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17/11/2018

Baisse de l'espérance de vie au Royaume-Uni et aux Etats-unis : quand la redistribution ne fonctionne plus et l'austérité tue

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Depuis deux ans l'espérance de vie diminue aux Etats-Unis et pour la première fois cette année également au Royaume-Uni. Les causes multiples de cette régression ne sont pas exactement les mêmes entre ces deux pays, mais les inégalités et l'accès au système de santé restent des facteurs communs qui soulignent les limites des politiques pratiquées outre-Manche et outre Atlantique.

L'espérance de vie stagne au Europe depuis plusieurs années, ce qui n'est pas une bonne nouvelle. Mais qu'elle aille jusqu'à reculer en Grande-Bretagne, la sixième économie mondiale, est un signal inquiétant qui alerte les spécialistes : des pans entiers de population subissent un recul alarmant de leurs conditions de vie. Les Etats-unis ont déjà entamé cette abaissement de la longévité depuis deux ans. Comment ces deux pays parmi les plus riches de la planète peuvent-ils produire de tels reculs ? 

Dans certaines régions des Etats-Unis l'espérance de vie est plus basse qu'au Bangladesh et au Viêt Nam.

Etats-Unis : chômage faible mais grande pauvreté

Etrangement, alors que de nombreux économistes montrent en exemple les Etats-Unis pour leur quasi plein emploi, avec 4% de chômage, c'est pourtant ce pays qui génère le plus grand nombre de pauvres et d'écarts salariaux au sein des pays développés. Les injustices sociales sont une caractéristique des Etats-Unis. Le candidat à la primare démocrate, Bernie Sanders faisait ce constat en 2016 : "Une vingtaine de personnes détient la même richesse que les 50 % les moins nantis du territoire américain". Plus de 5 millions d'Américains vivent avec moins de 4 dollars par jour et comme le soulignait le prix Nobel d'économie Angus Deaton dans un éditorial du New York Times fin 2017, : "Dans certaines régions [des Etats-Unis] comme le delta du Mississippi et les Appalaches, l'espérance de vie est plus basse qu'au Bangladesh et au Viêt Nam."

Les enfants américains sont ceux qui sont confrontés au plus haut niveau de pauvreté dans le monde occidental développé

Les calculs de taux de chômage aux Etats-unis ne reflètent pas la réalité de la bonne santé économique et sociale des citoyens : des millions de personnes ne sont pas comptabilisées comme étant sans emploi parce qu'elles sont soit en prison, subissant des mini-jobs, malades, ou simplement n'étant pas inscrites dans l'équivalent des pôles-emploi américains. Près de 45 millions de personnes sont considérées comme "pauvres", soit 13,5% de la population . Ces chiffres sont contestés par des universitaires qui estiment que la pauvreté aux Etats-Unis est bien plus importante. Une étude publiée fin 2009 sur la pauvreté des enfants fait ce constat effarant : "Les enfants américains sont ceux qui sont confrontés au plus haut niveau de pauvreté dans le monde occidental développé".

Les Etats-Unis sont le pays le plus riche du monde, avec les plus hauts revenus par habitants et pourtant une part importante de sa population vit dans de très mauvaises conditions, au point de faire baisser l'espérance de vie de l'ensemble de la nation. Les raisons concrètes de cette baisse sont connues et sont dûes principalement à la mauvaise alimentation, la difficulté d'accès aux soins, la prise de drogues et de médicaments opiacés.

Royaume-Uni : quand l'austérité tue

Le Royaume-Uni subit des problèmes d'inégalités sociales et de grande pauvreté depuis des décennies, mais avec une explosion de ceux-ci depuis 2011 : la crise financière de 2008 a incité les différents gouvernements britanniques à appliquer des cures d'austérité budgétaires drastiques.

Dans le quartier le plus cher de Londres, à Chelsea, les riches vivent en moyenne 16 ans de plus que les pauvres.

La longévité est en baisse au Pays de Galle et en Ecosse et cette baisse est clairement reliée au niveau de vie des habitants : francetvinfo explique que "Dans le quartier le plus cher de Londres, à Chelsea, les riches vivent en moyenne 16 ans de plus que les pauvres". 

La population la plus touchée et la plus fragile au Royaume-Uni est celle des personnes âgées qui ne peuvent souvent pas se payer une alimentation correcte, les prix ayant flambé, pas leurs pensions. Le budget du système de santé a été grévé et de nombreux services ne sont plus fournis, comme les repas livrés à domicile ou les bus en zone rurale. Les prises en charge de problèmes de santé causés par la pollution  sont le plus souvent effectuées en urgence. Alcoolisme, prises d'anti-dépresseurs, suicides causés par l'isolement social et économique : les personnes âgées meurent de plus en plus prématurément au Royaume-Uni.

Interrogé par Le Monde, un chercheur de l'université d'Oxford, Danny Dorling résume la situation : "Si plus de gens vivent sous le seuil de pauvreté, qu’on réduit les aides aux personnes âgées, que le budget du système de santé ne progresse pas, qu’il y a plus de sans-abri, peut-être qu’on ne devrait pas être surpris des conséquences".

