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19/02/2020

Philippe Martinez : « Sur la réforme des retraites, rien n’est encore joué »

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Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez assure dans La Croix que rien n’est encore joué dans le combat contre le projet de système universel des retraites. La CGT, qui peut faire preuve de « dogmatisme », doit mieux prendre en compte les nouvelles formes de travail.

La Croix : La CGT est clairement opposée au projet de réforme des retraites. Quelle serait votre alternative ?

Philippe Martinez : Notre projet est assez clair, contrairement à celui du gouvernement : améliorer le système actuel qui souffre de réformes qui ont affaibli les ressources dédiées à la Sécurité sociale. Il faut inverser cette tendance et rouvrir le robinet.

Pour financer un système de retraite plus solidaire, il faut d’abord être plus solidaire dans le travail. Régler le problème de l’inégalité salariale entre les femmes et hommes, par exemple, représenterait 6,5 milliards d’euros de cotisations supplémentaires. On pourrait aussi augmenter globalement les salaires, ce qui augmente naturellement les cotisations. Augmenter la masse salariale rien que de 1 % dans le privé, cela rapporte 3,6 milliards d’euros de cotisations sociales supplémentaires.

Peut-être faut-il aussi revoir les exonérations pour les employeurs sur les bas salaires. Les patrons ne payent pas de cotisations jusqu’à 1,6 fois le Smic, avec un double effet : pas de rentrée d’argent pour la Sécurité sociale et pas d’intérêt à vous augmenter pour rester sous le plafond. Il faut évaluer ce système, savoir s’il permet vraiment de créer de l’emploi.

Enfin, peut-être pourrait-on élargir l’assiette des cotisations, en intégrant les rémunérations aujourd’hui exonérées comme les primes d’intéressement et de performance, ou encore les transactions financières. Nous souhaitons aussi que tout le monde cotise de la même façon, quel que soit son revenu, et non pas dans la limite de plafonds comme le prévoit le projet de loi pour les hauts salaires.

Vous souhaitez aussi que les gens partent plus tôt à la retraite ?

P. M. : L’âge légal doit être ramené à 60 ans. Attention cela ne veut pas dire un départ obligatoire à 60 ans ! La formule d’Ambroise Croizat (ministre du travail et de la sécurité sociale en 1945, NDLR) reste le meilleur symbole d’un système de retraite pour nous : « Je cotise selon mes moyens, je reçois selon mes besoins. »

La vraie question est celle de la répartition des richesses créées, et c’est un choix de société. Soit on considère que la protection sociale est un marqueur d’une société solidaire et fraternelle, soit on considère que c’est un coût. Ces deux conceptions s’opposent.

Siégerez-vous à la gouvernance du futur système s’il est mis en place ?

P. M. : Le problème, c’est que le gouvernement veut une gouvernance où l’État a son mot à dire. Les cotisations, ce n’est pas l’argent de l’État. Elles sont liées au travail et appartiennent à ceux qui cotisent. Quand le gouvernement s’en mêle, c’est forcément pour réduire les dépenses, comme pour l’assurance-chômage. Cette future gouvernance aura toujours la pression de mesures économiques qui l’emporteront sur des mesures sociales.

Vous ne participerez donc pas ?

P. M. : Vous avez une idée de comment se passera ce comité, vous ? Moi pas, et ce que j’en sais ne m’inspire pas confiance. Après, je ne décide pas tout seul et nous verrons le moment venu.

La mobilisation n’a pas vraiment pris dans le secteur privé. Quelles leçons en tirez-vous ?

P. M. : Dire que le privé ne s’est pas mobilisé, c’est un point de vue… Dans l’agroalimentaire, 100 000 salariés font grève en moyenne à chaque journée d’action. Dans le commerce, certains font une heure de grève. Il y a des grèves. Pas au niveau où je le souhaiterais, mais il y en a. Après je comprends tous ceux qui n’arrivent pas à boucler leur fin de mois et pour qui une heure de grève, c’est un chariot moins rempli à la fin du mois.

La grève est-elle le bon outil pour combattre un projet ?

P. M. : C’est l’un des meilleurs outils de mobilisation mais c’en est un parmi d’autres. Je suis agréablement surpris par ce qui se passe dans ce pays. J’étais à Perpignan récemment, 2 500 personnes ont défilé aux flambeaux dans les rues, c’était magnifique. Le lendemain à l’hôpital, des agents ont jeté leur blouse, tout cela est nouveau. Il y a une créativité et une originalité dans ce mouvement.

