12/04/2018
400 enseignants dénoncent la réforme de l'accès à l'université
TRIBUNE. "Une sélection absurde" : plus de 400 enseignants dénoncent la réforme de l'accès à l'université Sélection qui ne dit pas son nom, manque de places dans les facs...
Des enseignants dénoncent sur franceinfo la réforme de l'université. Lundi 9 avril, certains enseignants de Paris 1 Panthéon-Sorbonne ont reconduit la grève votée jeudi, apportant leur soutien aux étudiants qui bloquent depuis plusieurs jours le site de Tolbiac. Leurs collègues de Lille menacent, quant à eux, de ne pas examiner les candidatures des futurs bacheliers souhaitant intégrer une filière universitaire. Dans une tribune à franceinfo, 425 enseignants dénoncent une "réforme absurde" et expliquent pourquoi ils soutiennent les étudiants contestataires. Ils s'expriment ici librement.
Nous, enseignants à l'université, soutenons et accompagnons les étudiants dans leur contestation de la loi Orientation et réussite des étudiants (ORE) et de Parcoursup depuis le début de leur mouvement.
Notre prise de position s'explique d'abord par notre rejet de toute forme de sélection à l'entrée de l'université. Or, la nouvelle loi instaure une sélection hypocrite. D'un côté, les responsables gouvernementaux refusent catégoriquement d'utiliser ce mot. Mais, de l'autre, on nous demande de classer les candidatures de sorte qu'un couperet tombera une fois les capacités d'accueil des filières saturées. Parcoursup est en effet conçu de telle façon qu'on ne peut y introduire des ex æquo, sauf à déployer des trésors d'ingéniosité informatique.
"Un mode de sélection se substitue à un autre"
Le gouvernement défend sa loi en invoquant une politique d'orientation destinée à pallier les échecs en premier cycle. Mais il ne donne aucun moyen pour mettre en place les cours de mise à niveau, dont il annonce unilatéralement la mise en place.
L'affirmation récente de Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, qui évoque un milliard d'euros destiné à la refonte du premier cycle est une "fake news" - c'est-à-dire, en réalité et en français, de la propagande.à franceinfo
Un milliard d'euros représente 7,5% du budget total 2018 de l'Enseignement supérieur (13,4 milliards d'euros). Une dotation supplémentaire d'un milliard d'euros, rien que pour le premier cycle, devrait être largement visible, ce qui n'est pas le cas. Et, à notre connaissance, aucune loi rectificative du budget n'est annoncée.
Autre argument utilisé par le gouvernement : rien ne serait pire que le tirage au sort pratiqué l'année dernière via le logiciel admission post-bac (APB) pour 1% des bacheliers dans les filières en tension. En réalité, le système APB a révélé l'impossibilité d'accueillir tous les étudiants, faute de place et de moyens. En juillet 2017, le ministère a reconnu que 87 000 demandes d'inscription n'étaient pas satisfaites, soit plus du quart du total des nouveaux entrants à l'université en 2016 ! Le fait qu'un mode de sélection (sur dossier, pour tous les bacheliers) se substitue à un autre a pour objectif presque avoué de différer, sinon d'écarter dans l'immédiat, un certain nombre de candidats.
Le problème posé par le nombre de candidatures n'a pas disparu. Au contraire, on sait, pour des raisons démographiques, qu'il va se tendre davantage. L'année 2018-2019 correspond au baby boom de l'an 2000 et se traduit par une explosion démographique prévisible depuis longtemps.
Le gouvernement préfère la sélection au financement des universités à la hauteur des besoins.
Or, toute la politique du gouvernement est fondée sur la volonté de ne pas donner davantage de moyens à l'Enseignement supérieur, malgré les difficultés auxquelles il est confronté depuis des années.
"Elever le niveau de ceux qui ne l'ont pas encore"
Si nous soutenons les étudiants, c'est enfin parce que nous assistons, impuissants, à une inexorable dégradation de l'enseignement supérieur depuis une vingtaine d'années. Les dix dernières années ont été marquées par la réduction drastique des budgets et le gel des créations de postes à l'université.
N'oublions pas que la loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) de 2007 a donné lieu en 2009 à une grève de plusieurs semaines dans l'enseignement supérieur, la plus longue jamais enregistrée. Depuis, la situation n'a cessé d'empirer.
Le service public de l'enseignement supérieur se dégrade autant, sinon plus, que celui du transport ferroviaire ou des hôpitaux.à franceinfo
Il serait vain, nous dit-on, d'accueillir davantage d'étudiants à l'université dès lors qu'ils n'ont pas le niveau. Ce serait un gaspillage des deniers publics ! Mais la finalité de l'Education nationale n'est-elle pas d'éduquer et de former ? Ce qui fait la noblesse de notre métier n'est-il pas d'élever le niveau de ceux qui ne l'ont pas, c'est-à-dire pas encore ? Quel serait notre rôle s'il s'agissait seulement de dispenser des cours à ceux qui n'ont aucun problème et qui ont la chance d'avoir le niveau et d'être doués pour les études supérieures ?
Qui prétendrait avoir trouvé son chemin à 16 ans ou 18 ans comme l'imposent Parcoursup et la loi ORE ?
L'université est un formidable révélateur de talents, un lieu où s'expérimente l'autonomie, où se développe l'esprit critique. Bon nombre d'étudiants qui ont fait des études brillantes à l'université n'étaient pas des élèves remarquables dans le secondaire et n'ont pas eu une bonne mention au baccalauréat. Auraient-ils été retenus si la sélection s'était appliquée alors ? Pourquoi devrions-nous abandonner ce vivier et renoncer, par une sélection absurde, à donner leur chance à tous ceux qui ont le degré minimum, à savoir le baccalauréat ? La France est-elle riche à ce point de talents avérés pour que les enseignants renoncent à leur vocation première : former, éduquer et faire progresser vers les meilleurs niveaux ?