Sachant que le taux de longévité a été "gonflé" par l'arrivée des jeunes immigrés polonais venus chercher du travail, la réalité de la baisse de l'espérance de vie britannique va très vite devenir difficile à cacher. Le chercheur Danny Dorling n'est pas optimiste et pense que cette baisse va continuer et s'amplifier. Le problème central qui n'est pour l'heure pas discuté, pour cause de batailles politiques sur le Brexit, est en fait celui de la redistribution des richesses. Mais l'Etat britannique ne semble pas désireux de s'emparer du sujet, surtout quand il se vante de son taux de chômage à 4% gagné par des mesures de restrictions des droits des chômeurs, de contrôles ultra sévères et de "contrats 0 heure"

 

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16/03/2018

On ne peut sortir du nucléaire civil comme on sort de sa douche

Gérard Le Puill, Journaliste et auteur

nucléaire2.jpgLa France insoumise propose de faire voter quelques milliers de Français dans un millier de lieux en faveur de fermeture rapide des centrales nucléaires qui produisent aujourd’hui 72% de l’électricité que nous consommons. Mais il convient de se demander quel sera le prix de l’électricité payé par les ménages au bout d’un tel processus, sans oublier ce que sera le bilan carbone de notre production électrique.

Celui de l’Allemagne est en augmentation constante depuis que ce pays a décidé de sortir du nucléaire. Le prix de l’électricité pour les ménages est également en hausse chez notre voisin.

Dimanche 11 mars, en Inde, Emmanuel Macron a inauguré en compagnie du Premier ministre indien, une centrale de panneaux voltaïques de 100 MW à Mirzapur. Il s’agissait d’une installation construite par le groupe français Engie. En même temps, les entretiens entre le chef de l’Etat français et le Premier ministre indien ont beaucoup porté sur la vente possible de six réacteurs nucléaires de type EPR à l’Inde par la France. La délégation française a fait état d’une « avancée majeure » de ce dossier qui est en discussion depuis une dizaine d’années.

Pendant ce temps là, à Paris, Jean –Luc Mélenchon lançait, au nom de la France Insoumise, une campagne de « votation » sur la sortie du nucléaire qui devrait durer jusqu’au 26 avril prochain sous le titre générique « Tchernobyl, Fukushima plus jamais ça ! ». Il avait fait, de ce 11 mars le top départ de cette action, ce qui correspond au septième anniversaire de la catastrophe de Fukushima.

 Il faut ici se soutenir que cette centrale japonaise, construite de manière imprudente sur une zone soumise aux tremblements de terre, avait été noyée par une puissante vague, consécutive à une secousse sismique en plein océan. Ajoutons que TEPCO , l’entreprise privée en charge de la gestion de cette centrale n’avait pas respecté les procédures qu’il convenait de même en œuvre pour éviter l a possible explosion d’un réacteur, dans la mesure où ses dirigeants espéraient pourvoir relancer l’activité de la centrale après quelques réparations. Comme à Tchernobyl, c’est avant tout le non respect des procédures de sécurité par l’exploitant face à un accident qui fut la cause principale des dégâts à Fukushima.

A Paris, Jean-Luc Mélenchon a déclaré que « le président Macron doit comprendre sa responsabilité devant l’histoire. C’est sous son mandat que sera prise une importante décision : continuer comme avant ou commencer à sortir » du nucléaire. Depuis 2014, Jean-Luc Mélenchon s’est prononcé pour une sortie totale et définitive du nucléaire en 2050 pour produire de l’électricité.

Aujourd’hui, la seule question de la sécurité des centrales sur le territoire national est mise en avant par la France insoumise pour justifier la politique de fermeture progressive de tous les sites d’ici 2050. La France Insoumise évoque aussi la possibilité d’avoir 100% d’énergies renouvelables dans la production électrique d’ici 2050. La formation dirigée par Jean-Luc Mélenchon occulte enfin le rôle très important de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) totalement indépendante depuis une loi votée par les parlementaires en 2006 et qui exerce un contrôle rigoureux sur toutes les centrales, exigeant leur arrêt complet chaque fois que de besoin.

Ce que nous apprend la situation de l’Allemagne

 Notre voisin allemand a décidé au début de ce siècle de sortir totalement du nucléaire pour sa production électrique en 2022. Les centrales d’outre Rhin n’ont jamais fourni plus de 25% de la production électrique de ce pays contre plus de 75% en France. En dépit de la progression rapide des énergies renouvelables chez notre voisin, la sortie du nucléaire conduit ce pays à relancer la consommation de charbon et de lignite pour compenser le recul de la production des centrales nucléaires. Il en résulte deux conséquences dont les Français doivent avoir connaissance au moment de voter pour ou contre la sortie du nucléaire à l’appel de la France Insoumise. En France, les émissions de CO2 provenant des combustibles fossiles sont de 4,3 tonnes par habitant et par an contre 8,9 tonnes en Allemagne. Cette différence provient du fait que les centrales nucléaire produisent de l’électricité sans émettredeCO2. En 2016, le prix, toutes taxes comprises pour un MWh de consommation électrique pour un ménage de taille moyenne, était de 168,5 € en France contre 296,9€ en Allemagne.

