Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05/07/2019

Économie. « Sur les épaules de Marx », pour comprendre le capitalisme sur son écran

marx mon oeil.jpgUn groupe de jeunes militants communistes réalise et diffuse sur Internet des vidéos qui décryptent l’actualité à travers la grille d’analyse marxiste. Après une première saison encourageante, la deuxième sort le 7 juillet.

Des tampons hygiéniques représentant « les richesses créées par les travailleurs » transitent dans des bols sur lesquels on peut lire « profits », « salaires », « cotisations » ou « impôts ». La vidéo YouTube de la série « Sur les épaules de Marx », intitulée « Cachez ce brut que je ne saurais voir », s’efforce de vulgariser au maximum la répartition des richesses et de démystifier l’augmentation du Smic promise en décembre 2018 par Emmanuel Macron. En ligne depuis près de quatre mois, l’épisode a depuis rencontré un petit succès, ouvrant la voie à une saison 2 promise pour le 7 juillet.

« On s’est dit qu’il fallait essayer de démonter la supercherie »

« La ruse, c’est de retirer des tampons du bol “cotisations” pour les mettre dans celui du salaire net, mais aussi dans celui des profits », y racontent Léon et Thallia, tous deux assis sur un canapé dans un salon modeste où l’on aperçoit un volume du Capital de Karl Marx dans une bibliothèque et un portrait du ministre communiste Ambroise Croizat au mur. Comment ces deux jeunes professeurs de sciences économiques et sociales en lycée se sont-ils retrouvés là ? Pour le comprendre, il faut remonter aux derniers jours de l’année passée.

Acculé par une mobilisation des gilets jaunes qui prend à ce moment-là une ampleur grandissante, le président de la République annonce plusieurs mesures lors d’une allocution télévisée. Ce 10 décembre 2018, il proclame : « Le salaire d’un travailleur au Smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019 sans qu’il en coûte un euro de plus pour l’employeur. » Ce qui fait bondir Fanny, une statisticienne de 27 ans, par ailleurs militante du Parti communiste français. « Quand on a entendu ça, avec des amis, on s’est dit qu’il fallait essayer de démonter la supercherie. » Car, si la nouvelle peut séduire à première vue, le fait d’augmenter les salaires sans mettre à contribution le patronat sent l’entourloupe. À ce moment-là, sur les ronds-points et dans les rues, gilets jaunes et chasubles rouges ne sont pas dupes, mais la démonstration est loin d’être partagée massivement.

Après discussions, les trois amis décident de réaliser des vidéos sur leur temps libre, via une chaîne YouTube, le site hébergeur de vidéos le plus consulté de France. « Nous voulions qu’elles répondent à deux critères, précise Fanny. Qu’elles soient courtes pour être regardées entièrement, et qu’elles parlent de ce qui se passe autour de nous. De nos vies. » Un vrai défi, car l’analyse marxiste, par essence systémique, conduit à ne laisser de côté aucun champ d’étude. « Il faut que le propos aille à l’essentiel et on doit accepter de ne pas tout dire. C’est un bon exercice ! » sourit la jeune femme.

Si l’on en juge par le visionnage des premières vidéos, le pari semble réussi puisque aucune n’excède six minutes. Une prouesse qui n’existerait pas sans les savoir-faire de Benjamin et Lucas à la caméra et au montage. Dans les quartiers où ils vivent et militent, les jeunes vidéastes font face au besoin grandissant de comprendre ce qui se passe, « car les gens se rendent compte que le système économique dans lequel nous sommes est dans l’impasse ».

« Démystifier le réel pour apporter des clés de compréhension »

Alors, à travers ces vidéos, ils ambitionnent de donner « des outils de compréhension » et « des perspectives de lutte ». Mais, pour y parvenir, il faut une méthode rigoureuse. « Par exemple, pour construire la vidéo sur le chômage de la saison à venir, nous avons décrypté plusieurs types de politiques en différentes séquences. On construit ensuite un scénario en s’appuyant sur des données statistiques. » D’où la liste exhaustive des sources dans les informations inscrites sous la vidéo. « Évidemment, ça prend un peu de temps », fait remarquer Fanny. « Notre but, c’est de démystifier le réel pour apporter des clés de compréhension, pas de démystifier le réel pour créer de la confusion », précise-t-elle.

