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31/01/2019

Fabien Roussel : « Discréditer les partis et les syndicats c’est dangereux

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Le secrétaire national du PCF depuis trois mois, Fabien Roussel était l’invité de « Face aux Chrétiens » le jeudi 31 janvier, en partenariat avec La Croix, KTO, Radio Notre-Dame et RCF. Principaux extraits.

Discréditer les partis et les syndicats c’est dangereux

« Il va falloir que ce gouvernement entende ce qui se passe. Additionnons-nous, rassemblons-nous, il faut faire converger ces forces syndicales, ces forces politiques, ces associations qui portent les demandes de justice sociale et de justice fiscale. Quand il y a 50% d’abstention aux élections, cela veut dire que les gens ne croient plus que des gens puissent bien les représenter. C’est un grand danger pour la démocratie et ceux qui disent que les partis politiques et les syndicats ne servent à rien, que l’on pourrait tout résoudre par référendum et qu’il n’y a plus de différence entre la gauche et la droite, cela discrédite la politique. Comment organise-t-on la vie en société, comment organise-t-on la défense de l’intérêt général ? » Il a redit l’attachement de son parti à l’ISF, car « il s’agit d’un impôt de solidarité sur la fortune. Ce n’est pas une affaire de symbole mais de solidarité et une mesure de redistribution. »

Le parti communiste va présenter des Cahiers d’espérance

Fabien Roussel a confirmé que son parti allait participer au débat national. « Le gouvernement a dit que ce serait un débat sans tabou. Nous disons, nous, que ce ne doit pas être un débat sans espoir. Si c’est une grosse opération de communication, si c’est un Macron show, cela ne peut pas marcher. On va envahir ce débat, on va l’organiser et on va demander de remplir des « Cahiers d’espérance » et non pas des cahiers de doléances car nous ne sommes pas là pour geindre, et nous irons les porter à Matignon et à l’Elysée. Nous ferons dix propositions pour redonner du pouvoir d’achat, restaurer nos services publics et répondre à l’exigence de démocratie. »

Pour un référendum d’initiative populaire encadré

Le secrétaire national du PCF s’est dit favorable à un référendum d’initiative populaire. A condition qu’il soit encadré. « Il faut que ce référendum ne remette pas en cause la déclaration universelle des droits de l’homme, les conventions internationales du droit du travail, ni les droits acquis comme la suppression de la peine de mort que nous considérons comme une grande avancée qui ne peut être remise en cause. » Il a reconnu que la gauche était en perte de sens et qu’à l’avenir, plus qu’une union des partis de gauche, c’est une union des peuples de gauche dont la France a besoin. Evoquant les prochaines élections européennes, il a souhaité que l’on donne plus de pouvoir au parlement européen qu’il faut par ailleurs « libérer des lobbys qui viennent polluer tous les débats. »

Sources La Croix

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07/01/2019

TRIBUNE. Quand antisémitisme et racisme s'infiltrent chez les "gilets jaunes"

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L’historien et l'essayiste Marc Knobel analyse les différents mécanismes et ressorts de la xénophobie telle qu’elle se développe depuis la crise des "gilets jaunes".

Le mouvement des "gilets jaunes" est loin d'être homogène. Les revendications disparates et contradictoires s'ajoutent les unes aux autres, depuis plusieurs semaines. Les "gilets jaunes" disent se battre contre les taxes et les impôts, la cherté de la vie, l'injustice sociale, pour une plus grande représentativité démocratique et une plus juste solidarité.

Il est vrai que la pauvreté et la misère affectent des millions de Français : travailleurs, ouvriers, chômeurs, déclassés, agriculteurs sacrifiés, classe moyenne, retraités, jeunes… Ces gens se sentent abandonnés par les technocrates, la classe politique. L'injustice, l'isolement, l'abandon, la paupérisation sont insupportables, nous le soulignons ici.

J'ajouterai une touche personnelle. L'auteur de ces quelques lignes a connu et vécu la misère totale et la détresse de ses propres parents, qui étaient marchands forains au Carreau du Temple, à Paris. Je l'ai raconté dans un article qui a été publié dans la "Revue des Deux Mondes", en novembre 2018. Je peux donc comprendre le cri de douleur et de colère de ceux qui ont faim, de ceux qui ont mal.

