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25/07/2011

Richard Bohringer «Les communistes ont une lumière dans l’œil que les autres n’ont pas»

boringher.jpgRichard Bohringer «Les communistes ont une lumière dans l’œil que les autres n’ont pas»

Acteur populaire, chanteur éclectique, écrivain voyageur… Richard Bohringer ressemble à John, l’un des personnages de son nouveau livre, les Nouveaux Contes de la cité perdue (Flammarion), homme libre, engagé et détaché de tout, sauf de l’amour. Un révolté avant tout, dégoûté du monde d’aujourd’hui voué au culte de l’argent, bouffi d’orgueil et de préjugés.

Votre dernier livre, les Nouveaux Contes de la cité perdue (Flammarion), commence par évoquer Jésus… puis la révolution : « Paulo et John s’étaient rencontrés en ces temps troubles. […] Paulo avait été communiste. John aussi. » On ne vous savait pas aussi engagé politiquement ?

Richard Bohringer. À gauche, vous pouvez l’écrire... Les Tunisiens m’ont filé un sacré coup d’énergie alors que j’écrivais ce livre. Je voulais évoquer le parcours des gens qui s’indignent, se rebellent, n’acceptent pas. Cela va de Kerouac, qui prend la route à vingt ans, parfois naïvement, aux jeunes Tunisiens qui risquent leur vie pour changer le monde. Leur monde... Ils sont enthousiastes et utopiques. Ils se battent pour être libres. Je ne pouvais pas écrire ce livre sans évoquer ces peuples courageux de la Méditerranée...

Vous les appelez « le clan des affamés » 
et vous ajoutez : « Les gens étaient perdus, 
avec des promesses pas tenues... »

Richard Bohringer. Oui, c’est ça : le clan des affamés. Des bafoués dont on se moque… C’est pour ça que je cite Lumumba et Sankara, les deux leaders africains assassinés qui ont voulu plus de justice dans leurs pays. Ils ont connu le sort du commandant Massoud… S’il avait été accueilli par la grande porte, le sort de l’Afghanistan aurait été différent, c’est certain. Ce chaos interminable... Je ne m’adresse pas aux soi-disant élites quand j’écris. Mais aux gens comme moi, qui n’ont peut-être pas eu ma chance. S’ils s’y retrouvent, tant mieux. Je fais souvent des séances de dédicace où je constate qu’ils ont envie qu’on parle en leur nom. C’est souvent gênant, parce que je ne suis pas aussi bien qu’ils le croient… Ce n’est pas parce que tu es connu que tu n’es plus un citoyen lambda. Je suis comme les autres. La seule différence, c’est que j’ai la chance de faire un métier qui me passionne et de gagner ma vie avec. Je ne me lève pas à 6 heures du mat’ pour faire deux heures de transport et gagner à peine de quoi survivre… Je ne suis pas démago en disant ça : je suis et resterai de ce côté-là. Du côté des exploités, quoi. Du milieu d’où je viens… Moi aussi je m’inquiète pour mes enfants. L’avenir, c’est eux.

Tout au long de votre récit, vous évoquez 
Jack London, auteur de Martin Eden… 
En quoi vous inspire-t-il ?

martin eden-jack london.jpgRichard Bohringer. C’est sa manière de transcrire l’émotion et la vie. Je crois qu’il y a la littérature américaine avant Jack London et après… Je sais bien que je n’aurai jamais son génie, mais c’est lui qui m’a autorisé à écrire. Je n’ai pas été longtemps à l’école, mais comme Martin Eden, j’ai commencé en autodidacte. Et n’oublions pas que c’est un témoin socialiste de son époque. Les communistes lisaient tous Jack London… Les jeunes gens un peu trop mous à l’intérieur, à mon goût, en France, devraient lire. Martin Eden, c’est un livre de conquête, c’est un chef-d’œuvre orgueilleux, sur la résistance d’un homme au destin aventureux. London était une sorte de génie… Le jour où je me suis rendu compte que je n’avais que du talent, j’ai été soulagé finalement, tout est devenu plus simple. À mes débuts, j’étais dans l’attente du génie. Mes amis d’alors me disaient que j’avais quelque chose, du swing dans mes mots : j’y ai cru, alors j’ai écrit, du théâtre… Je sais que je n’écrirai pas de chef-d’œuvre, mais j’écris.