Signataires : Lyu Abe, Université de Nice Sophia-Antipolis (06), Catherine Adloff, Université Savoie Mont Blanc (74), Thomas Alam, Université de Lille (59), Florence Alazard, Université de Tours (37), Sophie Albert, Université Paris-Sorbonne (75) , Christèle Allès, Université de Nantes (44) Eric Alliez, Université Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis (93) Virginie Althaus, Université de Rouen (76) Charles Alunni, Université Paris 8 (93) / École Normale Supérieure (75) Maxime Amblard, Université de Lorraine (54) Virginie André, Université de Lorraine (54) Armelle Andro, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Saverio Ansaldi, Université de Reims Champagne- Ardenne (51) Dominique Archambault, Université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis (93) Chantal Aspe, Aix-Marseille Université (13) Isabelle Aubert, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Marc Bailly-Bechet, Université Nice Sophia-Antipolis (06) Mohammed Bachir, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Marie-Hélène Bacqué, Université Paris Nanterre (92) Ludivine Bantigny, Université de Rouen (76) Sabine Barles, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Christophe Baticle, Université de Picardie Jules Verne (80) Dominique Batoux, Aix-Marseille Université (13) Jauffrey Berthier, Université de Bordeaux Montaigne (33) Cécile Bianchi, Aix-Marseille Université (13) Hervé Billard , Université Bretagne occidentale (29) Vincent Béal, Université de Strasbourg (67) Véronique Beaulande-Barraud, Université de Reims (51) Eric Beaumatin, Université Paris 3 (75) Emmanuelle Bénicourt, Université Picardie Jules Verne (80) Jocelyn Benoist, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75) Christophe Benzitoun, Université de Lorraine (54) Sylvie Bepoix, Université de Franche-Comté (25) Christian Berner, Université Paris Nanterre (92) Sandrine Berroir, Université Paris Diderot (75) Jerôme Berthaut, Université de Bourgogne (21) Christine Bertrand, Sorbonne Université (75) Magali Bessone, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75) Bertrand Binoche, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Élodie Blestel, Université Paris 3 (75) Brigitte Blondet, Université Paris Est Créteil (94) Géraldine Bois, Université de Lorraine Nancy (54) Christian Bonnet, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75) Stéphane Bonnéry, Université Paris 8 (93) Yann Boniface, Université de Lorraine (54) Yannick Bosc, Université de Rouen (76) Martine Boudet, Université Toulouse Jean Jaurés (31) Marion Boudier, Université d’Amiens (80) Antoine Boulangé, Sorbonne Université (75) Joël Boulier, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Nicolas Bourgeois, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Chahira Boutayeb, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Vincent Bonnecase, Science po Bordeaux (33) Corine Bonningue, Université Toulouse 3 (31) Sylvain Bordiec, Université de Bordeaux (33) Anne Bory, Université de Lille (59) Senouci Boucif, Université Haute Normandie (76) Vanina Bouté, Université de Picardie (80) Nicolas Bourgoin, Université de Franche-Comté (25) Raphaëlle Branche, Université de Rouen (76) Jean-Baptiste Brenet, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75) Serge Bresson, Université Picardie Jules Verne (80) Guillaume Bridet, Université de Bourgogne (21) Olga Bronnikova, Université Grenoble Alpes (38) Cédric Brun, Université Bordeaux-Montaigne (33) Mathieu Brunet, Aix Marseille Université (13) Isabelle Bruno, Université de Lille (59) Fanny Bugeja-Bloch, universelle Paris Nanterre (92) Didier Busca, Université Toulouse Jean Jaurès (31) Marie Buscatto, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75) Mireille Cabané, Université de Lorraine (54) Florence Cabaret, Université de Rouen (76) Patricia Caillé, Université de Strasbourg (67) Ronan de Calan, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Silvia Capanema, Université Paris 13 (93) Marcel Carbillet, Université de Nice Sophia-Antipolis (06) Mathilde Carrive, Université de Poitiers (86) Florent Castagnino, Université Paris Est Marne-la-Vallée (77) Nicolas Castel, Université de Lorraine (54) Peggy Cénac, Université de Bourgogne (21) Olivia Chambard, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75) Pierre Chantelot, Université Paris-Est Marne-la-Vallée (77) Cécile Chapon, Aix-Marseille Université (13) Sébastien Charbonnier, Université de Lille (59) Christophe Charle, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75) Marie-Claude Charpentier, Université de Franche-Comté (25) Marie Charvet, Université de Nantes (44) Rudy Chaulet, Université de Franche-Comté (21) Nathalie Chauvac, Université Toulouse Jean Jaurès (31) Gilda Charrier, Université de Bretagne Occidentale (29) Marie Chenet, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Marion Chottin, IHRIM CNRS (69) Verene Chevalier, Université Paris Est Créteil (94) Pierre Clement, Université de Rouen (76) Mickaël Clévenot, Université de Bourgogne-Franche-Comté (21) Robert Coale, Université de Rouen-Normandie (76) Deborah Cohen, Université de Rouen (76) Michèle Cohen-Halimi, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis (93) Beate Collet, Sorbonne Université (75) Jean-Baptiste Comby, Université Paris 2 (75) Hadrien Commenges, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Carlos Conde Romero, Université de Lorraine (54) Laurence Corbel, Université Rennes 2 (35) Paula Cossart, Université de Lille (59) Sandrine Costamagno, Université Toulouse Jean Jaurès (31) Christel Coton, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Marie Cottrell, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Laurent Coudroy de Lille, Université Paris Est Creteil (94) Saskia Cousin, Université Paris Descartes (75) Nathalie Coutinet, Université Paris 13 - Villetaneuse (93) Natacha Coquery, Université Lumière Lyon (69) Geneviève Cresson, Université Lille 1 (59) Hervé Christofol, Université d’Angers (49) Marie Cuillerai, Université Paris 7-Diderot (75) / Université Paris 8 (93) Kim Sang Ong Van Cung, Université Bordeaux Montaigne ( 33) Fanny Darbus, Université de Nantes (44) Bruno Dauvier, Aix-Marseille Université (13) Augustin David, Université Paris 8 (93) Mary David, Université de Nantes (44) Eva Debray, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Estelle Deléage, Université de Caen (14) Christophe Demarque, Aix-Marseille Université (13) Steeves Demazeux, Université de