Il est enfin une autre question que les partisans de la sortie rapide du nucléaire n’abordent jamais en France. Plus la part de cette énergie est élevée, plus une sortie rapide sera doublement coûteuse. En 2018, notre production électrique provient à hauteur de 72% des centrales nucléaires après avoir dépassé les 75% au début de la décennie. Fermer toutes ces centrales en une trentaine d’années impliquerait d’investir des sommes colossales dans l’éolien, dans le photovoltaïque, mais aussi dans les centrales au gaz, voire au charbon en raison de la production intermittente du vent et du soleil. Mais il faudrait parallèlement investir des sommes également colossales dans le démantèlement des centrales nucléaires mises à l’arrêt de manière anticipée. Tout cela pourrait se traduire par un triplement, voire un quadruplement du prix de l’électricité en France pour les ménages.

N’aggravons pas la précarité énergétique des ménages

 Il serait bien que les personnes qui choisiront de voter pour où contre la sortie du nucléaire civil à l’appel de la France Insoumise disposent de ces informations avant de choisir cet abandon rapide du nucléaire civil dans le pays dont la production électrique est la plus nucléarisée au monde. Chacun peut approuver ou contester le choix fait par la France de dépendre à ce point du nucléaire dans les années 1970. Il reste que nous héritons de cette situation et qu’il convient de la gérer sans ruiner le pays et sans accroître la précarité énergétique des ménages modestes.

Ajoutons enfin que la production de chaque centrale nucléaire peut se moduler rapidement en fonction des besoins en termes de volume de consommation d’électricité. Quand on manque de vent et de soleil pour les énergies renouvelables, les centrales nucléaires assurent la transition sans rupture de flux sur le réseau électrique. Autant de raisons qui font que l’on ne sort pas du nucléaire comme on sort de sa douche. Mais à vouloir en sortir trop rapidement on risque de manquer d’eau chaude pour la douche et d’électricité pour bien des appareils dans la vie de tous les jours, à commencer par les ordinateurs.

15:37 Publié dans Connaissances, Planète, Sport | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nucléaire, insoumis, mélenchon | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

23/02/2018

Nucléaire : pourquoi les partisans de Mélenchon se trompent

nucléaire.jpgQuelques arguments ici autour du nucléaire civil, alors que sont lancées plusieurs campagnes en France en faveur de la « sortie du nucléaire », notamment par les partisans de Mélenchon (FI, PG). Ces campagnes se font à coup de tracts, d’affiches (ci dessous une illustration) avec pour point d’orgue un « référendum » sur le sujet.

Les argumentaires « antinucléaires » que l’on peut lire sur ces tracts ou dans des livrets du « parfait militant » se contentent de jouer sur les peurs, et expédient en quelques lignes la difficile équation énergétique, équation qui doit pourtant tenir compte des besoins mondiaux, de l’épuisement des ressources, et du grave problème du réchauffement climatique et des pollutions en générales.

nucléaire2.jpgAussi remarquons que ces campagnes émanent toutes de partis politiques ou organisations (PG, ELLV, Greenpeace…) qui consacrent pourtant de longs passages de leurs textes fondateurs sur la menace que fait peser le réchauffement climatique à toute l’humanité et l’urgence et la nécessité de le combattre.

Pourtant, il est contradictoire d’affirmer qu’il faut « sortir du nucléaire » en avançant l’argument de la dangerosité, tout en sachant que le GIEC reconnaît clairement que cette énergie sera un des leviers incontournables pour contrer le réchauffement climatique, et en même temps, répondre à une demande mondiale considérable pour 20501 afin de satisfaire au droit à l’énergie si vital pour des milliards d’être humains. Rappelons qu’un réchauffement global de +5°C prévu pour la fin de ce siècle si rien n’est fait, c’est une planète méconnaissable, et qui pourra difficilement nourrir les 10 milliards d’êtres humains qui s’y trouveront. Difficile de balayer cela d’un revers de main si on est un minimum progressiste et internationaliste.

Précisons un peu mieux les données du problème concernant le niveau de dangerosité du nucléaire mais aussi des autres activités industrielles en général  :

L’accident nucléaire

Dans le domaine de l’énergie, le risque d’un accident nucléaire est l’argument le plus fort pour l’arrêt du nucléaire civil. C’est peut-être l’objection la plus sérieuse et la plus fondée à l’utilisation de cette énergie, cela est vrai. Et c’est un point qui revient systématiquement dans les débats, ce qui traduit une vraie préoccupation chez les citoyens.

Le risque qu’un accident majeur se produise en France existe bel et bien, même si sa probabilité est extrêmement faible. Là comme ailleurs, le risque zéro n’existe pas.

Est-ce que, pour autant, cet événement très rare qu’est l’accident majeur, avec des conséquences importantes, doit nous conduire à sortir du nucléaire en France ? Un tel raisonnement, bien que séduisant et somme toute assez confortable, nous conduit à une impasse, et nous amènera à répondre par la négative à cette question.

Tout d’abord, si, parce qu’il y a risque d’un accident, même très faible, il faut sortir du nucléaire, alors il va falloir faire la liste de tous les domaines où il y a des risques comparables, et en sortir aussi si on veut être cohérent et ne pas motiver une telle décision juste pour « surfer » sur une peur. (voir plus loin explication autour de l’accident de Fukushima)

Sortir de l’hydraulique ?