Mais, pour se faire entendre par la classe politique, le président et le gouvernement, doit-on casser et brûler ? N'avons-nous pas assisté ces derniers temps à des scènes d'une violence inouïe, dans un Paris outragé et violenté, également par des casseurs et de petits voyous, des factieux de l'ultra gauche ou de l'ultra droite et des gens qui se sont radicalisés, qui infiltrent ce mouvement ?

Une frange infiltrée

Par ailleurs, beaucoup de questions se posent après les débordements choquants et clairement antisémites observés par exemple le samedi 22 décembre à Paris lors des manifestations des "gilets jaunes".

Théories conspirationnistes, refus du système, puissants stéréotypes racistes et antisémites, propagande distillée par la nébuleuse complotiste, radicalisation et instrumentalisation diverse de l'ultra droite et/ou de l'ultra gauche, permettent à l'antisémitisme de se développer et de prospérer plus ouvertement depuis plus de deux mois, chez une frange infiltrée de ce mouvement.

Il ne s'agit pas de condamner tous les "gilets jaunes", bien évidemment. Cependant, certains commentateurs s'étonnent. Par exemple, le 24 décembre 2018, excédée, l'humoriste et comédienne Sophia Aram s'exclame sur son compte Twitter : "Les slogans complotistes, antisémites, racistes, sexistes, homophobes, les menaces et violences envers les journalistes et les élus… ne sont rien comparés à la masse inerte de Gilets Jaunes que ça ne dérange pas".

Alors, tentons d'expliquer ce qui se passe ici, lorsque l'on parle d'antisémitisme ou de racisme.

Les conspirationnistes prolifèrent sur Internet

Sur Internet, les théories conspirationnistes se développent, plus que partout ailleurs. Elles se diffusent également dans la société, tant à l'extrême gauche qu'à l'extrême droite et touchent toutes les classes sociales. Or, s'il existe des expressions de complotisme dépourvues d'antisémitisme, l'antisémitisme est une constante du conspirationnisme.

Expliquons. L'historien des idées Stéphane François rappelle que les théories du complot consistent en une interprétation des évolutions du monde et des mœurs par l'existence d'un "métacomplot". Pour les complotistes, celui-ci serait fréquemment juif, maçonnique ou financier, les trois pouvant d'ailleurs fusionner, dans un délire paranoïaque.

L'historien des idées explique que parmi les points communs, nous trouvons le refus du "système", la condamnation du néolibéralisme, ainsi qu'un antisionisme/antisémitisme, qui peuvent tous combiner dans la condamnation des financiers juifs. Cette condamnation est d'ailleurs parfois devenue une constance importante de ce type de pseudo-discours dans les mouvances antimondialistes et antilibérales, depuis le début des années 2000.

A ce propos, le politologue Yves Camus rappelle dans un entretien qu'il accorde aux Inrocks.com, le 11 novembre 2018, que c'est "principalement la nébuleuse complotiste soralienne et dieudonniste qui propage les préjugés antisémites".

Antisémitisme et « gilets jaunes » ?

Ajoutons ces derniers développements depuis que le mouvement s'est constitué :

• Une députée de La République en Marche (LREM) dénoncée comme "youpine" sur les réseaux sociaux après un débat télévisé avec des meneurs du mouvement ; la récurrence du procès en collusion "juive" du président de la République, "pute à juifs" (sur une banderole de l'autoroute A6), "pourriture [sic] de juifs" (graffiti rue Molitor à Paris), "Macron (…) = Sion" (panneau à Pontcharra, en Isère), dont les slogans proviennent d'un site particulièrement ordurier et antisémite, bloqué dernièrement par la justice de notre pays. 