Ces dernières années, les mobilisations nationales ont rarement atteint leur but. Cela remet-il en question votre stratégie syndicale ?

P. M. : Sur la réforme des retraites, rien n’est encore joué. Plus on avance, moins cette réforme est claire et les débats au Parlement sont loin d’être finis.

Sur la place du syndicalisme, il est vrai que le monde du travail change. Nous nous sommes intéressés à ceux qui avaient un contrat de travail, or de plus en plus de travailleurs n’en ont pas ! Nous avons pris du retard sur ce terrain. Nous sommes parfois un peu trop dogmatiques. Si nous sommes contre le travail du dimanche, cela ne doit pas nous empêcher de défendre ceux qui travaillent le dimanche. Je suis contre l’ubérisation mais elle existe et nous devons écouter ces travailleurs. Notre responsabilité en tant que syndicalistes est de nous occuper de toutes celles et tous ceux qui travaillent.

Il faut nous battre pour un syndicalisme de proximité. Dans la majorité des lieux où les syndicats sont présents, l’image des syndicalistes est meilleure et les droits des travailleurs, aussi. On ne peut pas passer notre vie avec des ministres, au risque de devenir soi-même une institution. L’essence de notre syndicalisme est d’être à côté des salariés et de les écouter pour connaître la réalité. Je dis souvent en interne : on a une bouche et deux oreilles, qu’est-ce qui doit servir deux fois plus ?

Le climat social vous semble-t-il plus tendu aujourd’hui ?

P. M. : La situation se dégrade, à force de dénigrer les corps intermédiaires et de ne pas être à l’écoute. Le président de la République et la majorité ont une attitude méprisante. Je n’ai trouvé personne qui ait trouvé du boulot en traversant la rue ! Alors oui, une partie des salariés me disent : « T’es gentil, Martinez, avec tes grèves, mais il faut faire autre chose maintenant. » Certains en ont marre. Le respect et l’écoute sont dégradés. Mais ce n’est pas à moi de m’excuser, je ne suis pas à l’origine du mépris qui mène aux débordements.

Le « respect » et « l’écoute », cela vaut-il pour les militants de la CGT qui ont investi les locaux de la CFDT ?

P. M. : Ce qui s’est passé à la CFDT est inacceptable. La condamnation a été claire. Ce genre d’actions ne correspond pas à ma vision de la démocratie. Je ne suis pas d’accord avec la CFDT ; ils ont le droit d’avoir un avis, même si je ne le partage pas.

20:48 Publié dans Actualités, Entretiens, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe martinez, cgt, entretien | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

27/01/2020

Ils n’ont pas honte !. Soit la réforme, soit une épidémie ?

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Pas d’autre choix, selon l’élu LaREM Dominique Da Silva : il faut travailler plus longtemps ou prier pour qu’une épidémie frappe nos retraités.

Tout est décidément permis chez les macronistes pour promouvoir la réforme des retraites. Y compris le recours aux pires arguments. Il serait ainsi strictement impossible de financer la retraite à 60 ans à taux plein et de rejeter le projet gouvernemental, à moins d ’« espérer un coronavirus qui viendrait atteindre les plus de 70 ans », a osé déclarer le député LaREM Dominique Da Silva, sur BFM TV.

En avançant cette idée vaseuse, celui qui fait partie des « ambassadeurs » de la réforme cherche à frapper l’imagination des Français pour les empêcher de réfléchir. Il leur assène qu’il n’y a aucune alternative au projet d’Emmanuel Macron : si le pays n’adopte pas cette réforme, seule une épidémie décimant nos aînés nous sauvera. Seule issue à ses yeux : repousser toujours plus l’âge de départ à la retraite de génération en génération, ce qui revient à… épuiser et envoyer plus vite dans la tombe les personnes âgées qui continueront à travailler plus longtemps.

C’est en réalité la réforme du gouvernement elle-même qui menace l’espérance de vie des Français. Tout comme ce sont ses choix politiques qui empêchent la retraite à 60 ans à taux plein. Après tout, le système actuel n’est pas menacé de déséquilibre, et peut-être largement amélioré. Comment ? Près de 130 milliards d’euros composent actuellement le Fonds de réserve pour les retraites. La Caisse d’amortissement de la dette sociale doit prochainement rapporter 24 milliards par an. Moduler les cotisations sociales comme le propose le PCF permettrait de rassembler 70 à 90 milliards en cinq ans.

