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22/04/2014

"La France est de plus en plus perçue comme l’adversaire du monde arabe"

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À Gaza, les enfants tombent malade à cause de la pollution des sources d’eau potable

Journaliste et écrivain palestinien de renommée internationale, né à Gaza, Ramzy Baroud (*) a sillonné pendant plusieurs mois le Proche et le Moyen-Orient, pour le compte de la chaîne Al Jazeera. A l’occasion de sa première visite à Paris, il livre à l’Humanité son regard sur les bouleversements régionaux en cours, et juge avec sévérité le nouveau rôle joué par la diplomatie française.

Comment expliquez-vous la dégradation actuelle, en particulier sanitaire, que connaît la bande de Gaza ?

Ramzy Baroud. L’Etat de siège est perpétuel. Mais effectivement, même selon les « standards » de Gaza, la situation s’est considérablement dégradée. Il n’y a de courant qu’entre 2h et 6h du matin. Les générateurs des hôpitaux ne fonctionnent plus. Les enfants tombent malade à cause de la pollution des sources d’eau potable, les ordures et les eaux usées se déversent dans les rues. Nous sommes au-delà de la logique de punition collective. Il y a selon moi une volonté politique des dirigeants israéliens d’accentuer cette punition afin d’accroître la défiance de la population envers le Hamas, et le rendre responsable de la dégradation des conditions de vie. Avec l’élimination des Frères musulmans en Egypte, le moment est idéal pour marginaliser le Hamas, sa branche palestinienne.

C’est votre premier voyage en France, un pays qui était connu pour sa politique « équilibrée » au Proche-Orient…

Ramzy Baroud. Il y a eu un changement significatif de votre politique étrangère, en particulier vis-à-vis du Proche-Orient : Les Palestiniens considèrent la position de la France comme engagée du côté israélien. Ils ont perdu leurs illusions sur l’équilibre français, sa sympathie supposée pour la cause palestinienne. Après l’intervention militaire en Libye, puis la tentative avortée de bombarder la Syrie, comme j’ai pu m’en rendre compte après un séjour de six mois dans les pays arabes pour le compte de la chaîne Al-Jazeera, la France est de plus en plus perçue comme l’adversaire du monde arabe. Il y a un manque de confiance pour un pays clairement identifié comme faisant partie de l’axe Londres-Washington-Tel Aviv.

Dans votre dernier livre, vous décrivez Benjamin Netanyahu comme un « homme malveillant à l’esprit tordu ». Pourquoi François Hollande lui a-t-il manifesté une telle amitié à l’occasion de son dernier voyage en Israël ?

Ramzy Baroud. Je vais essayer de rester le plus poli possible. Mais je suis obligé d’admettre que j’ai trouvé ce spectacle absolument écœurant. C’est d’autant plus incompréhensible venant du président d’un pays au passé révolutionnaire, qui a connu la brutalité de l’Occupation, qui comprend la violence d’un processus de décolonisation. Et voir François Hollande donner aux dirigeants israéliens cet amour inconditionnel à un moment où même le gouvernement américain atteint le point où il défie l’influence du lobby pro-israélien aux Etats-Unis a quelque chose de profondément choquant. Netanyahu est à l’extrême-droite de l’échiquier politique israélien et il pourrait même être taxé de fasciste selon certains standards politiques internationaux… Peut-être que cette attitude était justifiée par la volonté d’amadouer les dirigeants israéliens sur le dossier du nucléaire iranien, mais faire cela sur le dos des Palestiniens avait quelque chose de révoltant.

Vingt ans après les accords d’Oslo, le Moyen Orient connaît des bouleversements majeurs : l’Iran normalise sa relation avec les Etats-Unis, Israël coopère étroitement avec l’Arabie Saoudite... Quel impact ces évolutions peuvent-elles avoir sur la lutte du peuple palestinien ?