À quel âge avez-vous commencé ?

Richard Bohringer. À vingt ans… Zorglub et les girafes, ma pièce de théâtre, a été joué très tôt, en 1966. J’ai commencé à écrire comme un musicien de jazz improvise. Sans plan. Je me laisse inspirer par l’actualité. Ma phrase devait bien sonner. Après, je me suis intéressé à la syntaxe, à la grammaire, etc. J’écrivais mes phrases comme des solos de be-bop, ou des riffs de guitare de blues. Je viens du be-bop. L’époque des beatniks… J’aime les mots pour leur beauté et leur sonorité.

Que faites-vous en ce moment ? On vous voit moins au cinéma…

Richard Bohringer. Je cherche mes racines… Je réapprends le créole, par exemple. Je suis en train de découvrir des zones mystérieuses dans mon passé, ma généalogie. Ma grand-mère me disait que j’avais du sang maure ! Arabish, elle disait. Ce qui expliquerait pourquoi je suis tellement attiré par l’Afrique et La Réunion, où je suis tout le temps fourré, malgré toutes les complications que cela implique… Ils ont été tellement trahis, exploités, là-bas, qu’il faut savoir se faire accepter avec patience. Il y a un énorme décalage entre l’Occident et l’Afrique. Sinon, j’écris, vous voyez, et je continue à chanter, en tournée, seul, a cappella, tradition orale, je parle, comme un griot… blanc ! Je fais des lectures, je dédicace mes livres, et j’ai un beau projet pour la rentrée au cinéma. Le premier film d’une actrice qui s’appelle Hélène Vaissière, avec Laetitia Casta et Benoît Poelvoorde. Je serai le mari de la sublime Laetitia Casta. Je suis heureux de la façon dont ça s’est décidé… dans la joie : un beau cadeau.

Vous évoquez le bar du Bout du monde, 
et les amis qui vous manquent : 
Philippe Léotard, Roland Blanche, 
Bernard-Pierre Donnadieu et Bernard Giraudeau, qui viennent de nous quitter. L’amitié tient une grande place dans votre vie...

Richard Bohringer. Oui, mais pas forcément au bistrot, comme certains semblent encore le croire… Je ne bois plus depuis plus de dix ans ! Tous ces mecs m’ont appris beaucoup de choses. Comme dans les bars, d’ailleurs… Le type du bout du zinc qui vous parle enfin, après des jours et des jours de silence face à un verre : c’est le destin d’un homme qui est comme un présent somptueux. Il se lâche dans l’ivresse et tu découvres que c’est l’amour, la mort, la vie qui a fait que… Je ne le cite pas, mais j’ai souvent fait la fête avec Belmondo ! Il m’appelait le « fils de Levigan ». C’était l’époque de Blondin, l’Humeur vagabonde, les verres de contact… Jean-Paul était le casting parfait pour Un singe en hiver ! C’était un poète, il partait en ivresse, il était drôle, sympa, une crème. Un homme bon et modeste. Il était temps que le Festival de Cannes lui rende hommage. Jean-Paul, c’est pas « mon cul sur la commode », n’oublions pas que c’est non seulement À bout de souffle, mais aussi Léon Morin, prêtre, Pierrot le Fou, etc.

Dans votre livre, John dit qu’il a flingué 
sa carrière tout seul… Comme il est votre double, c’est ce que vous pensez de la vôtre ?

