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28/03/2013

«Chypre restera comme le cobaye de la zone euro»

 	Entretiens, bce, Banques, austérité, fmi, dette publique, chypre, troïka, aides européennesChypre, envoyé spécial de l'Humanité. Stavros Evagorou, député et responsable du secteur économique du parti communiste (AKE L), évoque le mauvais rôle joué par Bruxelles dans la crise, alors que les banques chypriotes vont rouvrir ce jeudi après l'adoption de restrictions inédites dans la zone euro, censées limiter les effets d'une éventuelle panique bancaire.

Chypre est-il un paradis fiscal ?

Stavros Evagorou. Plusieurs mois avant la décision de l’Eurogroupe de taxer tous les dépôts, les media allemands ont propagé des accusations fausses contre Chypre. Notre pays serait un paradis fiscal, un centre de blanchiment d’argent… Ces journaux écrivaient sur les oligarques russes. Pourtant nous avons le même taux d’imposition sur les sociétés que la Bulgarie, un taux proche de l’Irlande et supérieur à celui de Malte. Pourquoi donc s’acharner sur Chypre? Aux Pays-Bas, il y a trois fois plus d’argent russe déposé qu’à Chypre. Et deux fois plus au Luxembourg. Il ne me semble pas que là-bas, les Russes soient prolétaires. Notre système bancaire a été inspecté par Moneyval, une institution du Conseil de l’Europe chargée de la lutte contre le blanchiment d’argent. Nous avons une note meilleure que l’Allemagne. Nous sommes les septièmes dans la zone euro. S’ils insistent pour détruire notre système financier, ce n’est pas parce qu’ils ont quelque chose contre les Chypriotes. Ils ciblent les Russes. Ces derniers jours, des délégations de banquiers allemands ou de la zone euro se rendent à Chypre pour convaincre les investisseurs russes de transférer leur argent dans leur pays.

Akel estime que la troïka « asservit » Chypre. Pourquoi une telle expression ?

Stavros Evagorou. Chypre restera dans l’histoire économique comme le cobaye de la zone euro. Suite à un accord avec l’UE, nous avons voté depuis 2011, trente-cinq lois comprenant des mesures d’austérité, telles que des baisses de salaires. Nous n’avons pas encore reçu un euro. L’accord de l’Eurogroupe lundi avec le président de la République Nicos Anastasiades, n’est pas la fin de la route. Ce n’est que le début. Il y aura des privatisations et de nouvelles mesures d’austérité. Ces mesures sont appliquées en Grèce, au Portugal. Elles ont conduit ces peuples à la pauvreté, leurs pays à la récession.

Akel demande que Chypre évalue les solutions en dehors du cadre de la troïka. Qu’entendez-vous ?

Stavros Evagorou. Prendre nos propres mesures, mais en dehors du cadre de la troïka. Peut-être souffrira-t-on autant. Mais nous n’aurons pas, à chaque étape de notre vie quotidienne, dans les institutions, les ministères, les représentants de la troïka qui nous dictent ce qu’il faut faire. La chancelière Angela Merkel est la représentante d’une doctrine qui augmente le chômage au Sud et draine l’argent vers le Nord. Malheureusement, François Hollande est devenu, comme on l’appelle ici, le « politicien invisible ». De nombreuses voix demandent maintenant d’abandonner la zone euro. Ce n’est pas ce que nous disons. Car c’est une voie très dure. Ce ne serait pas sage, de la part de mon parti, sans avoir les cartes en main, de dire qu’il faut en sortir. Mais il faut étudier les coûts respectifs du fait de rester dans le cadre de la troïka et du fait de sortir de l’euro.

Le président Dimitris Christofias, membre d’Akel et au pouvoir jusqu’à fin février, n’est pas parvenu à faire voter par le Parlement une augmentation de l’impôt sur les sociétés. A-t-il tenté de réformer le système bancaire ?

Stavros Evagorou. Il a tenté de convaincre le précédent gouverneur de la Banque centrale de Chypre – c’est pour cette raison que les relations entre eux n’étaient pas bonnes – de restructurer le système bancaire. Le gouvernement peut dire qu’il faut restructurer le système bancaire. C’est tout. Une restructuration passe par des décisions de la Banque centrale, qui est indépendante. Or celle-ci a autorisé l’expansion des banques en Grèce, en Russie et en Serbie. Ce que critiquait Akel. Quand nous critiquions le gouverneur, le parti de droite Disy de l’actuel président Nicos Anastasiades disait : « Ne touchez pas à l’indépendance de la Banque centrale ». La loi sur la restructuration du système bancaire, votée vendredi, accorde enfin des pouvoirs au ministère de l’Economie. Elle était préparée par le précédent gouvernement, pour appliquer les consignes de la BCE.

Quelles sont ces trente-cinq lois d’austérités prises depuis 2011, y compris donc, lorsque vous étiez au gouvernement ?