Prenons l’exemple de Grenoble. Cette agglomération est entourée de barrages qui, s’ils venaient à se rompre, produiraient une vague de boue et de débris de la hauteur d’un bâtiment de quatre étages et qui déferlerait sur la ville à près de 200 km/h (scénario catastrophe décrit dans le PPRI2 [Plan de prévention des risques d’inondation]). On disposerait de quelques minutes pour prévenir les 400 000 habitants de l’agglomération. Et cette vague emporterait tout, y compris des usines du secteur de la chimie, avec des produits hautement toxiques qui seraient disséminés.

Le bilan serait catastrophique : des dizaines de milliers de victimes et des vallées polluées à jamais. Bien sûr, on pourra objecter que, pour qu’un barrage se rompe, il faut qu’il y ait de gros défauts de conception et de construction. D’autre part, ce type de rupture donne des signes et prévient, le plus souvent, et donc on aura toujours le temps d’évacuer, et même de réparer le défaut ou de vider le barrage. Mais, comme pour le nucléaire, toutes ces objections ne réduisent pas le risque à zéro. Cela reste malgré tout possible. Alors, faut-il sortir de l’hydraulique ?

Sortir de la chimie ?

Des sites industriels à risque, classés Seveso, sont présents par centaines sur tout notre territoire. Ils touchent essentiellement le secteur de la chimie, crucial dans tous les aspects de nos vies. Sur le Rhône, il en existe qui peuvent déverser des poisons mortels et polluer le fleuve de façon irréversible pour des milliers d’années. Ce sont des scénarios catastrophes qui existent, qui sont très officiels et pris au sérieux par les préfectures. Dans le cas d’une explosion avec déversement de produits hautement toxiques, il y aura des victimes, mais aussi un environnement pollué pour des générations. Et insistons sur ceci : malgré toutes les précautions prises, le risque est réduit mais pas nul. Faut-il pour autant renoncer au secteur de la chimie ?

Arrêter les recherches en biochimie, sur les virus, les bactéries ?

Mettre au point de nouveaux vaccins, comprendre le fonctionnement des virus, faire reculer les maladies, n’est pas sans risque, car la dissémination des germes sur lesquels on travaille pourrait provoquer des catastrophes sanitaires à l’échelle planétaire – cela a inspiré de nombreux films « catastrophes » d’ailleurs. Pour réduire au minimum ces risques, les laboratoires dans lesquels ces recherches s’effectuent sont extrêmement surveillés, avec des protections et des mesures draconiennes. Il y a ainsi de multiples barrières de protection à franchir avant que les virus ne puissent sortir. C’est rassurant, mais, encore une fois, le risque n’est pas nul : il y a toujours une possibilité qu’un supervirus sorte et décime les populations. Ces laboratoires sont dits« P4 »3, il en existe deux en France et une bonne vingtaine dans le monde. Faut-il, au nom du risque d’une possible épidémie mondiale, abandonner pour autant ces recherches, et donc mettre un frein à tout progrès dans le domaine de la médecine ?

Sortir du pétrole, du gaz et du charbon ?

On peut en dire autant de la possible explosion d’un navire transportant du GNL (gaz naturel liquéfié) : une boule de feu de 1 km de diamètre pourrait se former lors d’une telle explosion en plein port (scénario très officiel qui sert de référence aux préfectures). On pourrait aussi parler du risque de marée noire, toujours réel : des millions de tonnes de pétrole avec, plus grave, les métaux lourds contenus dans ce pétrole polluant de façon irréversible des écosystèmes entiers. Nous avons vu également la pollution silencieuse du charbon, qui n’est pas un risque mais une réalité quotidienne. Et ces trois énergies émettent beaucoup de CO2. On pourrait donc aussi parler du risque climatique qui est une catastrophe globale qui pourrait être classée XXL pour ses conséquences en comparaison avec les risques industriels (des centaines de millions de victimes dans un proche avenir ?).

Au nom de tous ces risques, faut-il plutôt prioritairement sortir du pétrole, du gaz, du charbon ?

À partir de ces exemples, on comprend que si on généralise le raisonnement avec le nucléaire, il faudrait alors « sortir de tout », organiser des référendum sur la sortie de l’hydraulique, de la chimie, de la biologie, du gaz, du pétrole, du charbon, ce qui pose tout de même un gros problème.

Et si on reprend la logique de la carte de France imprimé par les partisans de Mélenchon : il n’y aurait plus de place en France où vivre:

Sortir du nucléaire pour entrer dans le charbon et le gaz…

Par ailleurs, il ne faut jamais oublier que sortir de certains risques (par exemple le risque du nucléaire) c’est entrer dans d’autres risques majeurs, qui ne sont d’ailleurs plus vraiment de simples risques, mais des dangers avérés avec des conséquences certaines (les pollutions quotidiennes, le réchauffement climatique, la pénurie d’énergie…). En effet, aujourd’hui, et l’Allemagne le démontre à grande échelle, sortir du nucléaire implique forcément d’entrer dans le charbon et le gaz. Avec le cas allemand, la fable du nucléaire remplacé par de l’éolien et du photovoltaïque, le tout accompagné d’une diminution de la consommation, ne fait plus illusion : ce que les professionnels clament depuis des années finit par s’imposer comme une évidence. On se débarrasse du risque nucléaire pour mieux embrasser les conséquences du charbon et du gaz : les 5°C de réchauffement climatique d’ici 2100, les famines généralisées touchant des milliards d’êtres humains, sans compter l’ empoisonnement par les métaux lourds de la biosphère ainsi que l’acidification des océans .