Comme une manière de se différencier de nombreuses chaînes YouTube, qui, du révisionnisme aux théories du complot, cherchent à manipuler les esprits en dévoyant la réalité. Depuis le premier épisode en janvier, « Sur les épaules de Marx » voit son audience s’accroître progressivement pour atteindre le millier de vues et presque autant d’abonnements. À titre de comparaison, les vidéos traitant d’économie et mises en ligne par le quotidien libéral l’Opinion plafonnent à 150 vues sur YouTube. Et ce, alors même qu’elles sont plus courtes et que les moyens dont dispose ce journal dépassent largement ceux des auteurs de la jeune chaîne d’éducation populaire.

Encouragée par des internautes, l’équipe de vidéastes marxistes fait aussi l’objet de l’attention croissante d’économistes, tels que Denis Durand. « Ces vidéos sont une excellente initiative, d’autant que cela permet d’entrer en résonance avec des alternatives », juge le codirecteur de la revue Économie et politique. Et d’ajouter que ces clips peuvent être une réponse aux « leçons de morale que l’idéologie néolibérale assène aux salariés ». « Nous préparons déjà la saison 3, sur l’entreprise et les grands groupes », dévoile Fanny.

De quoi donner des armes pour démêler et défaire la toile capitaliste. Même si, pour Denis Durand, « on comprendra mieux le capitalisme le jour où on l’aura remplacé par un autre système ».

11:52 Publié dans Economie, Point de vue, Pour les nuls | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : economie, marx, vidéos | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

05/06/2019

RECIT DU FIEF DE MARINE LE PEN A HENIN BEAUMONT : MENACES, INJURES, INTOX

henin beaumont.jpgMenaces, injures, intox : 120 jours à Hénin-Beaumont, le récit de Claire Audhuy !

De janvier à mai 2017, Claire Audhuy a vécu à Hénin-Beaumont, une ville du Pas-de-Calais gouvernée par le Rassemblement National. Dans le spectacle né de cette expérience, elle relate le quotidien d’une gouvernance violente, des intimidations, fake news et de la censure. Stand-up drôle et grinçant, 120 jours à Hénin-Beaumont propose une étrange alchimie entre l’indignation et le rire devant l’absurde. Pour Rue89 Strasbourg, Claire Audhuy revient sur cette la genèse de ce spectacle.

Rue89 Strasbourg : Comment une artiste strasbourgeoise s’est retrouvée à Hénin-Beaumont, dans le nord de la France ?

Claire Audhuy : « Nous étions jeunes quand nous avons créé Rodéo d’âme. Nous sommes une association, comme la plupart des compagnies de théâtre. Notre spécificité c’est l’écriture du réel, et puis nous éditons. Ce sont des textes sur des sujets engagés et actuels. Ce n’est pas facile de trouver un éditeur qui vous suive quand on parle de la Shoah, du conflit israélo-palestinien, de l’Algérie, de la prison, même du Front National comme ici.

J’ai répondu à un appel à résidence, lancé notamment par l’agglomération d’Hénin-Carvin, et soutenu par plusieurs ministères dont celui de l’Éducation. Ils cherchaient un auteur pour quatre mois à Hénin-Beaumont, de janvier à mai 2017, c’est-à-dire pile pendant la période des élections présidentielles 2017. Et comme Hénin-Beaumont a été choisi comme le nouveau fief du Front National, c’est là que Marine Le Pen se met en scène.

Ce spectacle, c’est un récit d’expérience. On pourrait dire que c’est une conférence gesticulée. Ma particularité c’est de travailler en immersion, pour vivre, ressentir et partager le quotidien des gens. On peut rapprocher ça du théâtre documentaire. D’habitude nous ne sommes pas reconnus comme faisant de l’humour, nos sujets sont trop graves. Mais parfois nous cherchons le rire pour faire entendre une parole inaudible. Nous travaillons avec mon mari, le journaliste Baptiste Cogitore. Il crée des documents photos et vidéos. Les autres documents ce sont tous les entretiens que je mène, les rencontres que je fais et les paroles que je peux retranscrire.