Richard Bohringer. Oui. J’ai ma part de responsabilité. L’époque a changé. Ce ne sont plus les mêmes à la tête des boîtes de production : on m’a mis l’étiquette d’ingérable, caractériel, comme Bernard-Pierre Donnadieu, qui était un acteur formidable, un homme intègre. J’ai arrêté de boire parce que c’était mauvais pour ma santé mentale. Cette belle fleur vénéneuse complote avec la folie… Sur les plateaux de ciné, lorsque j’étais au cul du camion, c’était pas seulement pour boire des pastis avec les machinos, c’était parce que je viens de là et que leur avis sur mon jeu était parfois plus pertinent que celui du réalisateur, qui ne savait pas ce qu’il voulait. Je reconnais que c’était pas fastoche de tourner avec moi à une certaine époque, mais quand tu vois un réalisateur ne sait pas où mettre sa caméra, que tu ne seras pas dirigé parce que tu vois dans son œil une fragilité de gallinacé, eh bien ça ne se passe pas bien. Pas de problème avec Peter Greenaway, alors que le tournage était difficile.

Vous avez vraiment la double nationalité 
franco-sénégalaise ?

Richard Bohringer. Je ne suis jamais allé chercher les papiers… J’ai fait ça pour le geste symbolique : une main blanche dans une main noire pour la vie ! Respect et style… Plus mon immense admiration pour le continent africain. Quand tu descends vers l’empire du Mali… La Terranga du Sénégal, c’est fort, mythique, mystique : le berger peul, il est à la verticale du prophète, sous le soleil, avec ses bêtes… Ses uniques compagnons, avec Dieu. Sous 45° de soleil le jour et – 2 la nuit… Va lui parler d’autre chose que de son Dieu ! Mais, là-bas, si tu ne veux pas prier, tu ne pries pas… Personne ne va te faire ch… Tu veux prier, tu pries, personne te fera ch… Je ne dis pas que c’est le paradis, mais l’Afrique c’est prenant. J’y vais par période.

Vous avez eu aussi 
votre période réunionnaise…

Richard Bohringer. Oui, une île très marquée politiquement par le Parti communiste. J’y ai chanté avec le groupe Zizkakan et mon ami Gilbert Pounia, là-bas… La moitié de la population de l’île est au RMI, faut pas l’oublier. Les niches communistes y restent rayonnantes. C’est toujours agréable de partager une mangeaille avec des communistes… Je suis parfois allé déjeuner au siège de l’Huma, à Saint-Denis. Je le lis de temps en temps… Les communistes ont une lumière dans l’œil que les autres non pas, comme à la Fête de l’Humanité, où je ne suis pas retourné depuis longtemps. C’est l’utopie qui est intéressante.

Comment John – vous-même – 
s’est-il mis à la politique ?

Richard Bohringer. Rhhaaaa, il sait bien qu’il ne s’est pas assez engagé, John… Il s’est perdu dans sa tourmente romanesque. C’est sur le tard qu’il se rend compte qu’il a toujours été de ce côté-là, mais il n’a pas laissé fleurir ses velléités révolutionnaires. Moi-même, je n’ai jamais milité mais j’ai eu de nombreux amis communistes. En ce moment, on ne sait plus où on en est.

Que pense le citoyen 
de la future élection présidentielle ?

Richard Bohringer. Je crains surtout le rassemblement de la droite. Parti comme c’est parti, la gauche est mal barrée… Mélenchon et le Front de gauche m’intéressent. S’ils font un gros pack d’avants, comme au rugby, on a des chances… Il faut que la vraie gauche réexiste. Que ce soit un poids que la gauche socialo-écologiste soit obligée de prendre en compte. Les écolos recommencent à dérailler. Moi j’aime bien la manière franche et claire du parler de Daniel Cohn-Bendit. On comprend ce qu’il dit. De toute façon, je voterai à gauche et je dis qu’il n’y a pas de vote inutile… Je me refuse à l’abstention. C’est à nous de régler nos comptes. J’attends que ce soit un peu plus clair…