Enfin, créer des emplois, lutter contre le chômage, augmenter les salaires dont celui des femmes, plutôt que de dilapider plus de 100 milliards d’euros comme cela a été fait avec le Cice, permettrait d’alimenter les caisses de retraite. Un peu mieux qu’une épidémie comme solution non ?

12:33 Publié dans Cactus, Economie, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : da silva, retraites, épidémie | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

19/01/2020

Cinéma. Le retour de l’homme des neiges

Marche avec les loups.jpg

Marche avec les loups Jean-Michel Bertrand France, 2018, 1 h 28. Musique Armand Amar
Jean-Michel Bertrand se met modestement en scène avec abnégation et un vrai talent de conteur.

On a loupé le précédent film de Jean-Michel Bertrand, la Vallée des loups, au thème identique. Donc, pour nous, Marche avec les loups est un peu une révélation, même si on se méfie des documentaires animaliers, susceptibles des pires manipulations. Mais ici, le problème est inversé : c’est plus une autofiction sur l’auteur qu’un safari ciné sur un jeune loup introuvable ayant quitté la meute, dont Bertrand suit la trace jusqu’au Jura. L’animal a la portion congrue. Bertrand se déplace seul, pose des caméras automatiques sur le parcours des loups, mais ne capte que des bribes de leur présence.

L’auteur se fait filmer in situ

L’épine dorsale du film, c’est le récit, dit par le cinéaste d’une voix faible, susurrée, mais prenante. On est loin des documentaires agréés par les puristes du réel ; les films de Bertrand ont en commun avec les grand-messes animales de Jacques Perrin, Nicolas Vanier ou Luc Jacquet, une musique symphonique dégoulinante. C’est le seul bémol dans un film qui a beau être un produit Pathé, mais dont le principe est inattaquable car il exprime la vision et les sentiments de l’auteur in situ, sans prétendre enregistrer la réalité brute.

Marche avec les loups est une œuvre quasi littéraire, narrée sans effets de manche par Bertrand. Alors que le ou les loups, le lynx, apparaissent en contrechamp, et pas dans le même plan que Bertrand. Ce qui compte, ce sont les détails matériels de la poursuite dans la neige, et le credo du défenseur/amoureux de la nature qui n’a pas le mot écologie constamment à la bouche, mais exprime à merveille la question de l’équilibre entre l’homme et son environnement – au point de s’être fait des ennemis chez les bergers, scandalisés par sa défense du prédateur.

La magie Bertrand, ce sont des petits riens, des confidences, l’apparition d’un lynx, les hypothèses sur le trajet du loup, ou la découverte émouvante du journal d’une solitaire dans un refuge. À chaque étape de cette épopée lo-fi, Bertrand séduit par son propos sur le monde vivant considéré comme un tout, au diapason du peintre-écrivain suisse Robert Hainard (1906-1999). On souhaite que le travail de Bertrand ne devienne pas un produit style Nature & Découvertes, mais qu’il continue à guider notre regard sur notre monde fragile que nous ne savons pas voir.

 

10:05 Publié dans Cinéma, Planète | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marche avec les loups, jean michel bertrand | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

24/12/2019

George Mallory L’Everest "parce qu’il est là"

Mallory.jpgUn autre alpiniste a-t-il gravi l’Everest, vingt-neuf ans avant l’exploit reconnu d’Edmund Hillary ? La question est toujours débattue pour savoir si, en 1924, George Mallory, incarnation d’une génération voulant oublier la Grande Guerre, a contemplé la Terre depuis le toit du monde.

Comme nombre d’alpinistes de son époque, il ne jugeait pas très « sport » d’employer de l’oxygène pour gravir les sommets. George Mallory, le 8 juin 1924, s’y résoudra pourtant, pour sa troisième tentative de gravir l’Everest. Ce jour-là, à 12 h 50, l’alpiniste anglais âgé de 37 ans disparaît dans la brume, en compagnie d’Andrew Irvine.