Le cœur de votre spectacle c’est le Steevy Show, une parodie du conseil municipal présidé par Steeve Briois, maire d’Hénin-beaumont, député européen et vice-président du Rassemblement National. Qu’est-ce que ces réunions ont de si spectaculaires et de si drôle ?

Quand je suis allé à son conseil municipal… non, ce n’est pas un conseil municipal : c’est une arène de cirque ou un numéro de claquettes. Il est capable de couper les micros des opposants quand ça lui chante. Les élus de l’opposition ne peuvent pas terminer leurs propos. Et s’ils ont la malheureuse idée d’achever quand même leur phrase, pour défendre leur position, le public, qui a été chauffé au préalable, hurle « ta gueule la poissonnière ».

Quand Steeve Briois adresse la parole à Marine Tondelier (élue Europe Écologie Les Verts), il est capable de dire « vous êtes un roquet de l’espèce hystérique ». Quand on parle d’Eugène Binaisse, ancien maire d’Hénin-Beaumont, on pourrait l’appeler monsieur Binaisse, ou monsieur le conseiller municipal, mais on l’appelle « le vieux qui pue la pisse ». Là, c’était lors d’une réunion préalable du conseil municipal… Il y a des procès tout le temps, et ça coûte très cher à Hénin-Beaumont. Ils ont essayé de porter plainte contre moi, deux fois . La première fois, c’était avec le motif « artiste non-neutre ».

Et c’est un motif valable pour porter plainte ?

Non. Le procureur a classé sans suite évidemment. La deuxième fois où ils ont essayé c’était pour « détournement d‘argent public ».

Sur quels faits ?

Ah mais non, là vous posez déjà trop de questions. Ce fut bien sûr classé sans suite, mais qu’est-ce qui se passe dans l’esprit des gens à Hénin-Beaumont ? Les gens en entendent parler, ça finit même dans le journal. Dans La Voix du Nord, on lit que le Front National porte plainte contre Claire Audhuy pour détournement d’argent public. Les parents de mes élèves à Hénin-Beaumont venaient me voir pour m’en parler. Je devais leur expliquer, mais les gens se méfient, il n’y a pas de fumée sans feu, etc.

« Quelle est la différence entre Marine Tondelier et une bière ? »

En plein milieu du conseil municipal, Bruno Bilde, l’adjoint au maire, interrompt les discussions pour raconter une blague. « Quelle est la différence entre Marine Tondelier et une bière ? La bière elle au moins est sûre de faire 3% ».

Là, vous avez oublié de rire. Dans le Steevy Show on ne sait pas s’il faut rire ou non, mais on rit de l’absurdité. Tenez, une autre blague de Bruno Bilde sur Facebook : « À quoi sert La Voix du Nord ? À se torcher et à faire un bon feu ».

Le Steevy Show c’est le moment où je donne à entendre comment Steeve Briois et son équipe parlent des gens. On distribue au public un trombinoscope et vous devez deviner de qui on parle, un peu comme Questions pour un champion. J’ai plein de personnages et si vous devinez juste, j’offre des cadeaux tricolores !

Cela fait deux ans que ce spectacle tourne, et il a été vu par des habitants d’Hénin-Beaumont. Comment ont-il réagi ?

Il n’y a pas de malentendu avec les habitants de Hénin-Beaumont. Quand j’y vais c’est tellement chaleureux et tellement convivial, je n’arrive pas à répondre à toutes les invitations. Par contre, c’est aussi délicat pour les habitants d’apprécier mes spectacles. Il y a une dame qui est venue me voir en mars quand je suis retourné à Hénin-Beaumont, et elle m’a dit “Je suis courageuse vous avez vu, je suis venue. Les deux dernières fois que je suis venue vous voir je suis arrivé en voiture et je suis repartie à pied.” La première fois elle s’était fait crever les pneus et la deuxième fois casser le pare-brise. Quand vous allez à un spectacle de Claire Audhuy, ça peut vous arriver. C’est arrivé plusieurs fois. Là, ils montrent les dents.