• "Vous nous gazez comme des putains de juifs", prononcé le 23 décembre 2018 par des "gilets jaunes" à Paris. Des quenelles et des saluts nazis à Montmartre qui témoignent d'un risque certain d'adoption par des groupes de plus en plus divers des thèmes de l'antisionisme raciste, selon l'historien Vincent Duclert ("Le Monde", 11 novembre 2018). Rappelons ici que les quenelles sont à la fois signe de ralliement antisystème, mais aussi hymne antisémite codé. Dans un tweet ce 24 décembre 2018, Bernard Pivot s'insurge avec raison et fait part de son dégoût, à ce sujet : "Quenelle, joli mot de la cuisine lyonnaise, mot que je chéris parce que les quenelles de ma mère étaient divines, mot sali, souillé, déshonoré par Dieudonné et les 'gilets jaunes' antisémites." Des propos négationnistes sur la ligne 4 du métro parisien ; sur les quais de Rhône, en plein mouvement "gilets jaunes", une inscription sur une banderole : "Macron=Drahi=Attali, Banques=médias=Sion"

Voilà là également en ces quelques slogans, la résurgence de préjugés puissants et terrifiants. En octobre 2016, un sondage d'opinion CNCDH/SIG/IPSOS révélait que 35% des Français pensent que "les Juifs ont un rapport particulier avec l'argent" (1) Depuis quelques années, cet antisémitisme (primaire) connaît un nouvel écho et la montée des préjugés et des stéréotypes est particulièrement alarmante.

L'ultra droite se fédère-t-elle autour de l'antisémitisme ?

Cette fois-ci, les choses sont claires. Sur le site Internet de "l'essayiste" d'extrême-droite Alain Soral, une annonce est publiée. Une "grande réunion publique" devrait avoir lieu le 19 janvier 2019, en présence du militant d'extrême droite, Yvan Benedetti, qui a présidé le groupuscule l'Œuvre française en 2012. Rappelons que le 22 octobre 2018, à l'occasion du décès du négationniste Robert Faurisson, Benedetti rendait sur Twitter hommage au négationniste, qu'il qualifie notamment de "Hérault (sic) des temps modernes qui aura marqué la 2ème moitié du XXe siècle."

Il faut compter aussi sur la présence du directeur de l'hebdomadaire d'extrême droite "Rivarol", Jérôme Bourbon, condamné récemment par la justice pour des tweets négationnistes et antisémites ; d'Elie Hatem, du mouvement royaliste l'Action française ; du militant antisémite et négationniste, Hervé Ryssen, multirécidiviste, condamné maintes fois par la justice et de l'inénarrable Alain Soral.

L'ultra-droite s'avance, profite de la colère, l'instrumentalise et veut fédérer autour de l'antisémitisme. L'ultra droite, factieuse par nature, récupère ici les mécontents, pour jeter en pâture la République, la mondialisation, les minorités et bien évidemment, les juifs.

"Gilets jaunes" et racisme

Le site Internet de "l'Obs" nous alertait déjà et à juste titre, dans un article qui avait été publié le 19 novembre 2018. Depuis deux mois, des "gilets jaunes" profèrent des insultes antisémites, mais également racistes et homophobes. Dernièrement, Jean François Mbaye qui fait partie des nouveaux députés LREM, élu du Val-de-Marne, se voit menacé de mort avec une lettre anonyme, ouvertement raciste, et glaçante : "Tu es ce qu'on appelle un noir de service. On va tout simplement te mettre une balle dans la tête, le climat actuel s'y prête bien. Les victimes d'accident de chasse augmentent. Tu vas mourir."

Cette lettre visait également Henri Berville, député de la 2e circonscription des Côtes-d'Armor et Lætitia Avia, députée de la 8e circonscription de Paris. Jean François Mbaye vient de déposer plainte. Voilà là, un exemple terrifiant d'un racisme outrancier qui vise délibérement les noirs, un racisme qui s'exprime notamment sur l'Internet. 

Les exemples ne manquent d'ailleurs pas. 

En novembre 2018, alertés par du bruit, des "gilets jaunes" ont signalé à la gendarmerie la présence de migrants dans un camion-citerne bloqué sur un barrage à Flixecourt (Somme). Dans une vidéo tournée sur place et publiée sur les réseaux sociaux, un homme appelle à faire un "barbecue géant" avec les migrants, en paraissant se réjouir de l'intervention des forces de l'ordre.

Repenser la colère

"On a été bons les gars, mieux que la douane ! ", entend-on également alors que les migrants descendent du poids lourd, interpellés par les gendarmes. Nous voyons là encore à quel point les délires racistes hostiles aux immigrés ou aux réfugiés sont récupérés, eux qui sont si perfidement instrumentalisés par l'extrême droite. 

