflation nous prenait aux tripes. Il était primordial que l’employeur nous augmente, améliore nos conditions de travail et embauche les intérimaires. En novembre 2022, la CGT venait d’être représentative aux élections professionnelles. L’accord NAO, que nous n’avions pas signé, ne comprenait aucune augmentation. Ce n’était pas entendable.
Les femmes sont majoritaires à Vertbaudet. Beaucoup sont des mères isolées. Nous rencontrons un fort taux de maladies professionnelles. L’usure de notre santé est quotidienne. Tout cela avec des salaires qui ne nous permettant pas de vivre dignement. Or, avec la vente par correspondance, Vertbaudet a vu son chiffre d’affaires exploser, dépassant les 350 millions d’euros lors du Covid.
Votre piquet a été violemment évacué à plusieurs reprises. Un élu syndical a été agressé devant chez lui. Qu’est-ce que cela traduit ?
Forcément, en nous mettant en grève, on ignorait l’ampleur qu’allait prendre notre combat. Mais nous ne pouvons oublier la répression policière. Une de nos collègues, en rémission d’un cancer, s’est fait traîner par le cou sur plusieurs mètres. Ne pouvant s’en remettre, elle a signé une rupture conventionnelle. Le piquet de grève a été tenu nuit et jour. La direction a politisé cette grève.
« Jusque-là, dans mon entrepôt, des salariées partaient en retraite sans avoir dépassé le Smic malgré trente ans d’ancienneté. »
Manon Ovion
Le siège social de Vertbaudet est à Tourcoing, le fief de Gérald Darmanin. Nous avons vu débarquer les CRS tous les deux jours, juste pour nous intimider. L’entreprise appartient à un fonds de pension, Equistone Partners Europe, dont le directeur parisien est Édouard Fillon, fils de l’ancien premier ministre. Tout ce petit monde s’organisait pour ne rien nous lâcher.
Mais, de notre côté, il était inconcevable de reprendre le travail sans que la direction ne cède sur nos augmentations de salaires. Et nous avons arraché entre 4 et 7 % d’augmentation. Jusque-là, dans mon entrepôt, des salariées partaient en retraite sans avoir dépassé le Smic malgré trente ans d’ancienneté. Et avec la réforme des retraites, on nous a demandé de nous user deux ans de plus au travail, pour ne rien gagner en plus…
Auparavant, le recours à la grève était-il courant chez Vertbaudet ?
Sur le piquet de grève, nous avons fêté les 60 ans de Vertbaudet ! Avant, les conflits sociaux pouvaient se résumer à une heure de grève symbolique, afin de mettre un coup de pression sur l’employeur. Je suis arrivée en 2012. Je n’avais jamais fait une journée de grève.
Nous avons d’abord été surpris par l’ampleur de ce mouvement. Mais faut-il vraiment s’étonner que la colère explose, alors que des collègues n’arrivent pas à vivre de leur travail ? Chez nous, des salariées vont au Secours populaire. Pour certaines, après avoir payé les factures, dégager de l’argent pour manger est une première victoire. Nous n’avions plus rien à perdre, pas même notre emploi. Un Smic se trouve chez d’autres employeurs.
Marquette-lez-Lille est devenue la capitale des conflits sociaux sur les salaires après la réforme des retraites. De nombreux leaders de gauche sont venus. Étiez-vous prête à une telle médiatisation ?
Clairement non. Au-delà de la médiatisation, un élan de solidarité s’est engagé autour de nous. Sur notre piquet de grève, des automobilistes s’arrêtaient pour nous soutenir. Nous pouvions ainsi récupérer jusqu’à 800 euros certains jours avec la caisse de grève.
« Le sexisme est démultiplié lors d’une grève. »
Manon Ovion
Des gens sont venus nous apporter à manger. Une Belge est venue avec une pile de crêpes immenses. Tous ces gestes de soutien nous ont donné la force de tenir. Par ailleurs, l’appel au boycott, par Sophie Binet, de la marque Vertbaudet, a fait beaucoup de mal à la direction.
Cependant, le conflit a parfois été compliqué dans les familles. J’ai eu la chance de pouvoir compter sur mon époux. Des collègues ont quitté la bataille, non pas par manque de conviction, mais par désaccord à la maison. Le sexisme est démultiplié lors d’une grève.