Biographie express

Né en janvier 1942 (soixante-neuf ans), à Moulins, Richard Bohringer est comédien. Son mentor 
fut Antoine Blondin, auteur de l’Humeur vagabonde. César du meilleur acteur pour son rôle dans 
le Grand Chemin (1984), il reçoit le césar du second 
rôle pour l’Addition (1985). À ce jour, il a joué dans 
120 films et 50 téléfilms. Son livre, C’est beau 
une ville la nuit (1988) a été un best-seller et se vend encore. Il a publié depuis le Bord intime des rivières (1994), l’Ultime Conviction du désir (2005), Carnets 
du Sénégal (2007), Bouts lambeaux (2008). 
ll a également publié chez Flammarion : Zorglub et les Girafes (2009) et Traîne pas sous la pluie (2010). Puis les Nouveaux Contes de la cité perdue, qui s’est déjà vendu à 10 000 exemplaires.

Entretien réalisé par Guillaume Chérel pour l'Humanité

 

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25/02/2011

André Chassaigne : « Le Front de Gauche doit être dans une radicalité utile »

Par Thibault Leroy, pour Témoignage Chrétien

chasagne.jpg ENTRETIEN - Député communiste du Puy-de Dôme, conseiller régional d'Auvergne, André Chassaigne est candidat à l'investiture du Front de Gauche pour la présidentielle. Il évoque son concurrent, Jean-Luc Mélenchon, et les stratégies pour les prochaines élections.

TC : Comment définissez-vous la singularité de votre candidature à gauche ?

André Chassaigne  : J'ai une approche locale, rurale. Mais il ne s'agit pas uniquement des campagnes françaises, ce sont aussi les campagnes du monde qui sont en jeu. Le fait de vouloir chez nous une agriculture paysanne, c'est pour avoir des aliments de qualité, développer une consommation de proximité, et créer de l'emploi tout en répondant aux besoins de la population.

Par ce biais, on bloque le développement de l'agro-business, qui s'appuie sur des productions venant des pays du Sud en y favorisant la monoculture, dirigée vers l'exportation, ce qui a des conséquences terribles. La sauvegarde de la biodiversité est en jeu. Ce sont des attaques contre les espaces naturels, comme la forêt amazonienne. Ce sont aussi des menaces contre des communautés villageoises. Et, en même temps, la disparition d'une agriculture vivrière.

Il y a une complémentarité entre les intérêts des paysans d'Europe et ceux des paysans des pays du Sud. Il faut donc très nettement s'inscrire dans une politique de rupture du système : si on ne s'y inscrit pas, on développe une forme d'illusion écologique qui n'est faite que pour exonérer les véritables responsables de ce qu'ils provoquent sur la planète.

C'est ce que j'essaie de développer dans l'ouvrage que j'ai écrit (1). J'y ai traduit mes contributions, mes réflexions, pour être un passeur entre les questions écologiques et les questions sociales.

TC : Quelles sont les mesures emblématiques qui devraient être défendues par le Front de gauche ?

Le Front de Gauche doit être dans la rupture avec le capitalisme. Nous défendons un meilleur partage des richesses, qui s'impose pour que cesse le scandale du si grand écart entre ceux qui vivent dans l’opulence et ceux qui vivent dans les pires difficultés.

Les députés du Parti communiste et ceux du Parti de gauche ont déposé plusieurs propositions de lois, pour la taxation des transactions financières, mais aussi la limitation des écarts de revenus de 1 à 20 (déposée en 2010) avec des mesures fiscales extrêmement fortes contre les privilégiés de ce pays. Par voie de conséquence, nous voulons donner plus à ceux qui ont le moins : augmenter les salaires et les minima sociaux.

La deuxième mesure consiste à avoir une prise sur le développement par les finances. On doit créer un pôle financier public, autour de plusieurs banques liées à l'Etat. Des banques coopératives par exemple. Cela nous permettrait d'avoir un levier pour développer l'économie par des crédits sélectifs (sur un critère environnemental ou social).