Tous ces éléments doivent être débattus démocratiquement. Car, après tout, si les citoyens en ont conscience et qu’ils décident malgré tout de « préférer » les risques et pollutions quotidiennes liés aux énergies fossiles, et toutes leurs conséquences à l’échelle planétaire, plutôt que le risque nucléaire, c’est la démocratie qui s’exprime, et ce sera alors une décision légitime. Par contre, ce qui est illégitime, c’est de mettre en avant uniquement les risques du nucléaire, de faire peur en taisant les problèmes que posent les autres alternatives.

Amar Bellal

Amar Bellal, ingénieur de formation (INSA de Lyon), professeur agrégé de génie civil à l'IUT de Rennes, rédacteur en chef de la revue du PCF « Progressistes » et membre du Conseil national du PCF, auteur du livre « Environnement et énergie » (2016). Auteur de « Environnement et énergie, comprendre pour débattre et agir » aux éditions du « Temps des Cerises » 

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POUR APPROFONDIR (pour ceux vraiment intéressés par le sujet)  :

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Le nucléaire, ses pollutions et ses déchets : une spécificité particulière, par rapport aux autres activités industrielles ? Spécificité qui justifierait de bannir cette activité du champs humain ?

Il est ici fait référence aux pollutions dues aux trois accidents nucléaires et à la production des déchets hautement toxiques et à vie longue (plusieurs centaines de milliers d’années). C’est ce qui fait dire à certains que le nucléaire a une spécificité particulière et qu’il doit être banni des activités humaines.

Mais lorsqu’on compare ces pollutions à celles découlant d’autres accidents, notamment du secteur chimique, il n y a pas lieu de placer ce type de pollution comme un phénomène « à part ». L’accident de Bhopal4 ne nous a pas conduits, par exemple, à un débat pour « sortir de la chimie » et ni même à lancer l’idée d’un tribunal pour juger des « crimes de la chimie » ; cette attitude absurde prévaut pourtant lorsqu’il est question du nucléaire civil5. Bhopal a pourtant un bilan plus lourd, sur le plan sanitaire et humain, que tous les accidents nucléaires réunis. La réaction pour le cas de Bhopal a été autre : refonte des normes de sûreté, campagne contre le comportement des multinationales dans le tiers monde… c’est ce type de réaction qu’il faudrait avoir pour le nucléaire. De même, les 100 t de cyanure rejetées dans la biosphère par l’accident de Tianjin6 en août 2015 n’a pas déclenché la création d’un réseau « sortir de la chimie » ni le déroulement de manifestations un peu partout dans le monde.

Inutile de répéter que les déchets chimiques, rejetés quotidiennement par diverses activités industrielles, ont eux aussi une durée de vie infinie et contaminent toute la biosphère en fonctionnement normal (tous les jours, tous les ans). C’est alors bien plus grave que le nucléaire, activité où les rejets ne se font qu’en cas d’accident ! D’autre part, les volumes ne sont pas du tout identiques. Rappelons que la totalité des déchets nucléaires à vie longue, pour tout le parc nucléaire français, depuis sa création jusqu’à nos jours, a un volume de la taille d’une piscine olympique. Rappelons encore une fois que ces déchets sont confinés et maîtrisés : on se préoccupe de leur devenir, et c’est tout le débat autour du site de stockage Cigéo7 . Les déchets chimiques sont au contraire cent fois plus volumineux et sont, eux, tout simplement rejetés dans la nature.

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Sur l’accident de Fukushima et sur les enjeux de la sureté nucléaire.

Ce qui a entrainé un accident majeur à Fukushima, c’est la perte des systèmes de refroidissement du combustible. Deux scénarios principaux sont alors possibles dans le cas d’une perte de refroidissement, y compris de secours, du réacteur qui conduirait à la fusion du combustible à l’intérieur de l’enceinte de protection.

1. Si l’enceinte de protection remplit son rôle, alors la pollution restera confinée et les populations, après avoir été dans un premier temps évacuées, pourront retrouver leur domicile au bout de quelques jours. Une grosse frayeur, mais pas vraiment de catastrophe : c’est ce qui s’est passé pour l’accident de Three Mile Island (TMI, 1982). Notons que les réacteurs Français sont de ce type, car à l’origine ce sont des réacteurs de conception Etats-uniennes.

2. Si l’enceinte ne remplit pas son rôle, ou le remplit imparfaitement, ou, pis, si elle est inexistante (le cas de Tchernobyl), alors il y a rejet dans l’environnement et on peut s’attendre à des centaines de kilomètres carrés de terre polluée et inhabitable pendant des années, et à de nombreuses victimes si les mesures d’évacuation et de prise de pastilles d’iode n’ont pas été faites rapidement, dès les premiers signes de l’accident. C’est le scénario catastrophe que les autorités de sûreté de tous les pays cherchent à tout prix à éviter.

Il faut donc franchir plusieurs barrières pour en arriver à une catastrophe de type Fukushima : à la fois perte complète de refroidissement (avec des systèmes de secours défaillants) et enceinte qui ne confine pas efficacement la pollution.