Après ce conflit, la direction a-t-elle changé d’attitude ?
On ne gagne pas des avancées avec du dialogue social, mais avec un rapport de force. Désormais, il est plus en notre faveur à Vertbaudet. Alors que les patrons voulaient nous diviser, pour mieux régner, nous avons gagné de la solidarité entre les salariés. C’est un atout majeur. Au total, sur 250 salariés, nous sommes passés de 15 syndiqués CGT à une grosse centaine.
Vous travaillez à Vertbaudet depuis vos 20 ans. Quelles sont les sources de votre engagement syndical ?
Je ne viens pas d’une famille militante. Mais je suis issue d’une famille ouvrière. Je porte cet héritage. Il n’y a pas de sous-métiers, juste des métiers sous-payés. En 2019, j’étais dans le collimateur de mon agent de maîtrise. Je subissais des pressions quotidiennes, allant jusqu’à du harcèlement. À l’époque, j’enregistrais les retours de produits, à l’aide d’un bipeur. Mais l’outil de travail captait mal. Je multipliais donc les allers-retours entre le bureau du chef, où il y avait des recharges, et l’endroit où j’étais postée. Des toilettes se trouvent sur ce trajet.
Un jour, j’ai eu le malheur d’aller faire une halte pipi, cinq minutes avant la pause. Mon chef m’a attendu à la sortie des toilettes pour me passer un savon. J’ai explosé devant mes collègues. À la suite de cette histoire, j’ai décidé de me syndiquer.
J’ai poussé la porte de l’union locale CGT de Tourcoing, car je ne me voyais pas m’engager dans un autre syndicat. Problème : nous n’étions que quatre cégétistes dans l’entrepôt. J’ai donc été désignée représentante de la section syndicale, mandatée par l’union locale.
En quoi consiste votre profession ?
J’ai arrêté l’école à 18 ans. Quand on n’a pas de diplôme, l’usine est une porte d’entrée facile pour trouver un emploi. À La Redoute, dans l’agroalimentaire… j’ai très vite connu le monde ouvrier. Désormais, je suis préparatrice de commandes. Si vous passez commande sur Internet, ce sont des petites mains comme les miennes qui préparent vos colis.
Nous travaillons sur des paquets pouvant contenir jusqu’à 300 pièces. Malgré mes engagements syndicaux, je travaille toujours 35 heures par semaine sur mon poste de travail. C’est usant. Nous faisons entre 15 et 25 kilomètres de marche quotidiennement.
Les objectifs de production fixés par la direction sont de 175 articles par heure. Il faut beaucoup d’énergie pour tenir la cadence, sinon, nous subissons des coups de pression.
Vous figurez sur la liste menée par Léon Deffontaines (PCF) pour les élections européennes. Pourquoi ce choix ?
Sans les relais politiques, les Vertbaudet n’auraient pas pu tenir aussi longtemps. Avec les communistes, j’ai lié des attaches particulières sur le piquet de grève. Étant donné mon histoire familiale, je ne me voyais pas me rapprocher d’un autre parti.
Mais à vrai dire, je n’ai pas voté depuis longtemps. Je n’ai pas honte de le dire, je me suis trompée : la politique impacte énormément nos vies. Les enjeux de conditions de travail et de salaires doivent sortir des murs des entreprises, pour unir l’ensemble des travailleurs.
La liste de Léon Deffontaines ressemble largement au monde du travail. C’est important. Les gens ne se retrouvent plus dans les discours politiques. Les travailleurs sont les mieux à même de décider ce qui est bon pour leurs vies et leurs entreprises.
C’est pourtant l’extrême droite qui semble avoir le vent en poupe chez les ouvriers et employés… Comment combattre cette résignation ?
Le fait que les partis de gauche se tirent autant dans les pattes n’est pas pour aider. Les gens ne se retrouvent plus dans la gauche. Ils ont le sentiment d’avoir été oubliés, délaissés, y compris par la gauche.
Pour les ouvriers, les employés, la perte de confiance est évidente. Or, l’extrême droite est tout sauf porteuse d’un projet social pour les travailleurs. C’est bien par l’organisation, la mobilisation collective que l’on peut faire changer les choses.
11:35 Publié dans Actualités, Connaissances, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : manon ovion, vert beaudet, pcf | |
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