Si on n'a pas ce levier, on laissera les financiers et les banques faire ce qu'ils veulent, c'est à dire servir l'intérêt de quelques-uns aux dépens du plus grand nombre.

Le Front de gauche rassemble le Parti communiste et le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon. Êtes vous pour une ouverture à d'autres partis ? 

Oui. Un rassemblement peut se faire sur des orientations qui peuvent être partagées. Si le Front de Gauche est une citadelle isolée, on ne réussira pas l'enjeu du rassemblement du plus grand nombre, nécessaire pour créer une dynamique et un rapport de force. Mais je ne suis pas un partisan des accords de sommets. Le rassemblement se créé aussi sur les territoires.

J'ai constaté dans mes sorties récentes dans plusieurs départements que des candidats du Front de Gauche, dans la perspective des cantonales, ont des démarches communes avec des militants du NPA, d'Europe écologie et avec des candidats qui ne sont dans aucune organisation : des militants syndicaux, associatifs, ou de simples citoyens.

Je ne suis pas sur l'idée d'une autre gauche protestataire qui considère que l'adversaire est aussi bien la droite de Nicolas Sarkozy que les socialistes, qui seraient vendus au capitalisme et qui porteraient tous les maux du monde. La stratégie du Front de Gauche ne doit pas consister à creuser une tranchée et arroser tout ce qui présente. Elle doit au contraire consister à faire avancer des propositions.

Il suffit de regarder la situation autour de nous : des personnes en grande difficulté, des parents qui ont l'angoisse du lendemain pour leurs enfants, des petites entreprises qui veulent se développer mais ne trouvent pas les financements, des territoires qui souffrent des suppressions des services publics. Il y a urgence ! Nous devons suivre une forme de radicalité utile, qui doit porter la colère des populations et améliorer concrètement leur vie.

TC : Dans le cas d'une victoire de la gauche à la présidentielle, vous êtes donc favorable à une participation au gouvernement avec les socialistes et les écologistes ?

Je ne prononce pas de rejet a priori, mais je ne suis en aucun cas pour une participation mécanique. Est-ce-que participer peut permettre de faire avancer les orientations politiques que l'on porte ? J'espère que le PS fera le choix, pour que ce soit toute la gauche qui l'emporte, d'un candidat très nettement attaché à la transformation sociale et pas à l'accompagnement du libéralisme. La victoire de la gauche dépendra surtout du contenu qui sera mis en avant.

TC : La stratégie du Front de gauche ne signifie-t-elle pas un effacement progressif du PCF ?

Je ne suis pas favorable à l'effacement du Parti communiste. Là où les partis révolutionnaires, comme les partis communistes, ont pu se délayer dans des organisations pouvant laisser penser que ça allait faciliter l'élargissement, cela a parfois abouti à une disparition de la gauche, comme en Italie.

Le rassemblement peut se faire avec plusieurs organisations, qui ont leur façon d’être, leur histoire, leur culture, leur approche. Il se fait dans le respect des structures et des individus qui rejoignent ce rassemblement dans des actions communes. Il faut être attentif à ce que ce ne soit pas le parti le plus important qui impose ses vues, ayant autour de lui des nébuleuses ou des compagnons de route.

TC : N'est-ce pas une contrainte que les médias vous soient fermés, alors même que M. Mélenchon y est régulièrement invité ?

C'est une contrainte, et une révélation pour moi d'une nouvelle conception de la politique, avec la place importante des médias. Je laboure le terrain, je fais avancer mes idées, sans avoir le relais que d'autres peuvent avoir.

Tous les autres candidats à la candidature, comme les socialistes qui se présentent aux primaires, ont les plateaux de télé ouverts, les émissions de radio de grande écoute... Je n'arrive pas à émerger de cette façon. Ce sont des choix faits par le système : c'est tout le problème de la démocratie politique dans ce pays.