Stavros Evagorou. Il s’agit de baisse de salaires et des pensions au-delà d’un certain montant. La troïka est aveugle: elle nous demandait de diminuer le nombre de fonctionnaires de 6.000 alors qu’ils sont 52.000. On s’est rendu compte qu’il manquait des infirmières, des docteurs, sans qu’on puisse en recruter de nouveau. On nous a empêchés de choisir dans quel secteur agir. Nous n’avions d’autre choix, du fait du mémorandum avec la troïka et l’UE. La meilleure voie aurait été d’investir l’argent disponible pour développer le pays. Mais cette possibilité était caduque du fait de la crise internationale, de la dette et des banques. Le problème de Chypre, ce n’était pas les finances publiques. Du fait des mesures prises, nous avons eu un surplus budgétaire. Si vous avez 5% de déficit public et 70-75% de dette publique, avec quelques mesures, vous pouvez reprendre la voie du développement. Le problème de Chypre, ce n’était pas la dette publique, mais celle du secteur bancaire. Sa faillite est la conséquence des mauvaises décisions prises par nos partenaires européens: l’annulation partielle de la dette grecque qui a fait perdre à nos banques 4,5 milliards d’euros en une nuit. C’est d’ailleurs plus ou moins la somme réclamée aujourd’hui par l’Eurogroupe.

Avez-vous pris des mesures sociales ?

Stavros Evagorou. Nous avons introduit un quatorzième mois pour les petites retraites, augmenté les allocations pour les familles nombreuses ou monoparentales. La contribution sociale pour les étudiants a progressé. Même après les mesures d’austérité, la progression des fonds sociaux reste aujourd’hui de 12% par rapport à ce qui existait précédemment.

Sur quelles bases peut se reconstruire Chypre ?

Stavros Evagorou. Ce qui reste doit être sauvé. Ensuite, on peut transformer notre île en pays de services, en développant nos systèmes de santé et d’éducation, nos services d’audits, nos services légaux. L’activité bancaire peut jouer un rôle, mais avec un secteur plus petit. Une petite progression peut exister dans des secteurs spécifiques tels que la pharmacie ou l’hi-tech. Il faut développer notre secteur gazier et pétrolifère. Enfin, vue notre situation géographique, nous pouvons améliorer notre aéroport et nos ports. La Chine veut des installations navales pour ses exportations. Chypre trouvera à nouveau sa voie. Les Chypriotes sont des travailleurs. Nous réussirons.

03/03/2013

Jean-Claude Carrière : "On n’a jamais autant lu, contrairement à l’idée reçue... "

musique, édition, entretien, jean-luc godard, fritz lang, umberto eco, milos forman, jacques tati, pierre Étaix, luis buñuel, peter brook, Jean Claude Carrière"Dans tous les livres saints, il y a les mêmes thèmes de la paix… Et de l’épée. Le feu sur la terre. Les deux contraires existent dans toutes les religions : blanc et noir. Tout le monde sait qu’il n’y a rien, ni Dieu ni vie éternelle, mais personne ne veut l’admettre."

Émusique, édition, entretien, jean-luc godard, fritz lang, umberto eco, milos forman, jacques tati, pierre Étaix, luis buñuel, peter brook, Jean Claude Carrièrecrivain, scénariste, dramaturge, Jean-Claude Carrière (quatre-vingt-un ans) est toujours entre deux films, deux pièces ou deux livres. Mais c’est avant tout un conteur, toujours une anecdote ou une citation à la bouche. Ses livres les plus récents sont Mémoire espagnole (Plon) et Désordre (André Versailles). En juin, il publie un entretien avec Jean-Jacques Rousseau (Plon).

Pourquoi avoir écrit ce dialogue 
avec Jean-Jacques Rousseau ?

Jean-Claude Carrière. Parce qu’on me l’a proposé… C’est le nom de la collection : « Entretiens avec… ». Et parce que nous ne sommes d’accord sur rien. Ça m’a intéressé. Il y a eu un Marx, entre autres, si ça vous intéresse…

Aujourd’hui, l’édition classique (papier) 
semble très inquiète par l’avènement 
du numérique. En septembre, l’Appel des 
451 (auteurs) s’opposait à Amazon, et Google est dans la ligne de mire. La question semble plutôt concerner les droits d’auteur 
(comme pour la musique) – l’argent, quoi – 
que l’avenir de la création littéraire. 
Vous avez écrit un livre, avec Umberto Eco, intitulé N’espérez pas vous débarrasser 
des livres, en 2009 (Grasset). Votre opinion 
sur le sujet a-t-elle évolué ?

Jean-Claude Carrière. Je n’ai pas signé l’Appel des 451. Pour la simple et bonne raison que Umberto et moi ne sommes pas des adversaires des nouvelles technologies numériques. Nous avons des ordinateurs depuis vingt-cinq ans, alors que nous sommes des octogénaires tous les deux. Apprendre à se servir des nouvelles technologies est très simple. On oublie de dire que pour notre génération, c’est une sorte de miracle. J’ai connu les gommes, les effaceurs blancs qui débordaient et les machines à écrire avec carbone salissant… Et en même temps nous adorons l’objet livre qui, en soi, est un objet parfait. Nous avons des tablettes e-book, mais on s’en sert peu. Vous remarquerez qu’elles ont le format de livres. Pour l’instant, la lecture électronique n’a pas eu le succès escompté.

