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25/02/2011

André Chassaigne : « Le Front de Gauche doit être dans une radicalité utile »

Par Thibault Leroy, pour Témoignage Chrétien

chasagne.jpg ENTRETIEN - Député communiste du Puy-de Dôme, conseiller régional d'Auvergne, André Chassaigne est candidat à l'investiture du Front de Gauche pour la présidentielle. Il évoque son concurrent, Jean-Luc Mélenchon, et les stratégies pour les prochaines élections.

TC : Comment définissez-vous la singularité de votre candidature à gauche ?

André Chassaigne  : J'ai une approche locale, rurale. Mais il ne s'agit pas uniquement des campagnes françaises, ce sont aussi les campagnes du monde qui sont en jeu. Le fait de vouloir chez nous une agriculture paysanne, c'est pour avoir des aliments de qualité, développer une consommation de proximité, et créer de l'emploi tout en répondant aux besoins de la population.

Par ce biais, on bloque le développement de l'agro-business, qui s'appuie sur des productions venant des pays du Sud en y favorisant la monoculture, dirigée vers l'exportation, ce qui a des conséquences terribles. La sauvegarde de la biodiversité est en jeu. Ce sont des attaques contre les espaces naturels, comme la forêt amazonienne. Ce sont aussi des menaces contre des communautés villageoises. Et, en même temps, la disparition d'une agriculture vivrière.

Il y a une complémentarité entre les intérêts des paysans d'Europe et ceux des paysans des pays du Sud. Il faut donc très nettement s'inscrire dans une politique de rupture du système : si on ne s'y inscrit pas, on développe une forme d'illusion écologique qui n'est faite que pour exonérer les véritables responsables de ce qu'ils provoquent sur la planète.

C'est ce que j'essaie de développer dans l'ouvrage que j'ai écrit (1). J'y ai traduit mes contributions, mes réflexions, pour être un passeur entre les questions écologiques et les questions sociales.

TC : Quelles sont les mesures emblématiques qui devraient être défendues par le Front de gauche ?

Le Front de Gauche doit être dans la rupture avec le capitalisme. Nous défendons un meilleur partage des richesses, qui s'impose pour que cesse le scandale du si grand écart entre ceux qui vivent dans l’opulence et ceux qui vivent dans les pires difficultés.

Les députés du Parti communiste et ceux du Parti de gauche ont déposé plusieurs propositions de lois, pour la taxation des transactions financières, mais aussi la limitation des écarts de revenus de 1 à 20 (déposée en 2010) avec des mesures fiscales extrêmement fortes contre les privilégiés de ce pays. Par voie de conséquence, nous voulons donner plus à ceux qui ont le moins : augmenter les salaires et les minima sociaux.

La deuxième mesure consiste à avoir une prise sur le développement par les finances. On doit créer un pôle financier public, autour de plusieurs banques liées à l'Etat. Des banques coopératives par exemple. Cela nous permettrait d'avoir un levier pour développer l'économie par des crédits sélectifs (sur un critère environnemental ou social).

Si on n'a pas ce levier, on laissera les financiers et les banques faire ce qu'ils veulent, c'est à dire servir l'intérêt de quelques-uns aux dépens du plus grand nombre.

Le Front de gauche rassemble le Parti communiste et le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon. Êtes vous pour une ouverture à d'autres partis ? 

Oui. Un rassemblement peut se faire sur des orientations qui peuvent être partagées. Si le Front de Gauche est une citadelle isolée, on ne réussira pas l'enjeu du rassemblement du plus grand nombre, nécessaire pour créer une dynamique et un rapport de force. Mais je ne suis pas un partisan des accords de sommets. Le rassemblement se créé aussi sur les territoires.

J'ai constaté dans mes sorties récentes dans plusieurs départements que des candidats du Front de Gauche, dans la perspective des cantonales, ont des démarches communes avec des militants du NPA, d'Europe écologie et avec des candidats qui ne sont dans aucune organisation : des militants syndicaux, associatifs, ou de simples citoyens.