Ramzy Baroud. Il y a un changement de paradigme à l’œuvre dans la région. Dans les décennies à venir, on se souviendra de cette période comme celle qui a changé le visage du Proche et du Moyen-Orient. La raison fondamentale vient des Etats-Unis : ils ont compris après l’Irak qu’ils n’avaient plus les moyens de mener une guerre de grande envergure. En conséquence de cela, d’autres acteurs tentent de combler ce vide. L’autre facteur est l’émergence du peuple arabe en tant qu’entité politique. Les analystes ont à mon avis commis une erreur en considérant que le soulèvement était une victoire en soi. Ce n’était pas le cas. La signification, selon moi, c’est que le Moyen-Orient ne pourra plus être gouverné par cette alliance entre le néocolonialisme occidental et une poignée de dirigeants corrompus et despotiques. Il est néanmoins difficile de définir ce nouvel acteur : ce n’est pas vraiment une « société civile », parce qu’elle est fragmentée et divisée, comme on peut le voir en Libye ou en Egypte, mais c’est incontestablement une émergence populaire. Il n’y a pas vraiment eu de culture de la mobilisation collective dans la région depuis des décennies. Cette conscience sera probablement longue à émerger, que ce soit au Yémen ou à Bahreïn, mais elle finira par redessiner le visage du Moyen-Orient. Prenons le cas de l’Egypte : les puissances étrangères y faisaient et y défaisaient les rois. Aujourd’hui, elles sont obligées d’ajuster leur attitude en fonction de qui la population a permis ou rendu possible l’accession au pouvoir.

L’émir du Qatar a tenté de mettre la main sur le Hamas l’année dernière, avant que son pays ne semble disparaître progressivement de la scène régionale. Que s’est-il passé ?

Ramzy Baroud. Il n’y a pas de réelle dynamique au Qatar. C’est un tout petit pays qui essaie d’apparaître comme influent sur la scène internationale. Mais tout ce qu’il a à offrir, c’est de l’argent. L’argent permet de vous acheter une amitié temporaire, mais certainement pas une influence durable. Vous pouvez acheter des groupes, des militants, et après ? Le chèque signé au Hamas s’inscrivait dans la stratégie de récupération des mouvements politiques islamistes suite au Printemps arabe. Le Hamas était alors dans une position très inconfortable vis-à-vis du conflit syrien, et il fallait l’obliger à s’engager du côté de l’opposition armée soutenue par le Qatar. Les dirigeants du Hamas ont visiblement misé sur le mauvais cheval.

Comment résoudre la défiance grandissante de la population palestinienne vis-à-vis de leurs dirigeants ? La libération d’une figure comme Marwan Barghouti peut-elle changer la donne ?

Ramzy Baroud. La crise est beaucoup trop profonde pour qu’elle puisse être résolue par un seul homme. La classe politique palestinienne dépend du bon vouloir de ses partenaires politiques et financiers, et même d’Israël. Si Israël en venait à considérer que l’autorité palestinienne représente un réel danger pour ses intérêts, elle serait encore d’avantage affaiblie : les Etats-Unis cesseraient par exemple de financer la formation de policiers, lesquels sont entre autres chargés d’empêcher toute forme de lutte armée contre l’occupant israélien. Le problème du Hamas est différent : c’est un parti plus récent, qui est apparu aux yeux de la population palestinienne comme moins corrompu, n’ayant pas renoncé à la lutte armée, et c’est ce qui explique que nombre de chrétiens vivant à Gaza ont voté pour lui. Il ne s’agissait pas de soutenir le Hamas pour ce qu’il est réellement, mais pour ce qu’il représente. C’est le même phénomène qui explique la popularité du Hezbollah au Liban, qui va bien au-delà de la population chiite. Pour revenir à votre question, je pense que la question de la représentation du peuple palestinien sera « naturellement » tranchée lorsque les circonstances politiques permettront à une telle figure d’émerger. Ce n’est pas le cas actuellement.

(*) Dernier ouvrage paru : Résistant en Palestine, une histoire vraie de Gaza, publié aux éditions Demi Lune.

Publié dans l'Humanité

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Propos recueillis par Marc de Miramon

14/03/2014

« Un cadeau au Medef, et sans contrepartie »

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Pour l’économiste Gilles Raveaud, le pacte de responsabilité coûte très cher, profite surtout au patronat, n’est pas adapté aux réalités de l’entreprise et ne répond pas aux exigences sociales.