Lorsqu’une prétendue visionnaire, au sommet de Davos, prévoit la fin du livre, et de la presse écrite au passage, elle ne fait que pronostiquer un échec commercial, industriel…

Jean-Claude Carrière. Oui, elle oublie que l’e-book… est un book ! C’est absurde. Il est difficile, voire impossible de prévoir l’avenir. Par contre, en cas de panne d’électricité, ou de piles… Prévoir un plan B. (Rires.) Vous imaginez bien que le texte du Mahabharata (un des plus longs poèmes du monde – NDLR), je le transporterais aujourd’hui sur tablette…

La révolution numérique est même salutaire, expliquez-vous, avec Umberto Eco...

Jean-Claude Carrière. Sans elle, des documents précieux seraient détruits, comme pour les films cinématographiques. Lorsque je dirigeais la Femis, j’expliquais aux étudiants que certains de mes propres films, des années quatre-vingt, sont détruits à jamais. Heureusement qu’il y a l’INA (Institut national de l’audiovisuel – NDLR). Le papier, comme la pellicule, est périssable. Même l’Encyclopedia Britannica est passé au numérique ! Plus la peine de s’encombrer avec des tonnes de livres pour étudier ou travailler… Pour la documentation, les archives, la révolution numérique est une bénédiction. En plus, on n’a jamais autant lu, contrairement à l’idée reçue… Partout, tout le temps. Dans la rue, dans les trains, le métro, l’avion, avec les fameuses tablettes. Non seulement, on lit davantage mais avec un alphabet plus compliqué qu’avant… Des signes nouveaux sont arrivés, comme l’arobase, etc. Notre répertoire ne s’est pas amenuisé. Quand je vois la rapidité de ma fille de dix ans, je suis fasciné. Ce n’est pas un frein pour l’activité cérébrale, au contraire. La véritable question n’est pas là.

Alors quelle est-elle ?

Jean-Claude Carrière. Ce n’est pas : est-ce que l’ordinateur va remplacer le livre papier ?, mais est-ce qu’un livre va remplacer un autre livre, finalement ? Car l’e-book reste un livre, je le répète… Ils vont même jusqu’à reproduire le son de la page qu’on tourne ! Les livres actuels ne vont pas tenir trente ans ! Parce que ce n’est plus du bon papier ni de la véritable encre… Nous allons créer d’autres matières pour les pages, tout simplement.

On s’inquiète surtout de savoir si les enfants vont cesser de lire ?

Jean-Claude Carrière. La réponse est non. Ils lisent toujours… Des livres de vampires, peut-être, mais ils lisent. Sur i-Pad ou autre chose… L’autre problème, c’est : est-ce que l’activité de l’esprit que nous mettons à lire un livre développe l’activité neuronale ou pas ? Moi, par exemple, j’ai fait du latin. A priori, ça ne me sert à rien. Or ça fait fonctionner certaines capacités de mon cerveau qui sans cela ne fonctionneraient pas.

Vous n’êtes donc pas du tout inquiet ?

Jean-Claude Carrière. Aucunement. Je me souviens que lorsque les premiers ordinateurs ont été commercialisés, une association d’écrivains américains soulevait le fait que le texte étant tout de suite quasiment imprimé, cela empêchait de bien travailler, de ne plus corriger. En écrivant sur le clavier, je pense au contraire que je corrige mieux et que je peux toujours améliorer mes textes.

Il y a tout de même ce producteur américain, chez qui vous trouvez une mini-bibliothèque contenant les « chefs-d’œuvre de la littérature mondiale in digest form »…

Jean-Claude Carrière. Je n’en revenais pas ! Guerre et Paix en cinquante pages, tout Balzac en un volume… Il existe aussi de fausses bibliothèques, avec des dos de livres, pour décorer… Je travaillais avec Milos Forman, à l’époque, à New York, et nous nous amusions à imaginer des digest forms de Fritz Lang. Metropolis est le premier film que j’ai vu, enfant… J’étais à la fois fasciné et effrayé en même temps. Lang raconte que lorsque Goebbels l’a convoqué, dans son bureau, pour lui proposer de prendre la direction du cinéma allemand, il a tout de suite pris la décision de quitter le pays. Il y avait un beffroi, de l’autre côté de la rue, avec une horloge qui marquait 15 h 40. Il s’est demandé s’il aurait le temps d’aller chercher son argent avant 16 heures… Finalement, il est parti sans argent.

On vous dit prolifique. Écrivez-vous davantage 
et plus vite avec les ordinateurs ?