Bordeaux Montaigne (33) Marie-Aude Depuiset, Université de Lille (59) Marie-Laure Déroff, Université de Bretagne Occidentale (29) Elodie Djordjevic, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Université Paris II Panthéon-Assas (75) Laurence de Cock, Université Paris-Diderot (75) Hervé Defalvard, Université Paris Est Marne la Vallée (77) Pierre Deffontaines, Université de Bourgogne Franche-Comté (21) Delphine Dellacherie, Université de Lille SHS (59) Fabien Desage, Université Lille 2 (59) Stéphane Desvignes, Sorbonne Université (75) Catherine Deville Cavellin, Université Paris Est Créteil (94) Estelle d'Halluin, Université de Nantes (44) Petros Diatsentos, Aix-Marseille Université (13) Sophie Didier, Université Paris-Est Marne-la-Vallée (77) Stéphane Douailler, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis (93) Blaise Douglas, Université de Rouen-Normandie (76) Milena Doytcheva, Université Lille SHS (59) Matthias Dressler-Bredsdorff, Sorbonne Université (75) Isabelle Dubost, Université des Antilles (972) Pascale Dubus, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Julien Dufour, Université de Lorraine (54) Stéphane Dufoix, Université Paris Nanterre (92) Delphine Dulong, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Natalie Depraz, Université de Rouen (76) Frédéric Dufaux, Université Paris Nanterre (92) Jean-François Dupeyron, Université de Bordeaux (33) Pascal Dupuy, Université de Rouen (76) Florence Eloy, Université Paris 8 (93) Philippe Enclos, Université de Lille (59) Léo Exibard, Aix-Marseille Université (13) Corine Eyraud, Aix-Marseille Université (13) Jean Fabbri, Universite de Tours (37) Eric Fassin, Université Paris 8 Vincennes - Saint-Denis (93) Emmanuel Faye, Université de Rouen Normandie (76) Caroline Fayolle Université de Montpellier (34) Jocelyne Fernandez-Vest, CNRS / Université Sorbonne-Nouvelle - Paris 3 (75) Benjamin Ferron, Université Paris-Est Créteil (94) Etienne Fieux, Université de Toulouse 3 (31) Catherine Filippi-Deswelle, Université de Rouen (76) Jérémie Foa, Université Aix-Marseille (13) Sylvie Fol, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Didier Forcioli, Université de Nice Sophia Antipolis (06) Sabine Fortino, Université de Paris Nanterre (92) Eric Fournier, Université Paris-1 (75) Karine François, Université de Lorraine (54) Jérémy Freixas, Université de Nantes (44) Anne Fretel, Université de Lille 1 (59) Julien Fretel, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Frédéric Fruteau de Laclos, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75) Muriel Froment-Meurice, Université Paris-Est (94) Christian Gadchaux, Aix-Marseille Université (13) Philippe Gajewski Université Paris 8 (93) Fanny Gallot, Université Paris Est Créteil (94) Cyril Gallut, Sorbonne Université (75) Edith Galy, Université Nice Sophia-Antipolis (06) Aline Garnier, Université Paris Est Créteil (94) Marie Garrau, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) François Gaudin, Université de Rouen (76) Pierre Gautreau, Université Panthéon Sorbonne (75) Marie-Dominique Garnier, Université Paris 8 (93) Nadia Garnoussi, Université de Lille (59) Jean-Luc Gautero, Université de Nice Sophia Antipolis (06) Emmanuèle Gautier-Costard, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Katia Genel, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75) Julie Gervais, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75) Laurence Giavarini, Université de Bourgogne (21) Pierre Gilbert, Université Paris 8 (93) Pascal Gillot, Université de Tours (37) Frédéric Gob, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Mónica González, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 (75) Sylvie Grand'Eury-Buron, Université de Lorraine (54) Christophe Giudicelli, Université de Rennes (35) Nicolas Gregori, Université de Lorraine (54) Christophe Grellard, École Pratique des Hautes Études (75) Tatiana Gründler, Université Paris Nanterre (92) Florent Guénard, Université de Nantes (44) Nacira Guénif, Université Paris 8 (93) Sophie Guérard de Latour, Université Paris-Sorbonne Bertrand Guillarme, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis (93) Michèle Guillemont, Université de Lille (59) Fabien Guillot, Université de Caen Normandie (14) Didier Guy, Université de Strasbourg (67) Emilie Hache, Université Paris Nanterre (92) Hamza Hajji, Université Paris 8 (93) Berenice Hamidi Kim, Université Lyon 2 et Institut Universitaire de France (69) Claire Hancock, Université Paris-Est Créteil (94) Matthieu Hély, Université de Versailles St Quentin en Yvelines (78) Philippe Henry, Université de Franche-Comté (25) Céline Hervet, Université de Picardie (80) Isabelle Hirtzlin, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Jennifer Houdiard, Université de Nantes (44) Myriam Houssay-Holzschuch, Université Grenoble Alpes (38) Nicolas Hubé, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Sophie Jallais, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Richard Jacquemond, Aix-Marseille Université (13) Lionel Jacquot, Université de Lorraine (54) Chantal Jaquet, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Fançois Jarrige, Université de Bourgogne (21) Julie Jarty, Université Toulouse Jean Jaurès (31) Fanny Jedlicki, Université du Havre (76) Nicolas Jouandeau, Université Paris 8-Vincennes-Saint Denis (93) Nathalie Jourdan, Sorbonne-Université (75) Marianne Jover, Université d'Aix-Marseille (13) Octave Julien, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Tiphaine Karsenti Université Paris-Nanterre (92) Aurélie Knüfer, Université Paul Valéry – Montpellier (34) Jean-Luc Kop, Université de Lorraine - Nancy (54) Mustapha Krazem, Université de Bourgogne (21) Émilie Kurdziel, Université de Poitiers (86) Gaëlle Lacaze, Sorbonne Université (75) Jean-Marc Lachaud, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Laurent C.