Enseignant à l’université Paris VIII-Saint-Denis et collaborateur régulier d’Alternatives Economiques, Gilles Raveaud est aussi membre de l’association des « Économistes atterrés ». Il dénonce avec véhémence le bien-fondé du pacte de responsabilité.

Le Pacte de responsabilité est le projet de réforme phare de François Hollande. Il semble y croire dur comme fer...

On a effectivement un gouvernement de gauche qui est absolument convaincu, je parle d’un point de vue intellectuel, par le fait que dans le contexte actuel il n’y aurait pas d’autre stratégie économique possible que celle visant à suivre celle de l’Allemagne. Avec une très forte baisse du coût du travail, qui a abouti là-bas à un système de déréglementation libérale très fort du marché du travail, accompagné de baisses des cotisations sociales, avec des réductions des droits des chômeurs, avec la création d’emplois très mal payés. Je pense que notre gouvernement est convaincu que de toutes les façons on ne peut pas faire autrement et que baisser le coût du travail est le meilleur moyen de défendre l’emploi. Et que, comme lutter contre le chômage est la priorité numéro 1, ça justifie cette politique.

En dehors de ces constations sur l’exemple allemand, que reprochez vous au projet ?

Le premier argument que l’on peut rappeler c’est que le coût du travail n’est pas le premier coût de production des entreprises. Dans le débat politique tel qu’il est structuré, on a l’impression qu’il n’y a que des entreprises de main d’œuvre ! Comme si on était en Chine avec ses ateliers textile, où le premier coût de production est précisément la main d’œuvre. En fait non. En France, c’est loin d’être le cas. Avec une estimation plus ou moins haute, le coût du travail, y compris avec les cotisations sociales, etc., c’est 25% du coût de production. Donc quand on se plie à réduire le coût du travail comme on le fait-là, les réductions proposées se réduisent à quelques bribes du vrai coût de production des entreprises. Ce serait vraiment maigre. On arriverait à 2 ou 3% [de baisse du coût de production, ndlr]. L’effet du pacte, qui coûte très cher, est forcément limité. Ensuite, même si on est vraiment dans la logique du gouvernement, il ne faudrait cibler les mesures que sur les entreprises qui sont confrontées à la concurrence européenne et internationale. Mais baisser les charges pour tout le monde, ça n’a pas de sens. Il faudrait le faire pour les seules entreprises exportatrices et donc réfléchir à d’autres méthodes. On ne pourrait pas y parvenir sur les cotisations sociales puisque l’on toucherait alors certaines entreprises et pas d’autres. Il faudrait donc avoir recours à d’autres mécanismes comme les primes à l’exportation ou apporter des crédits à taux zéro qui ciblent directement ces entreprises. Ce serait aller dans le bon sens de la restructuration des filières qui exportent plutôt que de prendre une mesure générale. Enfin, c’est ahurissant de faire ce genre de cadeau sans contrepartie ! C’est comme l’avait fait le gouvernement précédent avec la baisse de la TVA dans la restauration... sans rien demander en retour aux restaurants, ce qui avait coûté très cher pour des effets minimes sur l’emploi.

En dehors du Medef, qui semble en position de force, les partenaires sociaux ont-ils du mal à structurer leur action contre les effets nocifs du pacte ?

Je crois que la difficulté est là : comme nous avons derrière nous trois décennies de chômage de masse, toute la question du dialogue social est devenue complètement déséquilibrée. On se retrouve en plus avec un acteur très fort et structuré, qui est le Medef. Au demeurant, il représente très mal les employeurs puisqu’il y a des composantes très variées au sein du patronat et qui sont très mal représentées et complètement écrasées par la domination du Medef. Celui-ci représente un nombre limité d’entreprises. Quand on rajoute à ça les divergences stratégiques et politiques des syndicats français, on en arrive à une situation où il est même exagéré de parler de dialogue social. Et finalement, en face du Medef, il n’y a plus personne, pas vraiment d’acteur structuré capable d’apporter réellement la contradiction.