Les souffrances sont réelles, la colère est palpable, c'est un fait. Les "gilets jaunes" expriment uns souffrance sociale, une désespérance. Pourtant, il faudrait repenser cette colère plus sereinement, plus fraternellement, plus démocratiquement surtout et la traduire différemment et d'abord et surtout sans la moindre violence. Vouloir en découdre tous les samedis, pousser des coups de gueule, balancer des pavés sur la gueule des flics, occuper des ronds-points, rien de tout cela n'est démocratique, républicain et ne constituera jamais une politique.

Enfin, aucune cause sociale, économique, politique, aucune désespérance, aucune misère ne pourra jamais légitimer, justifier, tolérer, développer, faire se développer des comportements racistes, homophobes, xénophobes, sexistes et/ou antisémites. 

Marc Knobel

1) Sondage CNCDH/SIG/IPSOS, réalisé du 17 au 24 octobre 2016, sur un échantillon de 1006 personnes. Voir à ce sujet le rapport de la CNCDH, "La Lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie", Paris, La Documentation Française, pp. 58 et suivantes.

Les intertitres sont de la rédaction

Sources NouvelObs

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26/12/2018

Fabien Roussel : "Les Français ne sont pas contre l'impôt"

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Elu secrétaire national du Parti communiste français fin novembre, Fabien Roussel revient pour Paris Match sur l'année écoulée et se penche sur l'avenir de la gauche.

Depuis son élection à la tête du Parti communiste français, Fabien Roussel a passé plus de temps sur les ronds-points aux côtés des «gilets jaunes» et sur les plateaux de télévision que dans son nouveau bureau, au siège historique du PCF, place du Colonel-Fabien à Paris. Mi-décembre, lui qui jure qu’il ne s’était «jamais imaginé» dans le fauteuil autrefois occupé par Georges Marchais, n’avait pas encore eu le temps de défaire ses cartons. C’est donc dans une salle de réunion qu’il nous a reçus, dans les étages du bâtiment emblématique conçu par l’architecte Oscar Niemeyer, que la lumière traverse de part en part. A la fenêtre, le Sacré-Cœur, symbole haï des communards, semble vous toiser depuis sa butte.

A 49 ans, Fabien Roussel a pris les commandes d’un PCF qui n’est plus que l’ombre de ce qu’il était lorsque, jeune lycéen engagé au milieu des années 1980, il milita contre l’Afrique du Sud de l’apartheid. A l’époque, se souvient-il, Nelson Mandela n’était pas encore devenu un symbole politique universel, courtisé bien au delà des rangs de la gauche révolutionnaire. Cette participation des communistes au combat contre le racisme d’Etat sera rappelée, assure Fabien Roussel, au moment du centenaire du PCF, en 2020. Cet anniversaire «sera l’occasion pour nous de montrer le rôle qu’a joué le parti dans l’Histoire de France», souligne-t-il. Interrogé par Match à l’issue d’une année intense, le nouveau secrétaire national espère trouver, dans le tumulte, le temps pour réfléchir, et pas seulement réagir. L’enjeu est vital, car dans une gauche en mutation, le risque est grand que le PCF ne soit bientôt rien de plus qu’un symbole du passé.

Paris Match. Le mouvement des «gilets jaunes» a bousculé la majorité et l’exécutif. Il a sans doute été un moment de rupture dans le quinquennat d’Emmanuel Macron. Qu’a-t-il signifié pour la gauche?
Fabien Roussel. Il signifie que pour nous à gauche, c'est le moment de montrer que c'est possible de mieux répartir les richesses, de redonner du pouvoir d'achat aux retraités et d'augmenter les salaires. Pour moi, Macron est maintenant identifié comme le président des riches mais aussi comme celui qui mène une politique clairement à droite en faveur du capital. Cette politique-là, ça fait 40 ans qu'on la subit. Il ne faut pas plus de capitalisme, mais un nouveau modèle économique qui respecte l’humain et la planète.