-Labonnote, Université de Lille (59) Claire Lacour, Université Paris Sud (91) Fabien Laffont, Université Toulouse 2 (31) Stéphanie Laguérodie, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Xavier Lambert, Université Toulouse 2 Jean Jaurès (31) Jean Pierre Lanfrey, Université Aix-Marseille (13) David Lapoujade, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75) Mathilde Larrere, Université de Paris Est Marne la Vallée (77) Annie Lacroix-Riz, Université Paris 7 (75) Nathalie Lebrun, Université de Lille (59) Amélie Leconte, Aix-Marseille Université (13) Christian Lavault, Université Paris 13 (93) Sandra Laugier, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Christian Lazzeri, Université Paris Nanterre (92) Daniel Lebaud, Université de Franche-Comté (25) Frédérique Leblanc, Université Paris Nanterre (92) Guillaume Leblanc, Université Paris Est (94) Eric Lecerf, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis (93) Gabienne Leconte, Université de Rouen (76) Laurence Le Douarin, Université de Lille (59) Philippe Légé, Université Picardie Jules Verne (80) Vincent Lhuillier, Université de lorraine (54) Thibault Le Corre, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75) Laurent Lemarchand, Université de Rouen (76) Claire Lemêtre, Université Paris 8 (93) Emeric Lendjel, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Yann Leredde, Université de Montpellier (34) Benoît Leroux, Université de Poitiers (86) Marie Leroy-Collombel, Université Paris Descartes (75) Marie-Pierre Lefeuvre, Université de Tours (37) Enora Le Quere, Université de Rouen-Normandie (76) Marie Lesclingand, Université de Nice (06) Clément Lescloupé, Université Paris I Panthéon-Sorbonne (75) Laurent Lespez, Université de Paris-Est Créteil (94) Cécile Lefèvre, Université Paris Descartes (75) Yann Leredde, Université de Montpellier (34) Brigitte Lion, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Dany Lionel, Université d'Aix-Marseille (13) Olivier Long, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Jean-François Louette, Sorbonne Université (75) Odette Louiset, Université Rouen Normandie (76) José Vicente Lozano, Université de Rouen Normandie (76) Isabelle Luciani, Université Aix-Marseille (13) Armelle Mabon, Université Bretagne Sud (56) Yves Macchi, Université de Lille, (59) Pascal Maillard, Université de Strasbourg (67) Arnaud Maisetti, Aix-Marseille Université (13) Corine Maitte, Universite Paris-Est Marne-la-Vallée (77) Christelle Manifet, Université Toulouse Jean Jaurès (31) Patrice Maniglier, Université Paris Nanterre (92) Eric Marquer, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75) Jacob Matthews, Université Paris 8 (93) Benoît Mariou, Université Paris 8-Vincennes-Saint-Denis (93) Pascal Marry, Université Paris Est Marne la Vallée (77) Jean-Luc Martine, Université de Bourgogne Franche-Comté (21) Etienne Matheron, Université d’Artois (62) Frédérique Matonti, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Nicole Mathieu, CNRS/Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Quentin Meillassoux, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75) Sarah Mekdjian, Université Grenoble Alpes (38) Bernard Mezzadri, Université d’Avignon (84) Laure Michel, Sorbonne Université (75) Catherine Mills, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Christophe Miqueu, Université de Bordeaux Montaigne (33) Hasnia-Sonia Missaoui, Université de Toulouse Jean Jaurès (31) Guillaume Mazeau, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Laurence Maurel, Université de Dijon (21) Christophe Mileschi, Université Paris Nanterre (92) Olivier Milhaud, Sorbonne Université (75) Benjamin Moignard, université Paris-Est-Créteil (94) Jeanne Moisand, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75) Nicolas Monteix, Université de Rouen (76) Katell Morand, Université Paris Nanterre (92) Marie Morelle, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75) Olivier Morizot, Aix-Marseille Université (13) Damase Mouralis, Université de Rouen-Normandie (76) Marie-Hélène Mourgues, Université Paris-Diderot (75) Caroline Muller Université de Reims (51) Jennifer Murray, Université de Franche-Comté (25) Alerto Naibo, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75) Bruno Nazaret, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Emilie Née, Université Paris Est Créteil (94) Hélène Nessi, Université Paris Nanterre (92) Frédéric Neyrat, Université de Rouen-Normandie (76) Alexander Neumann, Université Paris 8 (93) Bertrand Ogilvie, Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis (93) Julien O'Miel, Université de Lille (59) Renaud Orain, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75) Jean-Louis Olive, Université de Perpignan Via Domitia (66) Marie-Hélène Orthous, Université Avignon-Pays de Vaucluse (84) Claude Paraponaris, Aix Marseille Université (13) Armelle Parey, Université de Caen (14) Alain Parrau, Université Paris 7 (75) Simon Paye, Université de Lorraine (54) Thierry Pécout, Université de Saint-Étienne (42) Etienne Penissat, Université de Lille (59) Bastien Pereira Besteiro, Université Lyon 2 (69) Philippe de Peretti, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Corinne Perraudin, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Danielle Perrot-Corpet, Sorbonne Université (75) Etienne Petit, Université de Lorraine (57) Claire Pagès, Université de Tours, (37) Mélanie Plouviez, Université de Nice Sophia Antipolis (06) Héloïse Petit, Université de Lille 1 (59) Matthieu Pichon, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75) Manon Pignot Université d’Amiens (80) Catherine Peyrard, Université de Rouen (76) Nathalie Peyrebonne, Université Sorbonne nouvelle - Paris 3 (75) Marie Philemon, Université Paris 8 (93) Hélène Pignot, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Florence Piola, Université Lyon1 (69) Aurélien Poidevin, Université de Rouen (76) Sophie Poirot-Delpech, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Raphaël Porteilla, Université de Bourgogne (21) Jean-Christophe Poully, Université de Caen (14) Behrang Pourhosseini, Université Paris 8 - Vincennes (93) Joël Pothier, Sorbonne Université (75) Plínio Prado, Université Paris 8 - Vincennes (93) Muriel Pucci, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Christophe Quéva, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Lissell Quiroz, Université de Rouen Normandie (76) Véronique Rauline, MCF Université Nanterre (92) Christelle Rabier, EHESS - Marseille (13) Nicolas Rafin, Université de Nantes (44) Olivier Ramaré, CNRS / Aix-Marseille Université (13) Paul Rateau, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, (75) Jean-Yves Rauline, Université de Rouen Normandie (76) Pablo Rauzy, Université Paris 8 (93) Manuel Rebuschi, Université de Lorraine (54) Laurent Regnier, Aix-Marseille Université (13) Emmanuel Renault, Université Paris Nanterre (92) Judith Revel, Université Paris Nanterre (92) Nicolas Rialland, Université de Rouen (76) Jean-Luc Richard, Université de Rennes 1 (35) Ophélie Rillon, IEP de Bordeaux (33) Fabrice Ripoll, Université Paris