A entendre vos critiques, le projet est tout sauf un projet de gauche... Où est l’alternative ?

C’est le grand drame de la présidence Hollande. Nous avions des jeunes gens qui dansaient place de la Bastille le soir de son élection comme le 10 mai 81, en disant « grâce à Hollande on va faire reculer le chômage » et à l’inverse on a un gouvernement qui mène une politique de réduction des politiques budgétaires, qui a accru le chômage… Non seulement on a pas remis en cause la politique précédente mais encore on l’a aggravée. Effectivement, dans l’imaginaire et dans le discours politique, on n’a pour le coup aucune espèce d’imagination, d’invention ou d’inventivité qui permettrait d’imaginer un autre futur que celui qu’on nous réserve actuellement. Et qui est glauque. Alors qu’il avait lui-même, Hollande, évoqué cette piste qui était celle de la remise en cause de la finance. Alors que c’est effectivement le problème économique majeur ! Si on analyse les choses froidement, en absence de tout calcul politique, pourquoi le gouvernement s’est-il refusé à nationaliser les banques ? Nous avons un secteur financier qui est complètement délirant, qui n’est pas au service de la société, pourquoi ne pas le nationaliser ? L’autre voie, la voie keynésienne, est celle des grands travaux. Rien n’a été fait dans ce sens non plus, notamment avec les autres partis européen, pour lancer des programmes de ce type. Pourquoi n’a-t-on pas porté la contradiction publiquement, en disant à Angela Merkel : « l’Europe est en train de crever sous le chômage, les salaires stagnent, la consommation est en baisse, il faut absolument une politique de relance » ? Ce débat sur la politique de relance, il a duré quinze jours et François Hollande s’est immédiatement rallié à la position allemande avec la fameuse blague du « pacte de croissance », qui n’a jamais existé. Une troisième voie, complémentaire aux autres, est celle de la transition écologique. Nos économies ne sont pas soutenables il faut donc organiser des modes de production, de distribution, de consommation qui soient tout à fait différents. Et le marché ne peut pas faire ça. Il n’y a que l’État qui peut agir.

Entretien réalisé par Claude Gauthier

26/02/2014

Lutter pour prendre la tête de la Commission européenne et renverser l’austérité » par Alexis Tsipras

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Président du parti grec Syriza, candidat à la présidence de la Commission Européenne.

Entretien réalisé par Fabien Perrier et publié sur l’Humanité du Dimanche

Pour la première fois, lors du scrutin européen de mai 2014, les électeurs voteront à la fois pour le député d’un parti et pour le candidat de ce parti à la présidence de la Commission européenne. Alexis Tsipras sera celui de la Gauche européenne. Il entend porter, sur leur terrain, le combat politique face aux sociaux-démocrates et aux libéraux qui ont condamné les peuples européens à l’appauvrissement. Lui prône une redistribution radicale des richesses et l’annulation d’une partie des dettes publiques. Comment compte-t-il convaincre que cette alternative est la seule possible ?

HD. Quel sera votre principal défi pour 2014 ?

Alexis Tsipras. Le premier défi est de renverser la politique d’austérité. Nous devons élaborer une sortie de crise favorable à la société et aux populations. Il faut donc annuler une part de la dette des pays, du sud de l’Europe essentiellement, et restructurer la part restante ; il faut financer des politiques de développement, celles qui créent de l’emploi à condition qu’il soit sécurisé et non précaire. Ces points centraux de la politique anti-austérité, il faut les appliquer avec le soutien de toute la société. Les partis traditionnels qui se sont partagé le pouvoir sont ceux qui ont créé les problèmes et ont conduit l’Europe dans sa crise actuelle. Quant aux idées de l’extrême-droite, elles mènent droit à la fin de la démocratie et à l’effondrement de la civilisation. En réalité, les peuples d’Europe sont en danger, la démocratie elle-même est en danger. Le néolibéralisme est une menace pour les peuples d’Europe. Et nous sommes la seule vraie alternative.