En France, il existe une Autorité de sûreté nucléaire indépendante, qui a vraiment le pouvoir de faire arrêter un réacteur si ses prescriptions ne sont pas respectées. Elle a plusieurs fois arrêté le chantier de Flamanville, par exemple. Ajoutons qu’à chaque accident il y a un retour d’expérience.

Attardons-nous sur le cas de Fukushima. Lors de l’accident, l’opérateur japonais, Tepco, a dû procéder à des dégazages, en clair évacuer de l’air fortement pollué de l’intérieur du réacteur vers l’extérieur afin de diminuer la pression de l’enceinte. Si, avant d’évacuer cet air, on l’avait fait passer à travers des filtres à sable8, la pollution à Fukushima (due en partie à ces dégazages) aurait été fortement réduite, car les particules radioactives auraient été piégées par ce dispositif. D’autre part, tout le monde a vu à la télévision les explosions des toits en structures métalliques abritant l’enceinte de protection des réacteurs. Cela est dû à l’accumulation d’hydrogène dégagé à cause des fortes températures dans le réacteur. Avec un simple dispositif qui « piégerait » cet hydrogène, ces explosions auraient été évitées et n’auraient pas endommagé l’enceinte de protection.

Il se trouve que ces deux systèmes – filtres à sable et pièges à hydrogène – ne coûtent que quelques centaines de milliers d’euros, ce qui est, toutes proportions gardées, dérisoire. En France, toutes les centrales disposent de tels systèmes, et ce depuis… les années 1980 ! En effet, à la suite de l’accident de Three Mile Island, les autorités ont imposé de rajouter ces dispositifs sur tous les réacteurs français.

Alors, pourquoi Tepco, en plus de ne pas avoir pris suffisamment au sérieux les conséquences d’un tsunami – les groupes électrogènes de secours, parce que non protégés, ont été inondés par la vague du tsunami –, n’a pas investi dans de tels systèmes connus de tous les opérateurs mondiaux ? Est-ce dû au fait qu’il n’existe pas au Japon d’autorité de sûreté vraiment indépendante qui lui aurait imposé une telle mesure ? En effet, il faut savoir que c’était Tepco qui inspectait les sites de Tepco, avec tous les faux rapports d’inspection et les « arrangements » du fait de la confusion des rôles.

Ce long développement pour bien faire comprendre qu’il n’y a pas de fatalité. La sûreté, cela se construit, cela demande des moyens… et on apprend avec l’expérience. Mais il faut être clair et honnête : le risque nul n’existe pas pour autant, pas même avec des systèmes de sûreté les plus performants. On peut le réduire, et par exemple l’EPR9 est un nouveau réacteur qui divise par dix ce risque par rapport aux réacteurs actuels, mais il ne le réduit pas à zéro. Il subsistera toujours une probabilité qu’un tel événement provoque une catastrophe, y compris en France. Mais comme nous venons de le voir, des catastrophes comparables peuvent avoir lieu dans d’autres secteurs, ce qui nous conduit pas pour autant à prôner la sortie de l’hydraulique, de la chimie etc : la bataille est ailleurs, dans l’entreprise, dans les organisations du travail, dans l’exigence de service public etc…

119 milliards de tep à produire en 2050, voir la contribution du congrès, disponible dans ce blog  : « contre l idéologie de la décroissance, pour un nouveau mode développement et l’émancipation de toute l’humanité » A. Bellal

4. Catastrophe industrielle survenu en Inde en 1984. Le décompte officiel fera état initialement de 3 598  morts, puis de 7 575 en octobre 1995. Les associations de victimes estiment à plus de 20 000 le nombre de décès causés par cet accident (http://www.bhopal.net).

5Un « tribunal d’opinion pour juger les crimes du nucléaire civil » a bien été lancé sous une forme de pétition. Il n y a curieusement pas d’équivalent aussi extrême pour le charbon ou le secteur de la chimie.

7Francis Sorin, « Cigéo : vers un stockage profond pour les déchets nucléaires de forte radioactivité », in Progressistes n10, octobre-novembre-décembre 2015 (revue-progressistes.org).

8Le filtre à sable est un dispositif de sûreté qui n’est utilisé qu’en situation accidentelle grave. Il permet de décomprimer l’enceinte tout en retenant l’essentiel des produits radioactifs.

9EPR : réacteur pressurisé européen, (initialement European Pressurized Reactor, puis Evolutionary Power Reactor). Quatre réacteurs de type EPR sont en cours de construction dans le monde : un en Finlande, à Olkiluoto ; un en France, à Flamanville ; deux en Chine, à Taishan.

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29/08/2017

Le capitalisme est incompatible avec la survie de la planète

planete capitalisme.jpg

Humanite.fr, Jean-Jacques Régibier

Alors que les études se succèdent pour démontrer la gravité et l’étendue des atteintes à l’environnement, peut-on faire confiance au capitalisme pour réparer ce qu’il a produit ?
Non, répondent des scientifiques, militants environnementaux et eurodéputés réunis à Bruxelles par la Gauche Unitaire Européenne (1). Ils proposent d’autres alternatives.
Les mauvaises nouvelles sur le réchauffement climatique et la dégradation de l’environnement s’accumulent à un rythme alarmant depuis le début de l’été sous forme d’une avalanche d’études scientifiques qui aboutissent toutes au même diagnostic : si des mesures drastiques ne sont pas prises très vite à l’échelle mondiale, une partie de la planète risque de devenir invivable dans un délai assez bref. Certaines études concluent même qu’il est déjà trop tard pour redresser la barre.
 