Je ne suis pas sur l'idée d'une autre gauche protestataire qui considère que l'adversaire est aussi bien la droite de Nicolas Sarkozy que les socialistes, qui seraient vendus au capitalisme et qui porteraient tous les maux du monde. La stratégie du Front de Gauche ne doit pas consister à creuser une tranchée et arroser tout ce qui présente. Elle doit au contraire consister à faire avancer des propositions.

Il suffit de regarder la situation autour de nous : des personnes en grande difficulté, des parents qui ont l'angoisse du lendemain pour leurs enfants, des petites entreprises qui veulent se développer mais ne trouvent pas les financements, des territoires qui souffrent des suppressions des services publics. Il y a urgence ! Nous devons suivre une forme de radicalité utile, qui doit porter la colère des populations et améliorer concrètement leur vie.

TC : Dans le cas d'une victoire de la gauche à la présidentielle, vous êtes donc favorable à une participation au gouvernement avec les socialistes et les écologistes ?

Je ne prononce pas de rejet a priori, mais je ne suis en aucun cas pour une participation mécanique. Est-ce-que participer peut permettre de faire avancer les orientations politiques que l'on porte ? J'espère que le PS fera le choix, pour que ce soit toute la gauche qui l'emporte, d'un candidat très nettement attaché à la transformation sociale et pas à l'accompagnement du libéralisme. La victoire de la gauche dépendra surtout du contenu qui sera mis en avant.

TC : La stratégie du Front de gauche ne signifie-t-elle pas un effacement progressif du PCF ?

Je ne suis pas favorable à l'effacement du Parti communiste. Là où les partis révolutionnaires, comme les partis communistes, ont pu se délayer dans des organisations pouvant laisser penser que ça allait faciliter l'élargissement, cela a parfois abouti à une disparition de la gauche, comme en Italie.

Le rassemblement peut se faire avec plusieurs organisations, qui ont leur façon d’être, leur histoire, leur culture, leur approche. Il se fait dans le respect des structures et des individus qui rejoignent ce rassemblement dans des actions communes. Il faut être attentif à ce que ce ne soit pas le parti le plus important qui impose ses vues, ayant autour de lui des nébuleuses ou des compagnons de route.

TC : N'est-ce pas une contrainte que les médias vous soient fermés, alors même que M. Mélenchon y est régulièrement invité ?

C'est une contrainte, et une révélation pour moi d'une nouvelle conception de la politique, avec la place importante des médias. Je laboure le terrain, je fais avancer mes idées, sans avoir le relais que d'autres peuvent avoir.

Tous les autres candidats à la candidature, comme les socialistes qui se présentent aux primaires, ont les plateaux de télé ouverts, les émissions de radio de grande écoute... Je n'arrive pas à émerger de cette façon. Ce sont des choix faits par le système : c'est tout le problème de la démocratie politique dans ce pays.

Du côté du Parti de Gauche, il y a un candidat qui mène très bien sa campagne, qui est dans les médias parce qu'il fait monter l'audimat et fait vendre du papier, et qui porte un discours avec des valeurs fortes dans lesquelles les populations se reconnaissent. Mon discours est différent, plus nuancé : je travaille les idées sur le terrain, sans en rester aux grands slogans. C'est important parce qu'au moment du vote, tout ce qui est artificiel sera balayé.

Il faut faire comprendre que le Front de gauche s'appuie sur des orientations politiques. Si c'est Jean-Luc Mélenchon qui est retenu, je le soutiendrai : je ne suis pas dans une aventure personnelle.


(1) Pour une Terre commune, Arcane 17, 2010.


Politiques à la Ferme
envoyé par tv_agri. - L'info video en direct.