Est Créteil (94) Olivier Ritz, Université Paris-Diderot (75) Michaël Rivard, Université Paris-Est Créteil (94) Jean Rivière, Université de Nantes (44) Valérie Robert, Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 (75) Vincent Robert, Université Paris I Panthéon Sorbonne (75) Valérie Robin Azevedo, Université Paris V Descartes (75) Jean-Yves Rochex, Université Paris 8 - Vincennes (93) Anne Roger, Université de Lyon 1 (69) Anis Rojbi, Université Paris 8 (93) Salomé Roth, Université Sorbonne Nouvelle (75) Marine Roussillon Université d’Artois (62) Céline Ruet, Université Paris 13 - Villetaneuse (93) Benjamin Saccomanno, Université de Toulouse Jean Jaurès (31) Gaël Saint-Cricq, Université de Rouen (76) Jessica Sainty, Université d'Avignon (84) Catherine Samary, Université Paris Dauphine (75) Samuel F. Sanchez, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (75) Damien Sauze, Université Lumière Lyon 2 (69) Michel Savaric, Université de Franche-Comté (25) Delphine Serre, Université Paris Descartes (75) Pascal Sévérac, Université Paris Est, (94) Nicolas Schapira, Université Paris Nanterre (92) Guillaume Sibertin-Blanc Université Paris-Nanterre (92) Brigitte Sibille, Université Nice-Sophia Antipolis (06) Camille Signoretto, Aix-Marseille Université (13) Wilfrid da Silva, Sorbonne Université (75) Arnault Skornicki, Université Paris Nanterre (92) Pierre Serna, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Charles Soulié, Université Paris 8 - Vincennes (93) Amandine Spire, Université Paris Diderot (75) Patrick Taïeb, Université de Montpellier (34) Armelle Talbot, Université Paris Diderot (75) Pascal Taranto, AMU Romain Telliez, Sorbonne Université (75) Florent Tetard , Université Paris 13 - Villetaneuse (93) Anne Teulade, Université de Nantes (44) Nadine Thèvenot, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Claude Thiaudière, Université de Picardie Jules Verne (80) Marion Tillous, Université Paris 8 (93) Marc Tomczak, Université de Lorraine (54) Anne Tomiche, Sorbonne Université (75) Mathieu Uhel, Université de Caen (14) François Valegeas, Université Paul-Valery Montpellier 3 (34) Boris Valentin, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Eric Valentin, Université de Picardie Jules Verne (80) Julie Valentin, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Jérôme Valluy, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Patricia Vannier, Université Toulouse Jean Jaurès (31) Vincent Veschambre, Université de Lyon (69) Frédéric Verhaegen, Université de Lorraine (54) Patrice Vermeren, Paris 8 Vincennes Saint-Denis (93) Catherine Vigier, Université de Rouen (76) Cécile Vignal, Université de Lille (59) Noémie Villacèque Université de Reims (51) Alexandre Vincent, Université de Poitiers (86) Bruno Vivicorsi, Université de Rouen (76) Bruno Viaris, Université Paris-Sud (91) Luc Vincenti, Université Montpellier-III (34) Christophe Voilliot, Université Paris-Nanterre (92) Anne-Catherine Wagner, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Geoffrey Williams, Université de Bretagne Sud (56) Marc Weinstein, Aix-Marseille Université (13) Maud Yvinec, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (75) Barbara Zauli, Université Paris 8 - Vincennes (93) Anna Zaytseva, Université Toulouse 2 (31) Caroline Zekri, Université Paris-Est Créteil (94)
17:35 Publié dans Actualités, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : étudiants, université, parcours sup, appel | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
07/03/2018
Algérie : Code de la famille, Code de l’infamie
Par Juliette Minces, Sociologue, anthropologue, écrivaine, ancienne Présidente de “Pluriel Algérie”, ancienne membre de Negar - association de soutien aux femmes d’Afghanistan - membre de l’ADRIC - Association de Développement et de Revalorisation de l’Interculturel pour la Citoyenneté - et d’Atalante-Vidéo.
Dans tout pays musulman, la Loi islamique, la Charia, aménagée ou non, est la source du droit. C’est à partir de ses prescriptions que sont régis les citoyens - ou les sujets - croyants ou incroyants. Les pays musulmans qui se veulent “modernes”, ont établi une constitution qui n’a, a priori, rien à envier à celles des pays non musulmans, a ceci près que l’Islam est partout proclamé religion d’Etat.
Là se situe le premier paradoxe : l’égalité en droit entre tous les citoyens, dans tous les domaines, y est affirmée, mais contredite par une religion d’Etat de cette nature, cette “égalité” se transforme, pour les femmes, en poudre aux yeux. Certes les Algériennes sont électrices et éligibles, certes elles peuvent occuper des postes de responsabilité, mais la promulgation et l’application d’un Code de la famille inspiré de la Charia - dont il n’est pas sans intérêt de rappeler qu’elle est elle-même directement puisée aux sources du Coran, et qu’elle a été rédigée sous les Abbassides, à Bagdad, alors capitale de l’islam, vers l’an 750 de notre ère, une vingtaine d’années après la mort du prophète Mohamed (732) - en fait d’emblée des citoyennes de seconde zone, dans la mesure où ce texte conserve les dispositions de la loi religieuse selon lesquelles les hommes ont prééminence sur les femmes, dans tout ce qui a trait au mariage, à la vie conjugale et à l’héritage.
Le Code de la Famille algérien, qui est l’un des plus injustes pour les femmes, a toute une histoire, celle des luttes pour le pouvoir, incessantes depuis l’indépendance, luttes au cours lesquelles les uns - ulémas, mais aussi dirigeants du FLN - jouant sur l’identité islamique irréductible de toute la population algérienne, n’entendaient faire aucune concession s’agissant surtout des femmes, s’opposaient aux autres - déjà en nette perte de vitesse -qui insistaient sur la nécessaire ouverture au monde moderne d’un pays où les femmes, qui avaient joué un rôle considérable dans la lutte armée, devaient être reconnues, y compris dans le domaine de la législation familiale.
Pour conforter sa position, le gouvernement algérien consentit donc aux compromis jugés nécessaires avec les éléments les plus traditionalistes et les plus réactionnaires de la société. Dès l’indépendance, à la grande surprise des militantes et de ceux qui, à l’étranger, avaient soutenu la lutte des Algériens, on sentit que, pour les femmes, le danger menaçait. Elles avaient été, pour la plupart, renvoyées dans leurs foyers, malgré les protestations de nombreuses militantes éduquées qui avaient placé beaucoup d’espoir dans l’Algérie nouvelle.