Florilège non exhaustif de ces chroniques estivales d’une catastrophe planétaire annoncée :
 
- Dans la revue Nature, le climatologue français Jean Jouzel et un groupe de scientifiques, prévoient que si d’ici 3 ans les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas stabilisées, la planète passera dans un autre type climat aux conséquences « catastrophiques » : recrudescence des décès dus à la chaleur ( certaines régions de France connaitraient des températures supérieures à 50° ), des incendies, accroissement des réfugiés climatiques venant de régions particulièrement touchées comme la Corne de l’Afrique, le Moyen-Orient, le Pakistan ou l’Iran ( on compte déjà actuellement 65 millions de réfugiés climatiques sur la planète ), baisse des rendements agricoles, etc...
 
- Un rapport établi par plus de 500 scientifiques dans plus de 60 pays, (2) montre que 2016 aura été l’année de tous les records en matière de températures, d’émissions de gaz à effet de serre, de montée des océans et de terres soumises à la sécheresse.
 
- Selon le climatologue américain Michael Oppenheimer, avec le retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris, les chances de réussir à le mettre en œuvre ne dépassent pas 10% ( d’autres chercheurs parlent de 5% de chances.)
 
- Selon une étude réalisées par les chercheurs du Massachusets Institut of Technology ( MIT ) et de l’Université Loyola Marymount, la chaleur risque de rendre l’Asie du Sud-Est invivable d’ici 2100.
 
- Une évaluation scientifique effectuée en avril dernier par l’Unesco conclut que si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites très rapidement, les 24 sites coralliens classés au patrimoine mondial  auront disparu d’ici à 2100. C’est déjà le cas pour 20% d’entre eux.
 
- Début juillet, une étude menée par des chercheurs américains et mexicains (3) montre que les espèces de vertébrés reculent de manière massive sur terre, à un rythme inégalé depuis la disparition des dinosaures il y a plus de 60 millions d’années. Les chercheurs parlent de « sixième extinction de masse des animaux » et analysent les conséquences « catastrophiques » de cette « défaunation » aussi bien sur les écosystèmes que sur l’économie et la société en général.
 
- Selon article de la revue Science Advances, la fonte des glaces du Groenland, région qui se réchauffe deux fois plus vite que le reste de la planète, va s’accélérer dans les prochaines années. Selon l’un des auteurs de cette étude, Bernd Kulessa ( Collège des sciences de l’université britannique de Swansea ), si les glaces devaient disparaître complètement, le niveau des océans monterait de 7 mètres.
Comme pour le confirmer, il y a quelques jours, un méthanier de 300 mètres battant pavillon du groupe Total, franchit le passage du Nord-Est habituellement obstrué par la banquise, sans l’aide d’un brise-glace. Ce rêve de relier l’Atlantique au Pacifique par le Détroit de Bering que caressaient depuis longtemps les pétroliers, mais aussi des états comme la Russie, est désormais une réalité.
 
- Pour couronner le tout, un institut de recherche international  travaillant sur les données fournies par l’ONU (4), nous apprend que depuis la fin du mois de juillet, la planète vit « à crédit », c’est-à-dire que l’humanité a consommé en 7 mois, toutes les ressources que la terre peut produire en une année. Circonstance aggravante : cette date fatidique arrive désormais de plus en plus tôt.
En prime, toujours au chapitre de la consommation, une autre étude nous indique que si tous les habitants du monde voulaient vivre comme un Français, il faudrait trois planètes terre pour assurer leurs besoins.
 
Le capitalisme responsable
Si toutes ces études se recoupent et se complètent sur les constats, elles s’accordent également sur leurs causes : c’est bien le développement explosif de la production et l’exploitation sans limite des ressources de la planète depuis le début de « l’ère industrielle », qui est la cause de la catastrophe en cours. Le fait que la situation se soit dégradée à très grande vitesse au cours des dernières décennies en est une preuve supplémentaire. Cette accélération est liée directement au développement du capitalisme dans les pays émergents, et plus généralement à l’extension hégémonique de ce mode de production à l’ensemble de la planète. Rappelons que la Chine, premier pays émergent, est aussi le premier pays émetteur de gaz à effet de serre, juste devant les Etats-Unis, première puissance capitaliste mondiale. « La logique de la croissance va vers l’autodestruction du système, voilà ce qui se passe quand on confie la gestion des ressources de l’humanité à des privés », juge le député européen espagnol Xabier Benito ( GUE-GVN .)
C’est également l’avis de Daniel Tanuro qui rappelle que le but du système capitaliste étant de produire de la survaleur, il n’y a pas d’autre solution que de remplacer le travail vivant par du travail mort pour lutter contre la baisse du taux de profit, donc « d’accroître de plus en plus vite la masse des marchandises, ce qui amène à consommer de plus en plus de ressources et d’énergie. » Et l’écosocialiste le répète : « la croissance capitaliste est la cause de la crise écologique, dont le chômage massif permanent est l’autre aspect.» C’est pourquoi, pour Daniel Tanuro, il est indispensable de  lier les combats sociaux et environnementaux.
Pas d’illusion non plus à se faire du côté du « capitalisme vert » promu notamment par l’Union européenne au niveau international. Pour Daniel Tanuro qui y a consacré un livre, « capitalisme vert est un oxymore. » Ce que l’on constate aujourd’hui dans les destructions qu’il opère partout sur la planète, c’est bien au contraire sa violence, dit Eleonera Forenza, qui explique par exemple comment le sud de l’Italie est ainsi devenu la décharge du Nord.
 