Jean-Claude Carrière. Non. Je travaille toujours sur deux ou trois projets par an. Un sur trois se fera, en moyenne. Je ne suis pas un si gros travailleur que ça… Mais, comme disait Brassens, « sans technique, un don n’est rien qu’une sale manie ».

Comment un fils de paysan viticulteur d’un petit village de l’Hérault a-t-il pu travailler avec les plus grands réalisateurs du siècle dernier : Jacques Tati, Pierre Étaix, Luis Buñuel, Jean-Luc Godard, et Peter Brook au théâtre ?

Jean-Claude Carrière. Je suis un pur produit du système éducatif de la IIIe République. Mes deux institutrices ont demandé à ce que j’obtienne une bourse parce que je travaillais bien à l’école. Il n’y avait pas un livre ni une image à la maison… Il y a eu aussi un oncle, par alliance, instituteur, qui m’a guidé dans sa bibliothèque. Il me disait : « Tu peux tout lire, sauf ça, ça et ça »… Évidemment, dès qu’il avait le dos tourné, je lisais les interdits. Et il le savait très bien.

Vous n’écrirez jamais vos mémoires, écrivez-vous dans Désordre. Pourquoi ? Avec tout ce que vous avez vécu ? Tous ces grands artistes avec qui…

Jean-Claude Carrière. (Il nous coupe la parole.) La barbe ! Je préfère vivre qu’écrire ma vie. Écrire son autobiographie, c’est s’accorder beaucoup d’importance ! Je ne suis pas Chateaubriand… J’ai écrit trois livres sur diverses périodes de ma vie. Que j’ai choisies. Un sur l’enfance, le Vin bourru (Plon, 2000), qui raconte Colombières-sur-Orb (Hérault), la Paix des braves (Belfond, 1989), sur ma guerre d’Algérie (le seul film tourné sur place), et le troisième, c’est les Années d’utopie (Plon), sur Mai 68. J’en ferai peut-être un autre…

Votre credo n’est-il pas la curiosité et la liberté, avant tout ? Vous êtes devenu un érudit sans
le savoir, comme Monsieur Jourdain avec 
sa prose… Une bibliothèque vivante.

Jean-Claude Carrière. J’aime la liberté de ne pas savoir ce que je vais faire dans les prochains mois, comme en ce moment. Alexandra Lamy (la femme de Jean Dujardin), que vous venez de voir sortir de chez moi, est une Cévenole. Elle aimerait faire un film sur les camisards… C’est intéressant, mais on verra bien. Comme ça touche au fanatisme religieux, ça m’intéresse.

Vous n’êtes jamais angoissé par l’avenir…

Jean-Claude Carrière. Il ne faut pas dire ça. J’ai eu des périodes très difficiles dans ma vie. J’ai écrit un livre sur le sujet, Mon chèque (Plon, 2010) : les chèques n’arrivent jamais quand on les attend, comme vous le savez. C’est comme ça depuis cinquante ans. J’en attends un au moment où je vous parle… Maintenant, je touche ma retraite, donc ça va, mais comme j’ai pris la décision assez tard de vivre de ma plume, vers trente ans, après de longues études, ce fut très dur. J’ai publié Lézard (épuisé mais lisible sur e-book, sic ! – NDLR), mon premier roman, en 1957, dans l’indifférence quasi générale. Puis, coup de chance, je rencontre Jacques Tati et Étaix… Mon éditeur, Robert Laffont, avait signé un contrat avec Tati pour tirer deux livres des Vacances de Monsieur Hulot… Tati a choisi le mien. Ma rencontre chez lui m’a beaucoup impressionné. Il ne me regardait pas dans les yeux et mettait sa main devant sa bouche pour parler. Il n’avait pas lu mon chapitre… C’est Étaix qui l’avait lu. Ce fut la journée décisive de ma vie. Il m’a demandé ce que je savais du cinéma… Je ne savais rien ! Il a demandé à sa monteuse, Suzanne Baron, de m’emmener voir comment se fabriquait le cinéma. Dans une salle de montage, pas sur un plateau. Aujourd’hui encore, j’adore le montage. Il y a un vrai langage dans le cinéma. C’est une technique compliquée. Je ne cesse de le dire aux étudiants en cinéma. Un seul plan sur un œil (cf. Buñuel) peut dire beaucoup.

C’est votre art préféré ?

Jean-Claude Carrière. Je ne dirais pas ça. C’était un moyen de gagner ma vie, avec ma plume. Le premier film a marché (le Soupirant, avec Étaix). J’ai vécu un an et demi avec ce premier film. Ça m’a encouragé à continuer.

Quel est l’artiste avec qui vous avez préféré travailler ?

Jean-Claude Carrière. Contrairement à ce qu’on croit, ce n’est pas Luis Buñuel. Tout simplement parce que j’ai travaillé trente-quatre ans avec Brook et « seulement » dix-neuf avec Buñuel. Et puis il y a eu Étaix…

N’avez-vous pas la nostalgie 
de ces personnalités ?