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30/01/2011

Claude Onesta. « Face à la fatalité, seules les utopies changeront le monde »

 

Onesta, Hand Ball, champion du mondeEntraîneur charismatique de l’équipe de France de handball, Claude Onesta est aussi un homme de gauche. À l’occasion du Mondial en Suède, que les Bleus débutent ce soir face à la Tunisie, il revient sur son parcours. Et ses idées.

Aux commandes de l’équipe de France de handball depuis 2002, Claude Onesta a failli être remercié plusieurs fois avant de devenir l’entraîneur français le plus titré dans un sport collectif, avec quatre titres majeurs (Euro 2006 et 2010, JO 2008 et Mondial 2009). Issu d’une famille communiste ayant fui l’Italie de Mussolini, le sectionneur est aussi un citoyen qui ne mâche pas ses mots.

Que vous inspire votre parcours 
à la tête des Bleus ?

Claude Onesta. À ma nomination, j’ai ressenti une grande fierté et une grande responsabilité. Longtemps, je me suis posé la question de ma capacité à être utile. L’équipe de France s’était positionnée sur le devant de la scène et je savais qu’on ne demeure pas dans ce métier sans résultat. Mais ce dont je suis le plus fier, c’est d’avoir réussi en restant fidèle à l’idée que je me fais du rôle d’entraîneur et d’éducateur.

Vous avez dû attendre cinq ans avant de remporter votre premier titre (Euro 2006). Avez-vous douté ?

Claude Onesta. Oui. Heureusement, il y a eu ces podiums venus valider le travail accompli (bronze aux Mondiaux 2003 et 2005). Mais la vraie souffrance, ce sont les JO d’Athènes, en 2004. Avec le recul, je me rends compte qu’on s’était autopersuadés que nous étions parmi les favoris, ce qui n’était pas vrai. On chute contre la Russie en quart de finale, alors qu’on restait sur cinq victoires d’affilée. Cela a été un véritable traumatisme car les JO sont un investissement majeur, le groupe vit ensemble durant deux mois…

Sans la médaille de bronze 
au Mondial 2005, ne croyez-vous pas que l’équipe de France aurait 
implosé et que son destin, ainsi que le vôtre, aurait été bien différent ?

Claude Onesta. Tout à fait. On voit bien, quand commence ce Mondial, que l’équipe est encore convalescente. D’emblée, on perd contre la Grèce, puis on réalise un nul contre la Tunisie. Il ne nous reste alors plus qu’un match face aux Danois, et on sait que celui qui le perdra rentrera chez lui. Ce match est celui de la vie ou de la mort. Si on ne l’avait pas remporté, je pense que mon aventure de sélectionneur se serait arrêtée là et cela m’aurait paru normal qu’on demande ma tête.

Comment vivez-vous ce premier 
titre en 2006 ?

Claude Onesta. C’est une délivrance. Ce titre est celui qui m’a provoqué le plus de plaisir immédiat et d’apaisement. Tout d’un coup tu vois défiler ta vie, tes parents, tes premiers entraîneurs… J’étais en lévitation.

C’est quoi la méthode Onesta ?

Claude Onesta. Je délègue beaucoup à des collaborateurs autonomes et créatifs, choisis pour leurs compétences et à qui je laisse une entière liberté. Chacun amène ses idées et j’arbitre. Et c’est pareil pour les joueurs. L’idée, c’était de passer du jeu de l’entraîneur à celui de l’équipe. On a beaucoup discuté avec les joueurs. Je suis devenu un chef d’orchestre qui doit faire jouer des virtuoses tout en dosant leur part de liberté. Si on leur en laisse trop, ou pas assez, on n’arrive pas à l’harmonie.