Vous avez soutenu sans ambiguïté les «gilets jaunes». Que répondez-vous à ceux qui, au sein de ce mouvement, réclament un régime plus autoritaire, incarné par exemple par des personnalités militaires?
Je ne crois pas que la réponse soit liée à une personnalité, quelle qu'elle soit. Il faut, là aussi, changer de modèle, car actuellement, on peut changer de président de la République tout en conservant la même politique. Il faut qu’aboutisse une prise de conscience, qui a été accélérée par le mouvement des «gilets jaunes». Certains disent : «Il nous faut un homme d’autorité». Mais il y a aussi une envie d’être entendus et respectés. C’est contradictoire, mais il faut prendre ce mouvement avec ses excès et ses contradictions, même si on ne partage pas tout.

"Il faut découpler les législatives de la présidentielle"

Vous défendez régulièrement le rôle des partis dans la vie politique. La popularité du référendum d’initiative citoyenne, auprès des «gilets jaunes», n’est-elle pas une mise en cause directe de ces partis?
Je défends l'idée d'une démocratie véritable avec des élus représentants du peuple, en lien avec le peuple et respectueux du peuple. Le référendum, ça peut être l'occasion de solliciter l'avis du pays sur une question qui se pose à un moment donné. Mais ça ne résoudra pas tout. Il faut aussi élire des sénateurs et des élus respectueux du choix des Français.

La démocratie ne s’est-elle pas exprimée en juin 2017, lorsqu’après la victoire d’Emmanuel Macron face à Marine Le Pen, les électeurs ont donné à son parti une large majorité à l’Assemblée nationale?
C’est le problème de nos institutions actuelles : il faut découpler les législatives de la présidentielle pour sortir de ce piège. La dernière présidentielle a été l’occasion d’un appauvrissement de la démocratie : ce n’était plus le choix d'un projet de société, mais un vote pour l’un afin de faire barrage à l’autre. Il faudrait qu’après une victoire dans de telles circonstances, le président soit obligé de tenir compte des prochaines élections susceptibles de remettre les compteurs à zéro.

En 2020, à l’occasion du centenaire du Parti communiste français, vous avez l’intention de rappeler la place du parti dans l’Histoire de France. Quelles leçons en tirez-vous pour le présent?
Cette histoire illustre ce qu’est le PCF, notre manière de travailler. Nous ne regardons pas l'étiquette de ceux qui sont en face de nous pour dire : «Travaillons ensemble.» Quand nous avons participé à la Résistance, nous étions avec d'autres forces, car c'était dans l'intérêt du pays. Quand nous avons rebâti la France avec le général De Gaulle, c'est parce qu'il y avait un programme issu du Conseil national de la Résistance, que nous avions construit et écrit ; et avec lui, nous l’avons mis en œuvre. C’est cela aussi, l’héritage du Parti communiste français.

Vous qualifiez parfois le ministre de l’Action et des comptes publics Gérald Darmanin de «camarade». Est-ce l’illustration de cette capacité à travailler avec vos adversaires?
On se connaissait avant. Il connaît la problématique économique du bassin minier : cela permet d’avoir des contacts directs. Par ailleurs, je ne connais pas Bruno Le Maire, mais nous avons travaillé de manière étroite sur le dossier de l’aciérie Ascoval. Je dis toujours que nous ne sommes pas un parti d’opposition mais de propositions. Je n’attaque pas les personnes, je combats les idées. Je soutiens par exemple la suppression de la hausse de la CSG pour une partie des retraités.

Il y a vingt ans, les communistes participaient à la gauche plurielle. Le PCF relevait alors de la «gauche de gouvernement». Aujourd’hui, on peine à imaginer que ce qualificatif, souvent employé pour désigner le centre-gauche ou la gauche libérale, puisse s’appliquer à vous. Comment l’expliquez-vous?
Le Parti socialiste, qui était hégémonique et qui a eu le pouvoir, a déçu. Malgré les 35 heures et les avancées importantes obtenues à l’époque, on n’est pas sorti du modèle économique dominant. La gauche doit se fixer pour objectif d’en inventer un nouveau et ça n’a pas été fait sous Jospin. A l’époque, j'ai été le conseiller de la ministre du Tourisme : je l’ai vécu de l’intérieur. On avait un ministre de l’Economie qui s’appelait DSK et qui, pour bien des grandes mesures, disait : ça n’est pas euro-compatible. Il fallait s'inscrire dans les clous des traités européens et donc dans le modèle libéral.