Jean-Claude Carrière. Étaix est toujours là et j’ai un projet avec Brook. Je rencontre de nombreux jeunes gens de talent. Des comédiennes et des musiciens extraordinaires. Vous savez, la mort va nous surprendre un jour, comme disait Montaigne, « au milieu de notre jardin imparfait »… Lors d’un repas, ou en dormant. Vouloir créer une œuvre n’a pas de sens. Mieux vaut essayer de profiter de la vie en profitant de la conjonction entre réel et imaginaire.

Comment vous définiriez-vous ?

Jean-Claude Carrière. Comme un homme de gauche, non encarté, un hédoniste travailleur, un tranquille athée… La grande question de ma vie, c’est pourquoi la croyance est plus forte que la connaissance, chez la plupart des gens ? Ça reste pour moi une énigme…

Parce qu’ils ont peur de la mort ?

Jean-Claude Carrière. Ce n’est pas si simple. Il y a mille raisons. Pourquoi, alors que l’islam a une image de plus en plus violente, il y a de plus en plus de conversions ? Pourquoi la foi, qui les éloigne du savoir et de la sagesse, les envahit ? La croyance a encore une telle importance. La trouille est un des éléments… Dans tous les livres saints, il y a les mêmes thèmes de la paix… Et de l’épée. Le feu sur la terre. Les deux contraires existent dans toutes les religions : blanc et noir. Tout le monde sait qu’il n’y a rien, ni Dieu ni vie éternelle, mais personne ne veut l’admettre. Il n’y a que l’univers. Et il y a sans doute, d’autres univers encore, et d’autres êtres… que nous effraierons, un jour, car c’est nous les extraterrestres.

Le scénariste de Buñuel. Né en 1931 à Colombières-sur-Orb, dans l’Hérault, au sein d’une famille de viticulteurs, Jean-Claude Carrière est un ancien élève du lycée Lakanal et de l’École normale supérieure de Saint-Cloud. Licencié en lettres et diplômé en histoire, il abandonne rapidement sa vocation d’historien pour le dessin et l’écriture. Après la publication de son premier roman, en 1957 (Lézard), il cosigne les courts et longs métrages de Pierre Etaix. Il deviendra par la suite scénariste de Luis Buñuel, mais aussi de Milos Forman, Jean-Paul Rappeneau et Volker Schlöndorff. Il ne se consacre jamais uniquement au cinéma. Parallèlement, il poursuit une carrière de dramaturge et d’adaptateur, en particulier avec Jean-Louis Barrault et Peter Brook. Ex-directeur de la Femis (qui succède à l’Idhec), Jean-Claude Carrière est surtout homme de tous les désirs. Marié à l’écrivaine iranienne, Nahal Tajadod (Elle joue, Albin Michel), il est père de deux filles, une de dix ans, l’autre de cinquante, née d’un premier mariage.

07/02/2013

PIERRE LAURENT : un communisme de nouvelle génération

pcfjc.jpgComment se porte le Parti communiste ?

Pierre LAURENT : « Beaucoup mieux depuis que nous avons fait, en 2008, le choix de rénover notre projet et notre organisation, et d’adopter une stratégie de rassemblement au sein du Front de gauche. Notre congrès sera placé sous le signe du renforcement et du rajeunissement. Ce sera le plus uni et le plus rassemblé depuis longtemps. Nous voulons en faire le congrès de la maturation du communisme de nouvelle génération. »

Etes-vous dans la majorité ou dans l’opposition ?

« Le PCF et le Front de gauche étaient au cœur de la majorité populaire qui a permis de battre Nicolas Sarkozy, à la fois sur le plan des votes et sur celui de la dynamique. Nous voulons contribuer à la réussite du changement, mais la politique suivie par le gouvernement ne répond pas aux attentes très fortes des Français. Le message du congrès sera clair : il n’est pas question de renoncer. Nous appelons à la remobilisation de toutes les forces de changement. Sur le mariage pour tous, les associations sont restées pleinement mobilisées. Elles ont eu raison et c’est exactement ce qu’il faut faire dans les autres domaines. D’ailleurs je constate que cette mobilisation reprend dans des secteurs variés : fonction publique, entreprises, enseignement. »

Ne craignez-vous pas que le PS se venge de vos votes contraires au Sénat en vous écartant des listes de gauche aux municipales de 2014 ?

« Aucune force de gauche ne peut aujourd’hui rassembler des majorités à elle seule. Ce n’est pas en agitant la menace ou les ultimatums que l’on préservera les villes de gauche, mais en rassemblant toutes les forces du changement. Ce ne sera pas la première fois que nous aurons à constituer des majorités municipales alors que le débat est vif entre nos partis au niveau national. »

Jean-Luc Mélenchon n’est-il pas un allié encombrant ?