J’aime jouer nos spectacles notamment devant des jeunes, des lycéens, des collégiens. Ils n’ont pas choisi d’être là, ils viennent en groupe, avec l’école par exemple. Ce ne sont pas des adultes déjà convaincus. J’aime aller à la rencontre de gens qui ne viennent pas juste se gargariser. Rodéo d’âme veut créer un débat et brasser les cartes, et qui plus est pour la jeunesse en train de se forger son horizon.

« À Hénin-Beaumont, il n’y a pas un seul Français de souche »

Hénin-Beaumont, c’est le bassin minier. Pour les mines, on a appelé de la main d’œuvre des quatre coins de l’Europe et même d’Afrique. C’est un melting-pot, il y a 29 langues qui sont parlées. Les gens d’Hénin-Beaumont, il n’y en a pas un qui n’a pas un grand-père ou arrière-grand-père qui vient d’un autre pays. Ça, c’est la réalité du bassin minier : un brassage culturel énorme. Là il y a déjà un premier malentendu. Comment dans l’équipe du FN des gens peuvent-ils voter en toute amnésie pour une “ville sans migrants” alors que leurs propres grands-parents sont arrivés en tant que migrants ?

Les électeurs sont issus de ce brassage culturel. Il n’y a pas de “Français de souche”. Qui a créé cette expression et pour souligner quoi ? C’est juste pour faire se sentir certains moins français que d’autres. Ça n’a pas d’autre signification.

C’est étonnant que dans un tel contexte vous ayez été en mesure de faire une résidence d’artiste dans cette ville.

C’est la communauté de communes qui a choisi de me proposer la résidence, et comme Hénin-Beaumont est la plus grande des treize communes c’est là que je suis allée. Donc Steeve Briois n’avait pas le pouvoir de s’y opposer et il a dû en faire une jaunisse. Quand je suis arrivé, rapidement, le FN a appelé pour m’empêcher de travailler avec les écoles, les médiathèques, le théâtre et toutes les structures municipales.

Ce n’est jamais direct. Mais les gens s’auto-censurent par peur de se faire crever les pneus de leur bagnole. Tout ça, on l’a vécu. C’est de l’intimidation, mais personne ne sait qui fait cela, évidemment.

De telles violences sont étonnantes. Au niveau des forces de l’ordre à Hénin-Beaumont, y a-t-il une accointance avec la municipalité ?

Ah mais c’est extraordinaire, énorme. Au conseil municipal, il y a Robocop : un policier municipal vient siéger en uniforme. Je n’ai jamais eu de contrôle de police dans ma vie, sauf à Hénin-Beaumont. Plusieurs fois par jour. Alors je disais « Vous venez de me contrôler il y a cinq minutes ! » Et le policier disait « refus d’obtempérer ! »

« Quand je colle des affiches, je ne m’attarde pas dans le secteur… »

Ils m’arrêtent dans la rue tous les dix mètres. Ce n’est pas illégal, mais abusif. Il a des jours où je ne pouvais plus marcher. Le jour des élections présidentielles, ils m’ont accusé de vouloir « entraver le bon déroulé du vote de Marine Le Pen » parce que j’étais dans la rue à ce moment-là. Ils sont extraordinaires, mais ils sont aussi méchants. Je me suis faite suivre, mon courrier a été volé… Quand je colle mes. affiches à Hénin-Beaumont, je ne m’attarde pas dans le secteur. Et elles sont arrachées dans les 15-20 minutes

Je voulais faire tourner ma pièce “Les Migrantes” à Hénin-Beaumont, ce n’était pas possible. J’ai offert mon livre à la médiathèque mais ils ne l’ont pas mis dans leurs rayonnages, ou bien des mois après sa parution… J’ai bien vu que les habitants n’allaient pas pouvoir connaitre cette pièce de théâtre documentaire où je donne la parole à huit femmes exilées. Avec un ami graphiste, j’ai sélectionné des extraits et j’ai en ai fait des affiches que j’ai collées sur les panneaux d’affichage libre. Et elles étaient arrachées immédiatement.