Du côté du Parti de Gauche, il y a un candidat qui mène très bien sa campagne, qui est dans les médias parce qu'il fait monter l'audimat et fait vendre du papier, et qui porte un discours avec des valeurs fortes dans lesquelles les populations se reconnaissent. Mon discours est différent, plus nuancé : je travaille les idées sur le terrain, sans en rester aux grands slogans. C'est important parce qu'au moment du vote, tout ce qui est artificiel sera balayé.

Il faut faire comprendre que le Front de gauche s'appuie sur des orientations politiques. Si c'est Jean-Luc Mélenchon qui est retenu, je le soutiendrai : je ne suis pas dans une aventure personnelle.


(1) Pour une Terre commune, Arcane 17, 2010.


Politiques à la Ferme
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30/01/2011

Claude Onesta. « Face à la fatalité, seules les utopies changeront le monde »

 

Onesta, Hand Ball, champion du mondeEntraîneur charismatique de l’équipe de France de handball, Claude Onesta est aussi un homme de gauche. À l’occasion du Mondial en Suède, que les Bleus débutent ce soir face à la Tunisie, il revient sur son parcours. Et ses idées.

Aux commandes de l’équipe de France de handball depuis 2002, Claude Onesta a failli être remercié plusieurs fois avant de devenir l’entraîneur français le plus titré dans un sport collectif, avec quatre titres majeurs (Euro 2006 et 2010, JO 2008 et Mondial 2009). Issu d’une famille communiste ayant fui l’Italie de Mussolini, le sectionneur est aussi un citoyen qui ne mâche pas ses mots.

Que vous inspire votre parcours 
à la tête des Bleus ?

Claude Onesta. À ma nomination, j’ai ressenti une grande fierté et une grande responsabilité. Longtemps, je me suis posé la question de ma capacité à être utile. L’équipe de France s’était positionnée sur le devant de la scène et je savais qu’on ne demeure pas dans ce métier sans résultat. Mais ce dont je suis le plus fier, c’est d’avoir réussi en restant fidèle à l’idée que je me fais du rôle d’entraîneur et d’éducateur.

Vous avez dû attendre cinq ans avant de remporter votre premier titre (Euro 2006). Avez-vous douté ?

Claude Onesta. Oui. Heureusement, il y a eu ces podiums venus valider le travail accompli (bronze aux Mondiaux 2003 et 2005). Mais la vraie souffrance, ce sont les JO d’Athènes, en 2004. Avec le recul, je me rends compte qu’on s’était autopersuadés que nous étions parmi les favoris, ce qui n’était pas vrai. On chute contre la Russie en quart de finale, alors qu’on restait sur cinq victoires d’affilée. Cela a été un véritable traumatisme car les JO sont un investissement majeur, le groupe vit ensemble durant deux mois…

Sans la médaille de bronze 
au Mondial 2005, ne croyez-vous pas que l’équipe de France aurait 
implosé et que son destin, ainsi que le vôtre, aurait été bien différent ?

Claude Onesta. Tout à fait. On voit bien, quand commence ce Mondial, que l’équipe est encore convalescente. D’emblée, on perd contre la Grèce, puis on réalise un nul contre la Tunisie. Il ne nous reste alors plus qu’un match face aux Danois, et on sait que celui qui le perdra rentrera chez lui. Ce match est celui de la vie ou de la mort. Si on ne l’avait pas remporté, je pense que mon aventure de sélectionneur se serait arrêtée là et cela m’aurait paru normal qu’on demande ma tête.

Comment vivez-vous ce premier 
titre en 2006 ?

Claude Onesta. C’est une délivrance. Ce titre est celui qui m’a provoqué le plus de plaisir immédiat et d’apaisement. Tout d’un coup tu vois défiler ta vie, tes parents, tes premiers entraîneurs… J’étais en lévitation.

C’est quoi la méthode Onesta ?