HD. Vous serez le candidat de la Gauche européenne à la présidence de la Commission européenne. Comment cette candidature vous permettra-t-elle de réaliser ce défi ?

A.T. Pour la première fois, la vraie gauche mènera la lutte sur le même terrain que les forces auxquelles elle s’oppose. Elle sera au cœur d’une bataille où, jusqu’à maintenant, ces forces tiraient profit d’être les seuls protagonistes. Nous avons donc décidé d’utiliser ce moyen qu’est la candidature à la présidence de la Commission pour défendre nos positions. Nous sommes les seuls qui exprimeront une alternative par rapport au néolibéralisme. C’est une occasion à saisir. Et quand bien même nous serions considérés comme outsiders dans cette bataille, nous pousserons cet avantage : nos opposants sont les tenants d’un système qui a failli, ils appartiennent à un système qui ne peut plus recueillir la confiance des peuples.

HD. Quel est l’état de la Grèce aujourd’hui, à l’heure où le pays prend la présidence de l’UE ?

A.T. Ce que nous vivons actuellement en Grèce revêt le visage le plus barbare que nous ayons connu depuis la guerre. C’est une tache qui ternit la civilisation européenne. Il est inacceptable d’avoir 30% de chômage officiel, et même 60% chez les jeunes ! Inacceptable que plus de 2 millions de gens vivent sous le seuil de pauvreté, ne puissent pas couvrir leurs besoins alimentaires vitaux ni se chauffer suffisamment. Récemment, une jeune fille est morte à Thessalonique parce que sa famille, qui n’avait pas les moyens de payer l’électricité, avait dû faire un brasier pour se chauffer. Dans Athènes comme dans les principales villes de Grèce, chaque jour, des femmes et des hommes correctement habillés fouillent les poubelles pour y trouver de la nourriture. En outre, l’ensemble du programme de prêt à la Grèce est une véritable faillite. Quand il a été lancé, la dette souveraine était à 120% du PIB ; elle est maintenant à 160%. Enfin, ce mémorandum et cette politique d’austérité, qui ont détruit la cohésion sociale, ont fait une autre victime : la démocratie. Pour nous, ces mesures barbares ne peuvent être appliquées dans le respect de la démocratie et des droits de l’homme. La Grèce est le miroir de l’échec de cette politique européenne erronée. Il faut agir urgemment. L’Europe actuelle n’a rien à voir avec l’Europe des visions communes de la solidarité et du progrès. C’est une Europe qui redistribue les richesses au profit des puissants et des riches, et la pauvreté, la misère, la douleur aux pauvres et aux faibles. Par conséquent, les élections que nous avons devant nous ne sont pas une confrontation politique conventionnelle. C’est un combat politique crucial pour refonder l’Europe et ses perspectives pour ses peuples.

HD. Dans ce cadre, quel sens donnez-vous, en tant que Grec, à votre candidature ?

A.T. Bien sûr, ma candidature porte un symbole particulier, parce qu’elle provient d’un pays qui est devenu le cobaye de la crise. Mais la guerre contre les peuples est menée sur tout le territoire européen. Et fait partout des victimes : chômeurs, SDF, travailleurs pauvres… Comme la Grèce est en première ligne dans cette bataille a émergé l’idée que je sois candidat. Mais quand j’ai accepté, j’ai dit que je ne serai pas un candidat de la Grèce, du Sud ou de la périphérie, mais un candidat de tous les peuples de l’Europe, car c’est la gauche qui soutient et lutte pour les droits des peuples, contre les intérêts des marchés financiers, des banques et des riches.

HD. Mais les Allemands, les Danois, les peuples du Nord… peuvent-ils l’entendre ?