Votre famille a fui l’Italie 
de Mussolini. Racontez-nous…

Onesta, Hand Ball, champion du mondeClaude Onesta. Je suis issu d’une famille de communistes qui ont quitté l’Italie des années 1930, direction le Brésil. Après avoir trimé trois ans dans les champs de café, ils sont revenus en Europe. Une partie de la famille s’est installée dans l’Est pour travailler dans la sidérurgie, et l’autre, la mienne, du côté d’Albi, où il y avait du travail dans les usines. Mon père était syndicaliste cégétiste, il était de toutes les manifs. Je l’ai même vu prendre le fusil pour aller garder la bourse du travail à Toulouse ! Chez nous, il n’y avait pas de crucifix mais les portraits de Lénine et du Che. Parfois, j’ai trouvé excessifs certains comportements et je me suis accroché avec mon père sur le stalinisme. Mais ce combat dans l’intérêt du plus grand nombre et des plus faibles m’a toujours semblé indispensable. Aujourd’hui, je continue à être un homme de gauche, même si je me demande parfois où elle est et qui la représente.

Quel regard portez-vous 
sur la société actuelle ?

Claude Onesta. Ce qui m’agace, c’est le cynisme du capitalisme financier. On nous vend ça comme une fatalité, et le fait qu’il y ait de plus en plus de richesses et qu’elles soient de moins en moins réparties me rend de plus en plus utopiste. Les utopies sont ce qui a permis au monde de changer. Qui aurait dit qu’en France la Bastille serait prise et le roi décapité ?

Vous prônez la révolution ?

Claude Onesta. Non, mais je dis qu’il n’y a pas de fatalité. L’Amérique du Sud s’est défaite de la mainmise des États-Unis. Qui aurait dit, il y a trente ans, que tous ces pays seraient gouvernés par la gauche ? Quand je vois que des gens dans le besoin se nourrissent grâce à un amuseur public et qu’on finit par trouver ça normal… Aujourd’hui, ce sont les associations qui font le travail de l’État. On ne nous parle plus que de diminuer la dette publique, et maintenant il faudrait que l’éducation soit rentable, on croit rêver.

Alors qu’un service public, par définition, n’a pas à être rentable…

Claude Onesta. Et bien sûr que non ! Et c’est justement parce qu’on investit dans l’éducation qu’on mise sur l’avenir. On a vu que les financiers ont failli tout faire péter, et un an après ils ont déjà remboursé tout l’argent prêté et ils recommencent…

Comment l’entraîneur a vécu le débat sur l’identité nationale étant donné la diversité de l’équipe de France 
de handball ?

Claude Onesta. Ce débat traduit le comportement de gens qui, devant la difficulté, se contractent et se protègent. La force du sport français et de la société française, c’est son métissage. Il faut se servir de cette richesse qu’est la diversité. Quand on essaie de nous dire qu’il y a des gens qui sont plus français que d’autres et que c’est en foutant tous les autres dehors que ça va arranger les choses… C’est une illusion de croire qu’en rejetant l’autre on va se protéger et vivre mieux. C’est de la science-fiction. ça n’a pas de sens, et c’est imbécile.

Entretien réalisé par 
Nicolas Guillermin pour l'Humanité

20:12 Publié dans Entretiens, Sport | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : onesta, hand ball, champion du monde | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

07/11/2010

Hyperaustérité et graves atteintes à la démocratie

L’Interview paru le  30 octobre 2010 dans l’Humanité

francis-wurtz.jpgFrancis Wurtz, député honoraire du Parlement européen, a conduit la bataille contre le traité constitutionnel en 2005.

Que pensez-vous de la décision du Conseil de faire modifier le traité de Lisbonne pour pérenniser le Fonds de stabilisation ?

Francis Wurtz. Quand nous avons dit «non» au traité constitutionnel en 2005, dont celui de Lisbonne est un avatar, nous avions signalé que ce traité interdisait à un État membre de l’UE ou à la Banque centrale européenne (BCE) de venir en aide à un autre État en difficulté. Donc, a priori, on ne va pas se plaindre que cet article soit éventuellement supprimé. Le problème, c’est que le Fonds de stabilisation, ce n’est pas de la solidarité ! Dans le cas de la Grèce, par exemple, l’UE a imposé des conditions draconiennes à ce pays et, pire, certains États, comme la France, ont gagné de l’argent sur le dos du peuple grec !