« Nous avons mené une campagne présidentielle très réussie avec Jean-Luc Mélenchon. Le Front de gauche retrouve, depuis, un visage très collectif. Nous partageons la même analyse des limites de la politique gouvernementale et nous menons ensemble une campagne d’alternative à l’austérité. Le renouveau du Parti communiste et le développement du Front de gauche vont de pair, ce qui n’empêche pas des débats sur la manière d’agir. Pour notre part, nous insistons sur le fait que la dynamique du Front de gauche passe par une ouverture allant bien au-delà de nos propres forces : syndicats, associations, militants d’autres partis de gauche. Le courant de gauche du PS vient de produire une analyse de l’accord entre le Medef et la CFDT que je partage à cent pour cent. »

Comment expliquez-vous le score finalement modeste de la gauche de la gauche à la présidentielle, alors que l’économie capitaliste connaît sa plus grave crise depuis 80 ans ?

« Parce que cohabite chez la majorité des Français un double sentiment : d’abord une très forte attente d’un vrai changement. Cette attente s’est exprimée lors du référendum européen de 2005, de la bataille des retraites, de la présidentielle 2012. En même temps, les Français doutent de pouvoir s’attaquer au capitalisme lui-même. Nous avons un gros travail à faire pour expliquer que c’est possible. »

Propos recueillis par Patrick FLUCKIGER avec le Républicain Lorrain

16:09 Publié dans Actualités, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre laurent, pcf, nouvelle génération | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

04/02/2013

Mariela Castro Espin: «Cuba surprend toujours, même nous, nous surprenons»

Cuba après Fidel Castro, education, droit, cuba, raul castro, fidel castroFille du président Raul Castro et de Vilma Espin, grande figure de la révolution cubaine, aujourd’hui disparue, Mariela Castro Espin, âgée de quarante-neuf ans, est directrice du Centre national d’éducation sexuelle cubain (Cenesex). Rebelle, militante opiniâtre des droits des homosexuels et des transsexuels, longtemps discriminés, elle est à l’origine d’importants changements les concernant. Entretien.

Vous menez depuis plusieurs années un combat en faveur de la liberté d’orientation sexuelle et de l’identité du genre à Cuba. Où en êtes-vous actuellement ?

Mariela Castro. Nous sommes dans un bon moment. C’est le résultat d’un travail de plusieurs années. Depuis la création de la Fédération des femmes cubaines, dans les années soixante, des chemins ont été ouverts et ont permis peu à peu de désarticuler les préjugés liés à la sexualité et au genre. Ce travail nous a permis d’aborder avant de les affronter d’autres formes de discriminations qui existent tous les jours dans notre culture et notre société.

S’agissant de l’homophobie, changer la façon de penser de toute une société n’est pas facile. Mais chaque action peut réussir, par le biais d’une incidence, dans le domaine éducatif, s’appuyant sur les moyens de communication, télévision et radio, dans le cadre d’une stratégie complexe. Il faut être partout. Cela implique la présence d’une volonté politique pour opérer tous ces changements et qu’elle soit exprimée par le biais d’une loi concrète, explicite, qui puisse s’emparer de ce problème.

Vous avez élaboré un projet de loi, avance-t-il ?

Mariela Castro. Une de nos propositions législatives concerne le Code de la famille, code civil approuvé en 1975, à l’initiative de l’organisation des femmes, et largement discuté. Ce Code fonctionne mais, depuis plus de quinze ans, nous participons, en tant qu’institution, au combat de la Fédération des femmes cubaines pour le transformer afin de mieux garantir les droits des femmes, des enfants, des handicapés et des personnes âgées. Dans cette logique, le Cenesex propose un nouvel article incluant la libre orientation sexuelle et l’identité des genres.

Ce n’est pas un Code dont l’accomplissement est obligatoire, mais il sert à établir des valeurs au sein de la famille. J’ajoute que ce Code, une fois qu’il sera voté, devra inclure par la suite d’autres éléments parce que beaucoup d’autres législations vont aussi changer. Avec la nouvelle loi, les transsexuels auront le droit de modifier leurs documents d’identité. Ce qui suppose qu’ils soient soumis à une intervention chirurgicale pour changer de sexe. En 2008, nous avons déjà réussi, sous l’égide du ministère de la Santé, à établir des procédures d’assistance de santé spécialisée dont les personnes transsexuelles ont besoin, y compris pour le changement de sexe.

Ces interventions sont totalement gratuites et rentrent dans le budget de l’État. Nous sommes le seul pays à l’avoir fait complètement. Mais on ne change pas encore les identités, s’il n’y a pas d’intervention chirurgicale. Tel est le projet de loi. Il est rédigé, il ne reste plus qu’à le présenter à la discussion politique.

Ne vous êtes-vous pas heurtée à des obstacles d’ordre politique et religieux ?

Mariela Castro. Les freins ne sont pas les préjugés de toute la population. Dans cette société hétérogène dans laquelle nous vivons, dans les églises, et même dans d’autres structures existantes, des gens nous soutiennent et d’autres pas. Des responsables religieux sont d’accord, d’autres non. Il n’y a pas de confrontation avec le Parti communiste et son département idéologique, ni avec le médiateur qui a été très attentif et respectueux.