"L'impôt, c'est le prix à payer pour vivre dans un monde civilisé"

Vous prônez le changement de modèle économique. Au cœur des inquiétudes contemporaines en matière d’économie se trouve le sujet de la dette, souvent présentée avant tout comme un fardeau pour nos enfants. Quelle réponse y apportez-vous?
Une réponse simple. Le déficit de la France, c’est 70 milliards d’euros. Si l’on s’attaque à l’évasion fiscale et si l’on augmente les recettes de l’Etat, on peut faire rentrer 100 milliards d’euros. Et je parle de l’évasion fiscale mais il faut considérer les mesures récentes de ce gouvernement : la suppression de l'ISF, de l’exit tax, la flat tax… Cela représente 12 milliards d’euros de cadeaux fiscaux! Comment voulez-vous qu’ils nous parlent de déficit? Ils le creusent eux-mêmes. Ils ne peuvent plus demander d’efforts aux Français.

Une expression est arrivée dans le lexique politique durant le mandat de François Hollande : le «ras-le-bol fiscal». Cette idée est au cœur du mouvement des «gilets jaunes». N’y a-t-il pas un problème en France autour de la question du consentement à l’impôt?
Il y a un problème à cause de ces grandes fortunes et de ces «grosses têtes», comme on dit dans le peuple, qui ne payent pas l'impôt comme tout le monde. Les Français ne sont pas contre l'impôt. Ils sont pour un impôt juste et pour que tout le monde paie. D'ailleurs, nous disons, nous les communistes, que l'impôt, c'est le prix à payer pour vivre dans un monde civilisé. Les «gilets jaunes» que j'ai reçus récemment m'ont dit : «Mais nous on veut payer l'impôt sur le revenu. On veut gagner suffisamment pour le payer.» Ils ne réclament pas «zéro impôt». Certains réclament une baisse des taxes sur les produits de première nécessité pour augmenter le pouvoir d’achat. Cela, nous le défendons aussi.

Député, vous vous êtes particulièrement attaqué aux paradis fiscaux, au cœur des mécanismes d’optimisation fiscale. Bruno Le Maire a récemment indiqué sa volonté de faire payer les géants du web. N’est-ce pas une avancée?
Il se trouve dans l’impasse! Quand Bruno Le Maire annonce qu’il va taxer les multinationales dont le siège se trouve dans les paradis fiscaux, de quels paradis fiscaux parle-t-il? Sa liste est bidon! Quelle multinationale a son siège au Botswana ou à Niue (île de l'Océan pacifique, Ndlr)? Ce sont pourtant ces Etats qui figurent sur la liste française.

Les relations entre les communistes et la France insoumise sont un des sujets importants pour l’avenir de la gauche. Lorsque Jean-Luc Mélenchon et son parti ont fait l’objet de perquisitions à l’automne dernier, vous lui avez apporté votre soutien. Pourquoi?
Concernant cette perquisition, j’ai trouvé les moyens démesurés par rapport au sujet. C’est donc ce que j’ai dit. Mais je n’aurais pas eu le même comportement que Jean-Luc Mélenchon : nous sommes différents. Sa colère explose, moi j’ai un autre tempérament.

Sources Paris Match

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17/12/2018

Gilles Balbastre « Le film dénonce trente ans de dérégulation néolibérale »

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Coproduit par la Fédération des mines et de l’énergie (FNME) de la CGT et « Là-bas si j’y suis », site d’information de Daniel Mermet, « Main basse sur l’énergie » dresse le bilan accablant des privatisations dans l’électricité. Entretien avec son réalisateur.

Pourquoi votre documentaire n’est-il que sur Internet ?

Depuis mon film « les Nouveaux Chiens de garde », sorti en 2012, je suis tenu à l’écart de la télévision. Mais ce n’est pas la seule raison. La télé se resserre de plus en plus, autant sur la forme que sur le fond. Beaucoup de documentaires diffusés au cinéma le sont parce qu’ils ne trouvent plus leur place sur le petit écran. La télé nous parle plus volontiers de faits divers que de véritables enjeux citoyens. Elle préfère s’étendre sur l’héritage de Johnny ­Hallyday plutôt que sur le bradage au privé d’un bien public comme les barrages hydrauliques, l’un des sujets abordés dans « Main basse sur l’énergie ».