Quelles sont les autres conséquences ?

Francis Wurtz. Elles sont graves. L’Allemagne n’a accepté la pérennisation de ce Fonds de stabilisation qu’à la condition d’un durcissement des sanctions contre tout État contrevenant à la discipline budgétaire et d’un renforcement du pacte de stabilité. Pour la France, dans l’avenir, en cas de déficit public jugé excessif, la sanction financière pourrait atteindre 10 milliards d’euros. Quant au renforcement du pacte de stabilité, il implique que les budgets nationaux soient soumis au contrôle de la Commission européenne préalablement à leur examen par les Parlements nationaux. Il s’agit là d’une politique d’hyperaustérité et d’une atteinte très grave à la démocratie.

 Pourquoi en est-on arrivé là ?

Francis Wurtz. La question est que l’UE n’a tiré aucune leçon de la crise financière. Elle aggrave encore la soumission des États membres aux exigences des marchés. Cette politique a été décidée au moment même où l’Europe est le théâtre de puissantes manifestations contre les politiques actuelles. Les dirigeants européens restent sourds à cette désaffection massive des peuples. Et ce au risque d’encourager le populisme.

Que peut-on faire ?

Francis Wurtz. D’abord, faire converger les actions se déroulant sous différentes formes en Europe contre le démantèlement systématique du modèle social européen. Il faut s’unir à l’échelle européenne contre cette hyperaustérité, les attaques contre les retraites, les services publics, la fermeture des entreprises… Ensuite, mener en même temps un débat partout en Europe sur les causes de cette crise, sur l’extrême dépendance à l’égard des marchés financiers, et montrer qu’on peut s’en émanciper, de sorte à créer les conditions d’une appropriation par les citoyens des vrais enjeux européens. Et aussi aider ces citoyens à faire le lien entre leur difficile quotidien et les orientations néolibérales concoctées par les dirigeants de l’UE. En troisième lieu, il s’agit de faire grandir les alternatives à cette orientation néolibérale en mettant la question sociale et sociétale au cœur du projet européen. En France, par exemple, le PCF préconise une autre mission pour la BCE : racheter les titres publics (la dette publique) à un taux bas ou nul, pour que l’argent puisse être utilisé pour favoriser l’emploi, la création des richesses, les services publics. Autrement dit, nous proposons aussi que la BCE finance des crédits dans des conditions différentes selon qu’il s’agit d’investissements créateurs d’emplois ou destinés à la spéculation. Dans le premier cas, les conditions d’accès au crédit devront être très favorables, dans le second cas, très dissuasives. En conclusion, je pense que, pour soutenir un tel changement, il existe en Europe une aspiration majoritaire. C’est l’un des points qui seront discutés lors du congrès du Parti de la gauche européenne qui se tiendra à Paris au mois de décembre.

Entretien réalisé par Hassane Zerrouky

17:44 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : europe, francis wurtz | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

19/08/2010

SACCAGE DES VIGNES : UNE ATTEINTE A LA LIBERTE DE CHERCHER

marion.jpgInvitée de Bourdin Direct sur RMC, Marion Guillou, présidente directrice générale de l’INRA (Institut national de recherche agronomique), est notamment revenue sur le saccage des vignes OGM d’une unité de l’Inra à Colmar la semaine dernière.