Claude Onesta. Je délègue beaucoup à des collaborateurs autonomes et créatifs, choisis pour leurs compétences et à qui je laisse une entière liberté. Chacun amène ses idées et j’arbitre. Et c’est pareil pour les joueurs. L’idée, c’était de passer du jeu de l’entraîneur à celui de l’équipe. On a beaucoup discuté avec les joueurs. Je suis devenu un chef d’orchestre qui doit faire jouer des virtuoses tout en dosant leur part de liberté. Si on leur en laisse trop, ou pas assez, on n’arrive pas à l’harmonie.

Votre famille a fui l’Italie 
de Mussolini. Racontez-nous…

Onesta, Hand Ball, champion du mondeClaude Onesta. Je suis issu d’une famille de communistes qui ont quitté l’Italie des années 1930, direction le Brésil. Après avoir trimé trois ans dans les champs de café, ils sont revenus en Europe. Une partie de la famille s’est installée dans l’Est pour travailler dans la sidérurgie, et l’autre, la mienne, du côté d’Albi, où il y avait du travail dans les usines. Mon père était syndicaliste cégétiste, il était de toutes les manifs. Je l’ai même vu prendre le fusil pour aller garder la bourse du travail à Toulouse ! Chez nous, il n’y avait pas de crucifix mais les portraits de Lénine et du Che. Parfois, j’ai trouvé excessifs certains comportements et je me suis accroché avec mon père sur le stalinisme. Mais ce combat dans l’intérêt du plus grand nombre et des plus faibles m’a toujours semblé indispensable. Aujourd’hui, je continue à être un homme de gauche, même si je me demande parfois où elle est et qui la représente.

Quel regard portez-vous 
sur la société actuelle ?

Claude Onesta. Ce qui m’agace, c’est le cynisme du capitalisme financier. On nous vend ça comme une fatalité, et le fait qu’il y ait de plus en plus de richesses et qu’elles soient de moins en moins réparties me rend de plus en plus utopiste. Les utopies sont ce qui a permis au monde de changer. Qui aurait dit qu’en France la Bastille serait prise et le roi décapité ?

Vous prônez la révolution ?

Claude Onesta. Non, mais je dis qu’il n’y a pas de fatalité. L’Amérique du Sud s’est défaite de la mainmise des États-Unis. Qui aurait dit, il y a trente ans, que tous ces pays seraient gouvernés par la gauche ? Quand je vois que des gens dans le besoin se nourrissent grâce à un amuseur public et qu’on finit par trouver ça normal… Aujourd’hui, ce sont les associations qui font le travail de l’État. On ne nous parle plus que de diminuer la dette publique, et maintenant il faudrait que l’éducation soit rentable, on croit rêver.

Alors qu’un service public, par définition, n’a pas à être rentable…

Claude Onesta. Et bien sûr que non ! Et c’est justement parce qu’on investit dans l’éducation qu’on mise sur l’avenir. On a vu que les financiers ont failli tout faire péter, et un an après ils ont déjà remboursé tout l’argent prêté et ils recommencent…

Comment l’entraîneur a vécu le débat sur l’identité nationale étant donné la diversité de l’équipe de France 
de handball ?

Claude Onesta. Ce débat traduit le comportement de gens qui, devant la difficulté, se contractent et se protègent. La force du sport français et de la société française, c’est son métissage. Il faut se servir de cette richesse qu’est la diversité. Quand on essaie de nous dire qu’il y a des gens qui sont plus français que d’autres et que c’est en foutant tous les autres dehors que ça va arranger les choses… C’est une illusion de croire qu’en rejetant l’autre on va se protéger et vivre mieux. C’est de la science-fiction. ça n’a pas de sens, et c’est imbécile.