Un peu plus bas, Noel Odell, qui tentait de rejoindre le camp VI, à plus de 8 000 mètres, entraperçut entre deux nuages ces deux petits points sombres sur la glace. « Il y eut soudain une éclaircie et toute l’arête sommitale et la cime de l’Everest sont apparues, écrivit-il dans ses Mémoires. Puis la brume les enveloppa de nouveau. » Odell attendra deux jours qu’ils reviennent, avant de déployer sur la neige deux sacs de couchage en T : le signal convenu pour signifier au reste de l’équipe, plus bas, qui scrutait chaque heure aux jumelles, qu’il n’y avait plus d’espoir.

Pas de preuve directe mais un indice de succès

Pour percer un peu plus le mystère, il faut attendre 1999. Cette année-là, une expédition se donne pour but de retrouver des traces de Mallory. Dans les années 1930 fut retrouvé un piolet qui appartenait à l’un ou l’autre. En 1975, un alpiniste chinois affirme avoir aperçu un cadavre qu’il décrit comme celui d’un alpiniste anglais, mais meurt le lendemain dans une ascension.

Une bouteille d’oxygène datant des années 1920 est retrouvée en 1991 sur la route du sommet. Avec ces indices, l’expédition de 1999 retrouve le corps de Mallory à 8 290 mètres sur la face nord de l’Everest. Son cadavre est face contre le sol, portant les stigmates d’une chute. Celui d’Irvine reste prisonnier de la montagne. Sur Mallory est retrouvé son altimètre, des lettres de sa femme, un canif, des lunettes de glacier, mais pas l’un des deux appareils photo qui devaient immortaliser l’instant au sommet. Pas de preuve directe donc du succès de l’ascension.

Mallory n’avait pas non plus la photographie de sa femme, qui ne le quittait jamais, et ça, c’est au contraire un indice de succès : il avait promis de la laisser en haut… Après une cérémonie anglicane improvisée, le corps de Mallory a été recouvert de pierres.

Aujourd’hui encore, la question de savoir si Mallory et Irvine ont bel et bien été les premiers à gravir l’Everest (baptisé du nom d’un responsable de la Royal Geographical Society au XIXe siècle) est débattue. Mallory, membre du prestigieux Alpine Club, aurait été alors, vingt-neuf ans avant sir Edmund Hillary et son porteur Tensing Norgay, un pionnier sur le toit du monde. Pour l’alpiniste italien Reinhold Messner, la chose est impossible.

Les deux hommes ne pouvaient pas franchir le deuxième ressaut à cette époque – aujourd’hui, une échelle le permet – sans pitons, sans chaussures adaptées, et la fine corde de soie dont il disposait n’aurait pu retenir un homme dans sa chute. Le ressaut, classé en sixième degré, aurait été en raison de l’altitude, 8 600 mètres, un mur infranchissable. On aurait tort de ne jurer que par l’équipement, la technologie. Peu après la découverte du corps de Mallory, une équipe d’experts en textile mit trois ans à concevoir une « réplique » des tenues portées par Mallory et ses compagnons, faites de laine, soie, coton et gabardine.

Elles se sont révélées adaptées au froid extrême – les sherpas étaient, eux, engourdis par la température. Mieux encore, l’équipement de Mallory se révélait, avec ce test, 20 % plus léger pour les vêtements et 40 % pour les chaussures que les produits actuels.

Interrogé sur sa motivation à revenir dans l’Himalaya et gravir la montagne de l’Everest, George Mallory répond du tac au tac : « Parce qu’elle est là . » « Mallory est peut-être parvenu au sommet de l’Everest en 1924 mais je suis le premier à en être redescendu vivant. » Vachard au titre de la confraternité, Edmund Hillary a raison au regard de la tradition alpine. Pourtant, rien n’aurait pu se faire sans les trois expéditions qui, en 1921, 1922 et 1924, s’attelèrent à l’Everest.

Il fallut partir de Darjeeling (nord de l’Inde) et sa chaleur étouffante pour rejoindre la face nord et ses – 40 °C. Les expéditions britanniques, mêlant militaires et alpinistes civils, qui, tous, connurent les tranchées de 1914-1918, s’inscrivent dans un complexe environnement, à la fois diplomatique et scientifique. Il s’agit de cartographier une région inconnue aussi à des fins militaires, se jouer de la Russie soviétique qui a des vues sur la région, amadouer le dalaï-lama. Et, au sortir de la boucherie de la Grande Guerre, procurer à une nation tout entière un motif de fierté.

12:33 Publié dans Connaissances, Histoire, Planète, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : everest, mallory, alpinisme | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!