A.T. A notre avis, les divisions ne sont pas géographiques mais politiques. Notre grand pari est de convaincre nos sociétés et les peuples du nord que leur vrai intérêt n’est pas de continuer les politiques qui sont imposées aujourd’hui et impliquent de recourir systématiquement à de nouveaux prêts. Parce qu’il y a ce cercle vicieux : austérité-récession-dettes-prêts. Nous voulons le casser. Notre but est de convaincre les peuples du nord qu’une solution pour les peuples du sud est aussi dans leur intérêt. Sinon, les pays du sud devront perpétuellement recourir aux prêts, sans que cela profite à l’économie réelle et la cohésion sociale, mais aux banques qui ont déjà failli et que nous continuons à financer. L’Europe de la cohésion sociale, de la solidarité et de la démocratie est l’affaire de tous les peuples. Seule une Europe démocratique et juste peut exister ; sinon, elle court à sa perte.

HD. Quelles sont, alors, vos propositions pour l’Europe et pour la Grèce ?

A.T. Il faut un « New Deal » pour l’avenir de l’Europe, c’est-à-dire financer par le budget européen des projets de développement, pour l’emploi et la cohésion sociale. Cela va de pair avec une redistribution radicale de la richesse au profit de ceux qui la produisent et de ceux qui en ont besoin : il faut prendre à ceux qui profitent du visage barbare des politiques menées aujourd’hui tout en les encourageant. Si, dans le passé, cette proposition semblait idéologique, elle s’impose comme une réponse aux questions existentielles de l’Europe. En ce qui concerne la Grèce, nous pensons que son avenir nécessite des réformes structurelles de la base productive. L’économie grecque doit être remise à flot avec des mesures à destination de ceux qui produisent la richesse. Quand les Grecs me demandent : « comment allez-vous trouver l’argent pour nous aider ? », je réponds : « nous n’allons pas trouver l’argent ! Nous allons soutenir ceux qui produisent les biens et la richesse, ceux qui font tourner la machine. Nous voulons soutenir les chercheurs, les forces productives, les agriculteurs… C’est une différence fondamentale avec les néolibéraux qui ne soutiennent que les marchés et les banques et non ceux qui font l’économie. »

Entretien réalisé par Fabien Perrier

21/02/2014

HK : LES DESERTEURS

Apparu en 2011 avec l'album Citoyen du Monde, le collectif HK et les Saltimbanks est une émanation d'un autre groupe, le Ministère des Affaires Populaires, dont le dénominateur commun est le leader Kadour Haddadi alias HK. Deux ans après la sortie du deuxième album des Saltimbanks, Les Temps Modernes, HK rebaptise son groupe Les Déserteurs et livre un nouvel album.

Constitué de quinze chansons, HK présente Les Déserteurs sera disponible le 17 février prochain. Le style musical du projet qui mêle allègrement la chanson d'inspiration musette et le chaâbi, la chanson populaire algérienne richement orchestrée. Au programme, HK et les Déserteurs reprennent quinze classiques de la chanson française en compagnie de musiciens comme P'tit Moh de Gnawa Diffusion, Rafah Khelifa, accompagnateur de Souad Massi et d'autres proches du collectif de la région lilloise.

Parmi les titres revisités à la sauce HK figurent aussi bien des refrains lointains comme « Sous le ciel de Paris », « Les Vieux amants » ou « Vesoul » et « Le Plat pays » de Jacques Brel et « Les P'tits papiers » de Serge Gainsbourg que des créations plus récentes tel le « Demain demain » des Fabulous Trobadors, « Dès que le vent soufflera » de Renaud ou « Né quelque part » de Maxime Le Forestier.

Publié par Music Story

 Entretien accordé par l'Humanité

Dans HK et les Déserteurs, vous reprenez quinze classiques de la chanson française que vous mêlez aux sonorités chaâbi. «Les Déserteurs», au fond, c’est quoi? Un voyage imaginaire et fraternel entre l’Algérie et la France?

Kaddour Haddadi. Exactement. Il y a aussi dans cet album la reprise du Déserteur, de Boris Vian. Contrairement à une idée de plus en plus répandue dans nos grands médias (le choc des cultures, l’impossible cohabitation…), ces deux cultures que je porte en moi ne demandent qu’à vivre et avancer ensemble : imaginer, construire et créer ensemble.

 

19:18 Publié dans ACTUSe-Vidéos, Entretiens, Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hk, les déserteurs | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!