« Ma commune sans migrants »

En octobre 2016, quelques mois avant mon arrivé donc, Steeve Briois venait de se fendre d’un texte intitulé « Ma commune sans migrants ». Une charte qui a été adoptée par la Ville. Faites appel à vos souvenirs. Une ville sans ou un monde meilleur sans quelqu’un, ça vous évoque quoi ? C’est donc un texte adopté à 29 voix sur 35 et moi j’arrive avec ma pièce Les Migrantes dans une commune sans migrants…

Quelles sont les pouvoirs que donnent de ce texte ?

C’est une charte qui permet tout. Par exemple, il y avait une association caritative depuis vingt ans qui donnait des vêtements et repas aux nécessiteux. Ils avaient un petit local mis à disposition à Hénin-Beaumont, comme pour la plupart des associations. La municipalité les a convoqués parce qu’ils ont distribué des repas et des vêtements sans demander les cartes d’identité des gens, donc ils ont potentiellement aidé des migrants. La mairie a donc décidé d’estimer le coût de la location du local à 200€ par mois, et leur a exigé un paiement rétroactif de 40 000€ pour les 20 dernières années. Ils ont rendu les clés deux jours après. Voilà comment, sous couvert de cette charte, la mairie peut expulser des associations caritatives qui aident les plus nécessiteux. On s’en fout que ce soient des Français ou non, pour donner de la soupe et des pulls !

Comment la population réagit à ces décisions de la municipalité ?

La population était très chaleureuse. Mais comme partout ailleurs c’est une petite ville qui se vide, les gens ne votent pas plus qu’ailleurs. Et il y a un battage médiatique. Le journal municipal est un tract pour le FN. Quand il y a eu les résultats des législatives, ils ont donné les résultats. Il y a eu le résultat de Marine Tondelier et ils ont indiqué qu’elle était candidate « EELV / La voix du Nord ». C’est pour faire croire qu’il y a des accointances entre les politiques et les journaux. Ils disent que, je cite : « les socialopes sont tous les amis des merdias et des journalchiasses ». Tout est fake news sur fake news. Ils ont fait venir Sophie Fessard au conseil municipal.

Je ne la connais pas…

C’est normal. C’est une soi-disant victime de l’attentat de Nice. Elle arrive en fauteuil roulant au conseil municipal, alors on pleurniche parce qu’elle est rescapée. Et juste après on débat de faire armer ou non les policiers municipaux. Vous vous doutez bien que l’extrême-droite est pour. L’opposition s’insurge et dénonce une manipulation par les émotions. Pourquoi une victime de Nice vient à Hénin-Beaumont parler des armes ? Sophie Fessard dit “si les policiers municipaux avaient été armés je serais debout et mon mari ne serait pas mort”. Mais cette personne n’est pas victime et elle n’est pas paraplégique. La Voix du Nord l’a découvert une semaine après. C’est le niveau de fake news qu’il sont capables de faire.

La bonne blague des « poux marocains »

Un matin, dans la cour de l’école, il n’est pas encore 8h, je croise des mamans qui discutent de la meilleure façon d’éliminer les poux. L’une parle de shampoing, l’autre dit qu’il faut raser directement les cheveux. Et une troisième maman les alerte : “Ça va être beaucoup plus compliqué les filles. Cette année c’est les fameux poux marocains, ils sont beaucoup plus coriaces…”

Quand Nicolas Bay (député européen RN) parle des réfugiés il dit “les prétendus réfugiés”. La presse est sous pression, l’opposition est humiliée, l’information est manipulée, c’est ça la réalité. Alors oui, avec le Steevie Show je me marre, sauf que tout est documenté et sourcé.

Avec toutes ces pressions, ces quatre mois de résidence ont dû être éprouvants.

Je suis allé au collège pour travailler avec des élèves, puisque qu’il ne dépend pas de la municipalité. On a préparé une pièce, « Bienvenue à Hénin-Beaumont », pour donner la parole à des élèves primo-arrivants et des élèves français du collège. Il y a eu tellement de pression sur le proviseur, des menaces et des coups de fil, qu’il a fallu censurer des passages entiers du texte.