« Une atteinte à la liberté de chercher »
Dans la nuit du 14 au 15 août, une soixantaine de faucheurs venus de toute la France ont saccagé 70 pieds de vigne transgénique dans l'unité de Colmar de l'Institut national de recherche agronomique (Inra).
« Le grand public n’a pas l’air de se rendre compte de la situation »
a déploré Marion Guillou. « Ce sont huit ans de travail qui sont ainsi piétinés. C’est un acte extrêmement violent. D’abord, il y a franchissement de clôture. Ils sont entrés dans les locaux de l’Inra et ils ont détruit un outil de travail de chercheur. Dire que c’est non violent, ce n’est pas correct du tout. Les chercheurs envisagent de ne pas continuer. Tout notre travail va être de les remotiver pour garder cette compétence en France » a-t-elle déclaré, ajoutant : « Imaginez-vous l’image de la France aux yeux des scientifiques qui savent qu’il est presque impossible en France de faire un essai en champ pour savoir ce qu’il se passe dans un OGM en réalité ».

Pour ces raisons, l’Inra a porté plainte en raison de « l’atteinte à la liberté de chercher ».
 
« Le vignoble français est menacé » à très court terme
vigne2.jpgLes pieds de vigne saccagés étaient étudiés dans le cadre de recherches sur le court-noué, une maladie virale présente dans la quasi-totalité des régions viticoles du monde, provoquant la mort des vignes et rendant les terres impropres à la viticulture. La présidente de l’Inra a donc expliqué sur RMC l’objectif de ce travail.
« 60% des vignes françaises sont atteintes par la maladie du court-noué. C’est la mort du vignoble sur quelques années si cela continue. Le vignoble français et, plus largement, mondial, est menacé par ce virus. Les viticulteurs le savent bien. Ils ont des pertes très significatives chaque fois que la vigne est atteinte. La maladie gagne inexorablement année après année. On avait un produit de traitement chimique pour la soigner qui est désormais interdit. On explore donc actuellement trois voies de lutte contre le court-noué : l’expérimentation OGM n’était jamais qu’une des expérimentations dans le cadre de cette recherche de solutions. On pensait qu’un bois de vigne génétiquement modifié pouvait éventuellement ralentir le virus. En laboratoire, cela marchait. Nous n’avons pas pu aller au bout de l’expérimentation, ce qui est grave pour l’expertise française. »
 
Nourrir une planète surpeuplée ? Possible sous certaines conditions.
Enfin, Marion Guillou a fait le point sur les deux années d'enquête prospective conduite avec une vingtaine d'experts de l’Inra et du Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) dans le cadre de la lutte contre la sous-nutrition. A la question préoccupante de savoir si l’on pourra nourrir un monde surpeuplé, Marion Guillou répond « Oui, sous condition ». « En 1960, nous étions à peu près 3 milliards sur la terre. Nous avons mis moins de 40 ans pour être 6 milliards. D’où la pression sur la planète. Dans le même temps, on a augmenté la ration pour chaque habitant de la planète, même si malheureusement, il y a de la sous-nutrition dans le monde, comme de la surnutrition. Et on a la perspective, d’ici 2050, de croître encore de 3 milliards. Avec le Cirad, on s’est demandé s’il est possible de nourrir ces 9 milliards d’habitants en 2050 de manière supportable pour la planète. On a répondu oui, mais sous condition. »
En premier lieu, « sous réserve d’un régime alimentaire plus équilibré… Si tout le monde se met à manger selon le modèle nord-américain, ce sera insupportable pour la planète. Pour l’homme aussi d’ailleurs » explique la présidente de l’Inra. En second lieu, « il faut des règles de commerce mondial équitables puisqu’il y des zones du monde qui ne se nourriront jamais. Même en développant l’agriculture paysanne, il sera nécessaire qu’elles importent » précise-t-elle. Enfin, selon Marion Guillou, au nom de l’Inra et du Cirad : « la troisième condition, ce sont des modes de production durables. Vis-à-vis de l’utilisation de l’eau et du sol, il faut que l’on développe une agriculture qui respecte la planète et permette de transmettre à nos enfants une planète qui soit à nouveau capable de les nourrir. »

15:53 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : inra, vigne, ogm | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!