Entretien réalisé par 
Nicolas Guillermin pour l'Humanité

20:12 Publié dans Entretiens, Sport | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : onesta, hand ball, champion du monde | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

07/11/2010

Hyperaustérité et graves atteintes à la démocratie

L’Interview paru le  30 octobre 2010 dans l’Humanité

francis-wurtz.jpgFrancis Wurtz, député honoraire du Parlement européen, a conduit la bataille contre le traité constitutionnel en 2005.

Que pensez-vous de la décision du Conseil de faire modifier le traité de Lisbonne pour pérenniser le Fonds de stabilisation ?

Francis Wurtz. Quand nous avons dit «non» au traité constitutionnel en 2005, dont celui de Lisbonne est un avatar, nous avions signalé que ce traité interdisait à un État membre de l’UE ou à la Banque centrale européenne (BCE) de venir en aide à un autre État en difficulté. Donc, a priori, on ne va pas se plaindre que cet article soit éventuellement supprimé. Le problème, c’est que le Fonds de stabilisation, ce n’est pas de la solidarité ! Dans le cas de la Grèce, par exemple, l’UE a imposé des conditions draconiennes à ce pays et, pire, certains États, comme la France, ont gagné de l’argent sur le dos du peuple grec !

Quelles sont les autres conséquences ?

Francis Wurtz. Elles sont graves. L’Allemagne n’a accepté la pérennisation de ce Fonds de stabilisation qu’à la condition d’un durcissement des sanctions contre tout État contrevenant à la discipline budgétaire et d’un renforcement du pacte de stabilité. Pour la France, dans l’avenir, en cas de déficit public jugé excessif, la sanction financière pourrait atteindre 10 milliards d’euros. Quant au renforcement du pacte de stabilité, il implique que les budgets nationaux soient soumis au contrôle de la Commission européenne préalablement à leur examen par les Parlements nationaux. Il s’agit là d’une politique d’hyperaustérité et d’une atteinte très grave à la démocratie.

 Pourquoi en est-on arrivé là ?

Francis Wurtz. La question est que l’UE n’a tiré aucune leçon de la crise financière. Elle aggrave encore la soumission des États membres aux exigences des marchés. Cette politique a été décidée au moment même où l’Europe est le théâtre de puissantes manifestations contre les politiques actuelles. Les dirigeants européens restent sourds à cette désaffection massive des peuples. Et ce au risque d’encourager le populisme.

Que peut-on faire ?

Francis Wurtz. D’abord, faire converger les actions se déroulant sous différentes formes en Europe contre le démantèlement systématique du modèle social européen. Il faut s’unir à l’échelle européenne contre cette hyperaustérité, les attaques contre les retraites, les services publics, la fermeture des entreprises… Ensuite, mener en même temps un débat partout en Europe sur les causes de cette crise, sur l’extrême dépendance à l’égard des marchés financiers, et montrer qu’on peut s’en émanciper, de sorte à créer les conditions d’une appropriation par les citoyens des vrais enjeux européens. Et aussi aider ces citoyens à faire le lien entre leur difficile quotidien et les orientations néolibérales concoctées par les dirigeants de l’UE. En troisième lieu, il s’agit de faire grandir les alternatives à cette orientation néolibérale en mettant la question sociale et sociétale au cœur du projet européen. En France, par exemple, le PCF préconise une autre mission pour la BCE : racheter les titres publics (la dette publique) à un taux bas ou nul, pour que l’argent puisse être utilisé pour favoriser l’emploi, la création des richesses, les services publics. Autrement dit, nous proposons aussi que la BCE finance des crédits dans des conditions différentes selon qu’il s’agit d’investissements créateurs d’emplois ou destinés à la spéculation. Dans le premier cas, les conditions d’accès au crédit devront être très favorables, dans le second cas, très dissuasives. En conclusion, je pense que, pour soutenir un tel changement, il existe en Europe une aspiration majoritaire. C’est l’un des points qui seront discutés lors du congrès du Parti de la gauche européenne qui se tiendra à Paris au mois de décembre.

Entretien réalisé par Hassane Zerrouky

17:44 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : europe, francis wurtz | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!