Et si l’intimidation ne suffit pas, il reste la pression judiciaire. Un maximum de procès qui coûtent un maximum de pognon à la Ville, c’est la réalité. Hénin-Beaumont s’en sort parce qu’il y a plein de dotations de l’État, du Département, etc. Et ça sert notamment à payer tous les procès qu’ils intentent. Moi j’ai un avocat maintenant, qui a vu la pièce, qui relit mes livres…

Ils ont envoyé une lettre au procureur en disant « Claire Audhuy nous suit, elle était présente à la commémoration de la journée de la Déportation, à la commémoration de la fin de la guerre d’Algérie ». Des journées publiques, il faut le rappeler. J’ai reçu une lettre retraçant mes déplacements, pour me faire comprendre qu’ils savent ce que je fais, où je vais, avec qui je travaille… Mais je savais qu’ils m’avaient suivie, j’avais juste à me retourner.

C’est un climat de désinformation et de manipulation assez stupéfiant. Comment expliquez-vous l’existence de tels débordements et abus ?

À Hénin-Beaumont, vous voyez exactement comment ça peut se passer si le Rassemblement National gouvernait en France : il n’y a plus de liberté de la presse, il y a de l’humiliation, de la censure, les artistes sont muselés, les livres ne circulent pas. Oui, il y a des panneaux d’affichage libres à Hénin-Beaumont mais en quinze minutes, tu te fais recouvrir. Et si tu veux enlever leurs affiches, tu te fous des bouts de verre dans les doigts car ils mélangent du verre dans leur colle.

Une revanche sur les communistes

C’est leur ville modèle, la France entière les regarde, Marine Le Pen y vient. Pour eux c’est un symbole. Ils ont pris cette terre aux communistes et aux socialistes. Ils n’ont rien à faire à Hénin-Beaumont. Cette terre est à gauche, ce sont des frères qui étaient dans la mine. Pour le RN c’est une super vengeance. Ils font peur à tout le monde, ils mentent, ils manipulent. L’opposition politique n’en peut plus d’insultes et de diffamations.

Dans notre texte, il y a aussi tous les témoignages de primo-arrivants qui vivent à Hénin-Beaumont et ceux d’anciens mineurs. Avant le spectacle, je m’amuse à accueillir les gens avec ma tenue du Steevy Show, en bleu marine et avec des accessoires tricolores. Les gens chantent, applaudissent, jouent le jeu, se lèvent. C’est drôle, mais il y a de la conscientisation politique dans ce spectacle. On dénonce le populisme et la manipulation. On les dérange parce qu’on raconte. »

https://www.rue89strasbourg.com/menaces-injures-intox-120...

31/01/2019

Fabien Roussel : « Discréditer les partis et les syndicats c’est dangereux

Fabien Roussel la Croix.jpg

Le secrétaire national du PCF depuis trois mois, Fabien Roussel était l’invité de « Face aux Chrétiens » le jeudi 31 janvier, en partenariat avec La Croix, KTO, Radio Notre-Dame et RCF. Principaux extraits.

Discréditer les partis et les syndicats c’est dangereux

« Il va falloir que ce gouvernement entende ce qui se passe. Additionnons-nous, rassemblons-nous, il faut faire converger ces forces syndicales, ces forces politiques, ces associations qui portent les demandes de justice sociale et de justice fiscale. Quand il y a 50% d’abstention aux élections, cela veut dire que les gens ne croient plus que des gens puissent bien les représenter. C’est un grand danger pour la démocratie et ceux qui disent que les partis politiques et les syndicats ne servent à rien, que l’on pourrait tout résoudre par référendum et qu’il n’y a plus de différence entre la gauche et la droite, cela discrédite la politique. Comment organise-t-on la vie en société, comment organise-t-on la défense de l’intérêt général ? » Il a redit l’attachement de son parti à l’ISF, car « il s’agit d’un impôt de solidarité sur la fortune. Ce n’est pas une affaire de symbole mais de solidarité et une mesure de redistribution. »