Certes, le principal ciment des militants du FLN avait été la religion, même si au sein du parti, bon nombre de dirigeants étaient des laïques. D’ailleurs, pour nous qui soutenions leur combat, un auteur comme Frantz Fanon avait servi de garant de l’évolution des mentalités, notamment celle des femmes et des jeunes : n’annonçait-il pas que la lutte armée en ferait des êtres libres et autonomes ?
Les dirigeants du FLN eux-mêmes laissaient entendre sur la scène diplomatique et auprès de leurs soutiens étrangers, que si la religion demeurait toujours aussi importante pour le peuple, elle n’interférerait pas dans le politique puisque l’objectif était de construire un Etat “socialiste” où religion et politique, sphère privée et sphère publique, seraient séparées.
Comme beaucoup d’Algériens et d’Algériennes, nous y avions cru ; en outre et malgré tout, l’enseignement des valeurs de la France républicaine, certes rarement respectées sur le terrain envers les “indigènes”, avaient ouvert des portes et offert, au moins à quelques-uns, ce qu’il possédait de mieux, en matière de droits et de liberté de l’individu : la laïcité. Tout cela, malgré les discriminations inhérentes à tout système colonial, qui faisaient des autochtones des citoyens de seconde zone, par le truchement d’un double collège où ils étaient évidemment minoritaires et désignés uniquement par leur appartenance religieuse.
Pendant une période de flottement longue de près de vingt ans, l’Algérie connut en quelque sorte un double système d’état civil, celui, laïque, qu’avait introduit la France et celui, religieux où le mariage devant un Cadi suffisait pour être valide. Mais c’était compter sans la pression des dignitaires religieux et des traditionalistes qui avaient, pendant la période combattante, mis à l’écart, sinon éliminé physiquement, les dirigeants les plus ouverts à la modernité et qui, une fois l’indépendance acquise, continuèrent à se manifester bruyamment, jusqu’à aujourd’hui.
La religion, comme partout dans le monde musulman, fut instrumentalisée, comme elle continue de l’être. Cependant, il fallait aussi compter sur la vigilance de femmes conscientes des problèmes de la société, particulièrement les jeunes et les anciennes combattantes, que le régime ne cessa pas de redouter.
Voilà qui explique pourquoi ce Code du Statut Personnel fut promulgué en toute discrétion en 1984, après que divers avant-projets eussent été retirés sous la très forte pression de groupes de femmes qui en avaient pris connaissance, malgré les précautions des législateurs.
Le jeu de mots, hélas, est presque trop facile : ce Code, les Algériennes l’appellent le Code de l’Infamie.
Il dispose qu’une femme, même majeure, ne peut se marier sans tuteur matrimonial. Autrement dit, selon la loi musulmane, une femme est une mineure à vie. A l’inverse des hommes, il lui est interdit d’épouser un non musulman. Dans la logique de l’Islam, c’est parfaitement normal : l’enfant appartenant au père, il ne pourrait entrer dans la Communauté des Croyants, à moins de se convertir ou à moins que son père n’ait consenti à le faire préalablement au mariage.
Le consentement de l’épouse est obligatoire mais son silence vaut acquiescement, ce qui permet les mariages forcés, souvent “arrangés” entre parents. En effet, le mariage, bien qu’il ne soit pas à proprement parler un sacrement à l’inverse du mariage chrétien, est cependant un événement traditionnel très important dans la vie des deux familles concernées. L’objectif en est l’alliance, renforcée par l’apport d’une dot par le fiancé, entre deux familles par le truchement de leurs enfants.
D’une façon générale, les parents cherchent parmi leurs alliés, de préférence naguère les cousins ou même les oncles, le parti qui serait le plus commode et acceptable par leur fille. Comme le disent de nombreuses jeunes filles qui acceptent un tel mariage, “j’ai confiance, mes parents veulent mon bien”. Mais celles qui refusent l’union proposée se voient souvent obligées de se soumettre, sous la pression du milieu familial, en dépit des actions de résistance menées par les militantes féministes algériennes.
Le Code reconnaît la polygamie (même limitée à quatre épouses conjointement, comme le veut le Coran) ; la répudiation, qui est le droit unilatéral de l’époux de se séparer de son épouse, sans avoir à justifier de sa décision, et sans obligation de la prévenir officiellement ; l’inégalité dans l’héritage (la fille ne recevant que la moitié de la part à laquelle a droit son frère).
Les détails de ce Code sont importants à connaître car ils font la preuve de ce que les contraintes liées à l’inégalité entre hommes et femmes peuvent produire au quotidien.
Ainsi, si l’épouse répudiée ou divorcée peut se voir confier la garde des enfants elle ne peut en être la tutrice, même veuve : la tutelle ne revenant qu’au père, ou à un parent masculin - et musulman - des enfants. Si la mère obtient la garde, obligation lui est faite de vivre à une distance qui permette au père de rendre visite à ses enfants dans la journée. Les réalités de la vie quotidienne rendent d’ailleurs cette disposition quasi impraticable, compte tenu de la crise du logement qui, d’ailleurs, a jeté dans les rues femmes répudiées et enfants, sans abri et sans ressources, au point que le Chef de l’Etat, M. Abdelaziz Bouteflika et son gouvernement, ont été contraints, sous la pression de militantes courageuses et déterminées, de reconsidérer cette disposition et de décider que le domicile conjugal reviendrait à l’épouse et non plus au mari.
Le Code de la Famille stipule aussi que si l’épouse divorcée ou répudiée veut se remarier - dans la Loi islamique, rien ne l’en empêche, après une période de trois mois dits “d’attente” - elle ne peut le faire qu’avec un homme apparenté aux enfants si elle veut pouvoir les garder, sans quoi ceux-ci lui seront retirés et confiés à leurs grands-parents maternels, à la condition que ces derniers ne viennent pas s’installer sous le toit de leur fille.
Théoriquement l’épouse peut demander, elle aussi, le divorce, mais elle doit alors “racheter” sa liberté en restituant en partie le douaire versé par le mari au moment du mariage, chose rarement réalisable, dans la mesure où toute cette dot a généralement été dépensée par nécessité.