Nous leur avons exposé nos arguments et ils ont eux-mêmes dialogué avec les religieux qui n’étaient pas d’accord. Il n’y a pas de malaise, des soucis oui, mais pas de malaise. Nous avons parlé de notre préoccupation à ne pas transgresser les personnes, à ne pas leur porter atteinte. Seul le dialogue peut régler les contradictions. Mais il y a des points sur lesquels nous ne céderons pas, par exemple, les opérations pour le changement de sexe.

Nous le considérons comme un traitement de santé et là, nous ne transigerons pas. Il faut le faire, c’est un droit. Nous savons que, par rapport au mariage des personnes de même sexe, plusieurs églises ne l’approuvent pas. Plutôt que de créer une catégorie avec le mariage homosexuel, ce n’est pas nécessaire, nous proposons une union légale qui puisse garantir les droits des personnes de même genre. Elles ne doivent pas être discriminées, ni exclues.

L’objectif est qu’elles aient les mêmes garanties que les couples hétérosexuels, notamment du point de vue du patrimoine. Notre proposition est l’union consensuelle : les couples de même sexe ont les mêmes droits que les couples de sexe différent. Il n’y a pas de différence. On ne parle pas d’adoption.

"Une société en transition socialiste telle que la société cubaine doit être vigilante à ne pas reproduire les mécanismes de domination préexistants"

Même si on pouvait l’envisager, ce que je pense, les résistances sont là. Au fur et à mesure que notre population avance et qu’elle surmontera ses préjugés, ce ne sera pas un souci. Nous avons observé le processus de progrès législatifs dans d’autres pays, même européens, et ils ont dû procéder de la même manière, commencer par une chose d’abord et passer à une autre.

En ce qui nous concerne, nous ne proposons ni mariage, ni adoption des mineurs. Nous avançons dans la reconnaissance des droits de la population et du genre.

S’agit-il d’une bataille d’émancipation dans le cadre du processus révolutionnaire cubain ?

Mariela Castro. Bien entendu ! C’est la plate-forme, le scénario. Moi, j’ai une formation marxiste qui me permet de comprendre la société dans laquelle je vis et ce que nous entendons par socialisme. Une société en transition socialiste telle que la société cubaine doit être vigilante à ne pas reproduire les mécanismes de domination préexistants.

Je pense que cette bataille pour la dignité pleine des personnes est en cohérence avec un processus de transformation sociale pour l’émancipation des êtres humains qu’est le socialisme. Cette idée, on ne peut pas la perdre de vue. Sans elle, justement, on continue ailleurs à reproduire les mêmes schémas avec les femmes, les homosexuels ou les immigrants.

Pour la première fois dans l’histoire du PCC, dans le document qui sera présenté à la conférence nationale en janvier 2012, on parle des droits à l’orientation sexuelle. On le discute dans toute la population. Nous, au Cenesex, nous avons fait pas mal de suggestions, notamment d’y inclure le concept d’identité des genres et non seulement l’orientation sexuelle. Car, avec cette identité, on a la protection des personnes par rapport au genre.

Vous parlez du respect de la personne humaine et de ses droits pleins et entiers, n’y a-t-il pas aussi d’autres combats à mener sur la liberté d’expression ?

Mariela Castro. Personne ne peut nous empêcher de nous exprimer. Ça, c’est un mythe. Personne ne peut se taire à Cuba. Le système colonial espagnol n’a pas pu nous faire taire, ni le colonialisme nord-américain, pas plus que la dictature militaire imposée par les États-Unis. Nous avons toujours dit ce que nous pensons. Chacun est maître de ce qu’il dit, de ce qu’il fait. Il faut aussi en assumer la responsabilité.

 La liberté, c’est assumer ses responsabilités, de jouer le tout pour le tout, de prendre des décisions. Et c’est vrai partout. Par rapport à la liberté de la presse, je serais tenté de dire que nulle part elle n’existe. Elle dépend de ceux qui maîtrisent les moyens de communication, les propriétaires, les groupes financiers, les actionnaires, les éditeurs, la politique d’État.

À Cuba, il y a un grand nombre de blogs indépendants et des milliers de blogueurs intéressants, courageux dans leurs remises en questions tout en assumant leurs responsabilités, sans apport d’argent d’un pays qui veut nous maîtriser, nous harceler. Certes, un petit nombre d’entre eux reçoivent de l’argent du gouvernement des États-Unis pour inventer des histoires contre Cuba.

"Qui connaît vraiment, autrement que par la déformation, la réalité quotidienne des Cubains et leur capacité d'avancer?"

Depuis plus de cinquante ans, nous subissons une véritable guerre idéologique dans le but d’achever la révolution. La campagne médiatique contre Cuba est de plus en forte. Le département d’État américain y a injecté plus de 20 millions de dollars. Avec cet argent, il paie des blogueurs, des journalistes nord-américains ou européens, pour nous discréditer. Mais qui connaît vraiment, autrement que par la déformation, la réalité quotidienne des Cubains et leur capacité d’avancer ?