Quelles alternatives ?
Une fois reconnu que la voie préconisant la « modernisation » du capitalisme, son « verdissement », est une impasse ( de même que la promotion des valeurs « post-matérialistes » ou « post-classes » qui l’accompagnent ), il faut poser clairement, analyse l’historienne Stefania Barca, que « le capitalisme est le problème, » et pensez la politique a partir de cet axiome, dans des termes nouveaux par rapport à ceux du XXème siècle. « Où est-ce qu’on peut bloquer le capitalisme ? » devient une question politique centrale, explique Dorothée Haussermann, de Ende Gelände, un vaste collectif d’organisations environnementales et de groupes politiques qui concentre ses actions sur le blocage des mines de lignite et de charbon en Allemagne. « Le charbon fait partie du problème du réchauffement climatique, on doit en empêcher la production. Il faut commencer quelque part, c’est à nous de prendre les choses en mains, » explique Dorothée Haussermann.
 
En matière de changement climatique, ce n’est pas l’information qui nous manque, fait remarquer Rikard Warlenhus ( Left Party, Suède ), mais on a l’impression que changer les choses est au delà de nos possibilités. C’est, pour les raisons que l’on vient de voir, parce qu’au fond, remarque l’eurodéputé Ernest Cornelia ( GUE / Die Linke ), « imaginer la fin du capitalisme est impossible. » Pour lui, la question devient donc : « comment passer du stade actuel à l’étape suivante ? » Cette question est d’autant plus centrale que, comme l’explique Rikard Warlenhus, « les dossiers climatiques ont tendance à nous diviser. » Par exemple, explique Dorothée Häussermann, « le mouvement environnemental peut être conçu comme une menace à l’emploi.» C’est la raison pour laquelle une partie du mouvement syndical est converti au « capitalisme vert », bien qu’il soit évident que le chômage continue à augmenter, ou que de nombreux syndicats soutiennent les énergies fossiles. « Une difficulté à mettre sur le compte de 3 décennies de déclin du mouvement ouvrier », analyse l’historienne Stefana Barca, dont il faut être conscient qu’elle provoque des divisions. C’est pourquoi, ajoute-t-elle, il faut concevoir le combat pour l’environnement comme « une forme de lutte des classes au niveau planétaire entre forces du travail et capital. »
 
Constatant la vitalité des combats pour l’environnement menés partout dans le monde sous des formes et par des acteurs très différents, les intervenants insistent tous sur la nécessité de promouvoir des articulations entre tous ces mouvements et des acteurs institutionnels quand ils existent ( des villes, des régions, par exemple ), ou des syndicats, des partis, et ce, au niveau mondial. L’objectif est de se situer « à la même échelle d’action que notre adversaire », explique Rikard Warlenhus « parce que le capital dépasse la structure de l’Etat national. »
 
Le rôle crucial des femmes
De nombreux analystes soulignent également comme un point central, le rôle des femmes dans le combat écologique et social. Il ne s’agit pas de dire qu’il est bien que les femmes y participent à égalité avec les hommes ( l’égalité homme-femme est un leitmotiv  consensuel de nos sociétés, en général jamais respecté ), mais bien de repérer l’apport spécifique, déterminant et innovateur des femmes, en tant que femmes, dans les nouvelles formes de combat. La députée italienne Eleonora Forenza ( GUE-GVN ) voit dans les mobilisations qui ont suivi la catastrophe de Seveso en juillet 1976, l’événement fondateur de cet éco-féminisme. « Ce sont les femmes qui ont joué un rôle essentiel en exigeant que soient menées des études médicales, car les femmes enceintes risquaient de donner naissance à des enfants malformés. Ce sont également elles qui ont lancé les premiers appels pour l’IVG en Italie. » ( L’IVG a été légalisé en 1978, mais il est toujours très difficile de la faire appliquer, ndlr.) Cet apport des femmes au combat écologique est également majeur pour Daniel Tanuro qui explique que « la place que le patriarcat donne aux femmes, leur procure une conscience particulière. » Il rappelle que 90% de la production vivrière dans les pays du Sud est assurée par des femmes, faisant d’elles le fer de lance de tous les combats actuels liés à l’agriculture, à la propriété de la terre, aux pollutions ou au climat.
 
(1) Colloque au Parlement européen, 27 mars 2017, Bruxelles publiées dans les Proceedings of the Natural Academy of Science ( PNAS )
(3) publié en juillet par l’Agence américaine océanique et atmosphérique ( NOAA ) et L’American Meteorological Society ( AMS ),
(4) Le Global Foodprint Network, Oakland ( Californie )
(5) Daniel Tanuro, « L’impossible capitalisme vert », La Découverte.