Dans le cas où le mari refuserait le divorce, elle doit, pour parvenir à l’obtenir, pouvoir prouver devant un juge religieux que son époux ne peut plus remplir sa fonction, pour une raison ou une autre (détention, absence prolongée, abandon du domicile conjugal, défaut d’entretien, maladie grave et transmissible, impuissance ou refus de rapports sexuels, choses souvent difficiles ou délicates à prouver). Ajoutons néanmoins que le divorce par consentement mutuel a tout de même fini par être formellement introduit en Algérie.
Ce Code du Statut Personnel, bien que légèrement amendé depuis peu, notamment à propos du logement de la femme séparée, montre clairement la nature du régime algérien et son conservatisme foncier, malgré tous les beaux discours dont il s’est fait une spécialité depuis toujours sur la scène internationale.
Point n’est besoin d’ajouter à cette description, qui en dit déjà long sur le statut des femmes en Algérie, les méfaits, les exactions, les crimes, le martyre qu’elles ont subi dans les années 90 de la part du parti islamiste radical, le FIS qui, à la suite de la confiscation par le pouvoir en place de sa victoire aux élections de 1991, entama par l’intermédiaire de son bras armé, le GIA, une lutte armée faite de massacres effroyables, souvent ciblés, de civils, parmi lesquels les femmes furent les premières victimes pour avoir refusé de se conformer aux diktats des islamistes radicaux, notamment le port du hidjab ou encore l’interdit de fait, pour une mère, de vivre seule avec ses enfants sans un parent masculin pour la “protéger”.
Intellectuels, journalistes, de préférence francophones, mais aussi musiciens, chanteurs, sportifs de haut niveau furent aussi des victimes de choix. Une terreur noire et pudibonde se répandit sur le pays, sous l’influence des Frères Musulmans, des Salafistes ou des Talibans, et dura près de dix ans, nourrie et attisée par la “contre-terreur” instaurée par les militaires et la police du régime, redoutant un affaiblissement de leur pouvoir. Car en même temps que le FIS et les GIA continuaient leurs exactions et leurs massacres, ils apportaient à la population en cas d’urgence et de nécessité - à la suite des tremblements de terre notamment - une aide immédiate et une logistique bien rôdée, palliant l’incurie de pouvoirs publics absents, incapables ou corrompus.
Prises entre l’Etat algérien et les islamistes radicaux qui les massacraient ou les enlevaient pour en faire des objets de jouissance, les femmes algériennes ont eu le courage de manifester maintes fois pour la paix civile et la reconnaissance de leurs droits, de prendre la parole, rassemblant de grandes foules dans les rues. Elles continuent à se battre contre le chômage endémique qui les frappe de plein fouet et pour l’instruction de leurs enfants, de leurs filles tout particulièrement.
Mais tant que la corruption, le népotisme, l’autoritarisme des cercles du pouvoir et des nantis prévaudront, tant que la misère de la majorité de la population poussera des jeunes sans cesse plus nombreux à chercher un salut aléatoire dans l’émigration, tant que l’idéologie islamiste radicale n’aura pas été éradiquée et que l’appareil d’Etat continuera à démissionner de ses fonctions auprès des populations les plus démunies, les femmes, malgré leur courage et leur abnégation, demeureront les premières victimes de ce désastre humain et social. Grâce à elles, pourtant, la vie continue, les enfants étudient, y compris les filles, qu’elles ont continué à envoyer à l’école et à instruire malgré tous les dangers, durant la noire décennie écoulée, dont les séquelles sont encore présentes et dont les plaies ne sont pas refermées, quoi qu’en dise - ou quoi qu’en taise - le régime algérien.
Résumé
Au lendemain de l’Indépendance, les femmes algériennes qui avaient pris une part prépondérante et exemplaire aux combats de la libération du pays, ont dû rapidement déchanter. Le “Code du Statut Personnel” confirme, malgré quelques nuances, le conservatisme foncier du régime, en dépit de tous les beaux discours dont il s’est fait une spécialité depuis toujours sur la scène internationale.Sources Cairn.info
18:26 Publié dans Connaissances, International, Jeux, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : algérie, femmes, droits | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
16/12/2017
DE LA VILLE A LA CAMPAGNE, LE THEATRE POUR TOUS
Sources : La Vie.fr
La compagnie l’Eygurande regroupe des artistes autour de projets culturels populaires accessibles à tous, en ville comme à la campagne.
« On entend souvent dire que l’art ça ne sert à rien, mais tout le monde sait qu’on en a besoin ». Œuvrer pour un théâtre populaire et accessible à tous, c’est le travail de Jean-Louis Mercuzot et de la compagnie l’Eygurande qu’il codirige. Installée à Missery, en Côte-d’Or, l’association existe depuis 1989.
Elle regroupe un noyau dur de cinq personnes, tous artistes et intermittents du spectacle. En concertation avec la municipalité de ce village d’une centaine d’habitants, ils ont créé de toutes pièces un lieu permanent de théâtre et de fabrication –La Cité du verbe –, véritable atelier d’effervescence artistique en milieu rural inauguré il y a six ans.
La structure est une ancienne ferme réhabilitée puis revendue à la ville pour un euro symbolique en contrepartie d’un bail emphytéotique de 50 ans.
Dans l’Auxois-Morvan, c’est le seul lieu de spectacle vivant qui existe sur un rayon de 35 km. « Missery rêvait d’une équipe artistique et d’un lieu de culture. Nous avions besoin d’un refuge où l’on puisse monter nos projets en toute sérénité, sans enchainer les résidences et être en permanence dans l’errance », témoigne Jean-Louis Mercuzot. « L’idée derrière la naissance de la Fabrique est d’incarner un espace qui profite au territoire, pas de faire de l’argent.
C’est un lieu public, pour la communauté. Notre démarche sort de l’ordinaire. Elle nous permet de gérer de manière autonome ce lieu tout en étant une propriété municipale. C’est un acte politique. » Autre originalité de la compagnie l’Eygurande, son intérêt pour la science, en particulier le lien entre artistes et scientifiques.
Dernier projet en date, « Sciences en campagne », dont l’objectif est de réunir habitants, scientifiques et artistes en transversalité autour des questions liées aux nanotechnologies. En collaboration avec le laboratoire d’Excellence Lipstic, spécialiste de la prévention et du traitement des maladies inflammatoires et du cancer, en Bourgogne-FrancheComté, les artistes interpellent les scientifiques pour comprendre leur travail et créer un échange. « La science pose des questions fondamentales pour penser le monde. Ce sont des interrogations si fortes, qu’elles nous disent parfois que le monde est en danger.