Concernant Cuba, je souhaiterais une presse plus critique, qui fasse un vrai travail d’enquête. Et critiquer ne veut pas dire manquer de respect si cela répond à l’éthique journalistique.

Un seul parti dominant la politique cubaine, est-ce suffisant ?

Mariela Castro. Bon ! Celui qui a inventé le parti unique, ce n’est pas Fidel, mais José Marti. Face à la menace étrangère, il n’y avait pas d’autre option que de rallier la volonté des Cubains, ce que Marti appelait le «parti révolutionnaire». Le PCC a hérité de ce parti révolutionnaire créé par José Marti.

Grâce à l’unité dans ce parti unique, on a réussi à gagner l’indépendance vis-à-vis de l’Espagne, mais elle a été frustrée du fait de l’intervention nord-américaine. Les Cubains se sont encore unis pour accéder à leur souveraineté. C’est pourquoi c’est un parti qui comprend énormément de diversité, inclut les religions et a différentes positions. Mais le principe est très clair sur la souveraineté nationale, la défense de cette souveraineté, le développement du pays sur la base de la justice et de l’équité sociale.

Voilà, c’est ça, le projet. Le peuple cubain a ce qu’il veut. Le PCC ne postule pas aux mandats électifs, c’est le peuple dans les quartiers qui décide et postule.

Quel est le sens de la formule de votre père, Raul Castro, quand il dit : il faut avancer 
« pas à pas » ?

Mariela Castro. Tout changement brusque peut être d’une grande irresponsabilité. Le processus de construction et le changement d’état d’esprit exigent du temps, beaucoup plus qu’une consultation populaire. Quand il dit «pas à pas», c’est consolider chaque pas que l’on fait, ne pas être superficiel et n’oublier personne. Il m’a dit à plusieurs reprises d’essayer d’avoir un point de vue éducatif auprès de la population avant de l’amener sur un projet de loi, sinon celle-ci ne sera jamais votée.

 Ce que nous avons fait en sensibilisant les Cubains, les députés. Lui travaille dans ce sens, je crois que c’est un bon stratège. Des gens aimeraient que Cuba se presse dans les changements. Lui répond : «Je voudrais me presser, mais je ne peux pas imposer.» Il faut trouver un certain consensus, tout au moins, pouvoir compter sur la majorité.

Quelles sont les priorités pour les Cubains aujourd’hui ?

Mariela Castro. Des tas de choses ! Surtout il s’agit de renforcer notre économie pour être autosuffisants. D’une certaine manière, le tourisme peut nous aider à réaliser des progrès. Malgré le blocus économique et commercial envers Cuba, le tourisme nord-américain a augmenté de façon incroyable. Les Nord-Américains ont envie de venir à Cuba, nombreux arrivent par des voies détournées pour ne pas être pénalisés aux États-Unis.

Le fait d’être sanctionnés par la loi du blocus est, au passage, est une violation des droits des citoyens nord-américains et de la Constitution. Alors, oui, il nous faut avancer, créer de nouveaux mécanismes. Et ça vient ! Cuba surprend toujours, même nous, nous surprenons.

À son élection, Obama avait nourri quelques espoirs vis-à-vis de Cuba. Mais rien n’a changé…

Mariela Castro. Obama ne s’est pas acquitté des responsabilités de son programme. Les États-Unis continuent à être hégémoniques. Ils sont la police du monde, ils nous contrôlent tous. Je constate que l’Europe leur a emboîté le pas en établissant une position commune contre Cuba. C’est d’un cynisme ! Cela démontre qu’elle est subordonnée à la politique des États-Unis.

Vous êtes la fille de Raul et la nièce de Fidel. L’héritage n’est-il pas trop lourd à porter ?

Mariela Castro. Parfois oui, parfois non ! Non pour tout ce qu’on vous fait porter de façon symbolique par rapport à l’héritage familial. Certains inventent une responsabilité qu’ils aimeraient me voir endosser, qui ne me correspond pas ; d’autres veulent que, dans l’avenir, je sois présidente de la République. S’ils me connaissaient bien, ils ne le voudraient pas ! Cela n’a rien à voir avec mes aspirations.

D’autre part, j’ai reçu beaucoup de gratifications à Cuba et dans de nombreux pays. On m’a dit des choses très belles, pleines d’admiration, de respect, d’affection et de remerciements. On m’a raconté des anecdotes de mes parents que j’ignorais. Alors je me sens fière de la famille dans laquelle je suis née. Ils m’ont transmis des valeurs, une éthique. Et si je suis rebelle, ce n’est pas de ma faute, c’est de la leur. Ils l’ont été beaucoup plus que moi et continuent de l’être, c’est pourquoi j’ai beaucoup d’admiration. Mais moi, je ne veux pas être comme eux.

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Entretien réalisé par Bernard Duraud pour l'Humanité