Comment est né votre film ?

La CGT énergie, qui avait beaucoup fait circuler « les Nouveaux Chiens de garde » par le biais des centres de vacances de la CCAS, m’a suggéré de faire un film sur la casse du service public de l’énergie. Il se trouve que je connaissais bien le sujet pour avoir déjà réalisé « EDF, les apprentis sorciers », à l’époque où se mettait en place la dérégulation du secteur. Et donc, ils ont fait une levée de fonds, sous forme de souscription, auprès de leurs syndiqués, pour financer le film.

Qui est à la manœuvre, dans ce hold-up que vous dénoncez ?

Comme le mouvement des gilets jaunes, le film dénonce trente ans de dérégulation néolibérale. Dans les télécoms, les transports ou l’énergie, cette dérégulation permet la création de grandes fortunes. Ce n’est pas un hasard si l’on retrouve Xavier Niel (Free) et ­Patrick Drahi (SFR) dans les dix premières fortunes françaises, pour ne parler que des télécommunications. La même chose se met en place dans l’électricité. Prenez celui qui a acheté l’hebdomadaire « Marianne » et est entré au capital du « Monde », le milliardaire tchèque ­Kretinsky : il a fait fortune avec la dérégulation de l’énergie dans les pays de l’Est. On voit bien que le capital a la ferme volonté d’aller chercher partout l’argent public pour le transformer en argent privé. Et donc, depuis trente ans, via l’Union européenne, il n’a eu de cesse de casser les services publics.

Pouvez-vous préciser la responsabilité de l’Europe ?

Le début de la dérégulation de l’énergie, c’est une directive européenne datant de 1996. Il faut comprendre qu’un certain nombre de gens ont ouvert les portes aux tenants du capital. Ceux-ci n’ont pas fait le casse tout seul, mais à coups de lois, promulguées par des partis de droite et des sociaux-libéraux. C’est une sorte de casse légal, en somme.

Votre film montre bien l’absurdité de vouloir confier l’énergie au privé...

Si, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, des services publics de l’énergie ont vu le jour un peu partout dans le monde, avec ce qu’on appelle des monopoles intégrés, prenant en charge la production, le transport et la commercialisation, ce n’est pas tant pour des raisons idéologiques que techniques. Avant-guerre, les coupures géantes étaient monnaie courante et les prix explosaient. Ce qu’il faut comprendre, c’est que l’énergie est à la base un marché hautement spéculatif. Je le montre aussi dans « EDF, les apprentis sorciers », avec l’exemple de la Californie confrontée à des black-out (coupures générales) au début des années 2000. La société Enron faisait monter les prix en jouant sur le fait qu’on ne sait toujours pas comment stocker l’énergie, et que en conséquence, lorsqu’il y a un pic de consommation, il est nécessaire de produire les quantités demandées, sans quoi c’est le black-out. Mais, à force de jouer sur le risque de black-out pour gonfler les tarifs, le réseau a fini par s’effondrer. Aujourd’hui, ce sont les mêmes pratiques spéculatives qui menacent l’hydraulique en France, à travers sa privatisation en cours.

Les énergies renouvelables sont instrumentalisées pour détourner l’attention de cette casse. Pour autant, leur développement n’est-il pas nécessaire ?

Personne n’est contre les énergies renouvelables. Simplement, s’il n’y a pas assez de soleil ou de vent, et que cela se produit à un moment où on a besoin de 100 % de nos moyens de production, comment fait-on ? Pour éviter les black-out, et tant qu’on n’a pas trouvé comment stocker l’énergie, on est bien obligé de doubler le renouvelable par des énergies dites pilotables : le nucléaire, les centrales thermiques et l’hydraulique. Par ailleurs, il faut parler de la façon dont ces énergies sont mises en place. Prenons l’exemple de l’éolien. Au dos de ses factures EDF, le consommateur peut constater qu’il paie une contribution au service public de l’électricité (CSPE), représentant 16 % de la facture. Cette CSPE permet en fait à EDF de payer les promoteurs de l’éolien et ce, quel que soit le besoin réel en électricité ! Le tarif est fixé à 82 euros le mégawatt. C’est une rente pour le privé, un véritable hold-up.

entretien réalisé par laurent Etre pour l'Humanité