Homme modifié, particules toxiques dans les aliments, campagnes de vaccinations : nous créons un dialogue autour de ces sujets pour mieux les comprendre ». Après la période d’incubation, suit la phase de conception de l'objet artistique. Les créations, sous formes de scénettes avec du chant, des instruments et du théâtre sont présentées de manière originale au grand public. « L’idée est de créer un dispositif festif, un théâtre de foire, populaire et accessible. Nos projets ont vocation à aller chez les gens. Nous avons par exemple développé le théâtre en appartement. »
Nomade dans l’âme, la compagnie l’Eygurande ne limite pas son champ d’action à la Côte-d’Or. Le projet « Sciences en campagne » s’articule sur trois départements, La Creuse, la Lozère et le Morvan.
Un projet miroir « Campagne de sciences » a été développé à Evry, dans l’Essonne, où l’association anime une deuxième structure culturelle, le théâtre du coin des mondes. « Ce sont les mêmes projets, seulement l’un est à la campagne, l’autre est à la ville. Nous souhaitons réellement travailler au milieu des gens. C’est là que le travail de l’artiste devient intéressant, quand il se frotte aux autres ».
À Evry, la compagnie l’Eygurande œuvre dans le quartier du Champtier du Coq, une cité populaire où la population multiculturelle est souvent stigmatisée. « Il y a beaucoup de primoarrivant qui pensaient partir, mais qui sont finalement restés. »
Au contraire à Missery, la population comprend peu d’immigrés. Elle est également plus vieillissante et se sent abandonnée dans un territoire où les services publics sont faibles, où il n’y a pas de transports collectifs. Point commun de ces populations : la pauvreté. « Quand la peur, la crainte et l’enfermement prennent le dessus. On a affaire à des personnes qui ne pensent pas être intéressées par l’art, qui s’imaginent que c’est trop intellectuel. Tout l’enjeu est là : toucher un public qui ne s’y attend pas
». La compagnie l’Eygurande travaille en complicité avec les associations locales, les centres sociaux et les médiathèques qui les mettent en relation avec les habitants.
À Evry, l’association a monté un projet tout particulier avec des enfants de 18 mois à 3 ans et leur famille. Il s’agit d’un éveil artistique autour de la question des langues et du langage chez les jeunes enfants, y compris in utéro. Ce travail en partenariat avec des linguistes déstabilise les idées reçues sur l’intelligence des enfants. On évoque leur sensibilité, leurs capacités inouïes, leur mémoire.
Sur la base de ces ateliers partagés avec les familles nait un objet artistique qui aboutira à des représentations participatives au théâtre du coin des mondes. « Ce projet fonctionne à Evry où il y a beaucoup d’enfants en bas âge. La diversité des populations dans ce quartier multiculturel est aussi un atout. Cela nous permet d’aborder le sujet de la langue maternelle.
Ces familles se posent souvent la question de l’intégration : si je parle un dialecte avec mon enfant, va-t-il pouvoir s’intégrer ? Le langage est la reconnaissance de l’autre sont au cœur du dispositif. » Après plus de 25 ans d’activités, les projets de la compagnie continuent à se construire dans la permanence des valeurs de l’association. « On ne souhaite laisser personne sur le bas-côté. Nous essayons constamment d’être en ouverture vers l’autre, de ne pas construire par rapport à nos références à nous mais être à l’écoute d’autrui pour commencer à partager. »
Car comme le relève Jean-Louis Mercuzot : « Vivre c’est être en questionnement permanent, il ne faut pas s’enfermer pour ne pas rester sur place. Il faut se décentrer pour se laisser transformer, toujours. »
> Pour en savoir plus : La Cité du Verbe, Hameau de Saiserey, 21210 Missery Tel 03 80 84 47 17 Site http://www.eygurande.net/ Facebook https://www.facebook.com/Eygurande/ >
11:28 Publié dans Entretiens, Radio Evry, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mercuzot, théâtre, evry, eygurande, missery | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |
29/09/2017
La réforme du code du travail perd son “procès” au tribunal de la fête de l’Huma
“C’est le vrai ou pas ? Il lui ressemble beaucoup quand même!” Dans la foule regroupée sous le chapiteau de l’Agora de la fête de l’Huma, certains participants sont un peu confus. Est-ce vraiment Bernard Thibault, ex-secrétaire général de la CGT qui est en train de s’exprimer – il a pourtant une coupe de cheveux des plus reconnaissables ? Ou bien un acteur, comme bon nombre des personnes présentes des deux côtés de la scène de ce “tribunal” censé statuer sur la réforme du code du travail ? Que le public se rassure : c’était bien le vrai Bernard Thibault, comme toutes les “parties civiles” venues s’exprimer à l’occasion de ce vrai-faux procès des ordonnances Macron, déjà critiquées récemment à l'occasion de la manifestation à l'appel de la CGT, le 12 septembre.
Côté défense, en revanche, “Monsieur Profite, Jean Profite” ou encore “Madame Buse, Elsa Buse” (tsoin tsoin!) ne sont pas réels : ils incarnent les personnages de Pierre Gattaz, patron du Medef, ou d’une représentante de la Commission européenne – avec le discours qui va avec. L’idée de ce simili-procès, notamment animé par la “présidente du Tribunal” – Laurence Mauriaucourt irl, journaliste à l’Huma, qui a revêtu une tenue de juge pour l’occasion ? Faire témoigner toutes les parties prenantes de cette réforme, que ce soit ses détracteurs ou ses partisans. Une façon “moins rébarbative” que les débats classiques d’évoquer la question, dixit les dires d’un festivalier près de nous pendant la conférence, mais aussi de rappeler le contenu – et les potentielles conséquences sur les travailleurs – de ces fameuses ordonnances. Sont évoquées, pêle-mêle : la baisse des indemnités prud’homales en cas de licenciements sans cause réelle et sérieuse, la potentielle fin des accords de branche ou encore la primauté donnée au périmètre hexagonal pour appréhender les difficultés économiques des multinationales licenciant en France.
12:02 Publié dans Cactus, Connaissances, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : loi travail, procès, l'humanité | | del.icio.us | Imprimer | | Digg | Facebook | |