Le parti communiste va présenter des Cahiers d’espérance

Fabien Roussel a confirmé que son parti allait participer au débat national. « Le gouvernement a dit que ce serait un débat sans tabou. Nous disons, nous, que ce ne doit pas être un débat sans espoir. Si c’est une grosse opération de communication, si c’est un Macron show, cela ne peut pas marcher. On va envahir ce débat, on va l’organiser et on va demander de remplir des « Cahiers d’espérance » et non pas des cahiers de doléances car nous ne sommes pas là pour geindre, et nous irons les porter à Matignon et à l’Elysée. Nous ferons dix propositions pour redonner du pouvoir d’achat, restaurer nos services publics et répondre à l’exigence de démocratie. »

Pour un référendum d’initiative populaire encadré

Le secrétaire national du PCF s’est dit favorable à un référendum d’initiative populaire. A condition qu’il soit encadré. « Il faut que ce référendum ne remette pas en cause la déclaration universelle des droits de l’homme, les conventions internationales du droit du travail, ni les droits acquis comme la suppression de la peine de mort que nous considérons comme une grande avancée qui ne peut être remise en cause. » Il a reconnu que la gauche était en perte de sens et qu’à l’avenir, plus qu’une union des partis de gauche, c’est une union des peuples de gauche dont la France a besoin. Evoquant les prochaines élections européennes, il a souhaité que l’on donne plus de pouvoir au parlement européen qu’il faut par ailleurs « libérer des lobbys qui viennent polluer tous les débats. »

Sources La Croix

18:47 Publié dans Actualités, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fabien roussel, la croix | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

07/01/2019

TRIBUNE. Quand antisémitisme et racisme s'infiltrent chez les "gilets jaunes"

Gilets Jaunes1.jpg

L’historien et l'essayiste Marc Knobel analyse les différents mécanismes et ressorts de la xénophobie telle qu’elle se développe depuis la crise des "gilets jaunes".

Le mouvement des "gilets jaunes" est loin d'être homogène. Les revendications disparates et contradictoires s'ajoutent les unes aux autres, depuis plusieurs semaines. Les "gilets jaunes" disent se battre contre les taxes et les impôts, la cherté de la vie, l'injustice sociale, pour une plus grande représentativité démocratique et une plus juste solidarité.

Il est vrai que la pauvreté et la misère affectent des millions de Français : travailleurs, ouvriers, chômeurs, déclassés, agriculteurs sacrifiés, classe moyenne, retraités, jeunes… Ces gens se sentent abandonnés par les technocrates, la classe politique. L'injustice, l'isolement, l'abandon, la paupérisation sont insupportables, nous le soulignons ici.

J'ajouterai une touche personnelle. L'auteur de ces quelques lignes a connu et vécu la misère totale et la détresse de ses propres parents, qui étaient marchands forains au Carreau du Temple, à Paris. Je l'ai raconté dans un article qui a été publié dans la "Revue des Deux Mondes", en novembre 2018. Je peux donc comprendre le cri de douleur et de colère de ceux qui ont faim, de ceux qui ont mal.

Mais, pour se faire entendre par la classe politique, le président et le gouvernement, doit-on casser et brûler ? N'avons-nous pas assisté ces derniers temps à des scènes d'une violence inouïe, dans un Paris outragé et violenté, également par des casseurs et de petits voyous, des factieux de l'ultra gauche ou de l'ultra droite et des gens qui se sont radicalisés, qui infiltrent ce mouvement ?

Une frange infiltrée

Par ailleurs, beaucoup de questions se posent après les débordements choquants et clairement antisémites observés par exemple le samedi 22 décembre à Paris lors des manifestations des "gilets jaunes".

Théories conspirationnistes, refus du système, puissants stéréotypes racistes et antisémites, propagande distillée par la nébuleuse complotiste, radicalisation et instrumentalisation diverse de l'ultra droite et/ou de l'ultra gauche, permettent à l'antisémitisme de se développer et de prospérer plus ouvertement depuis plus de deux mois, chez une frange infiltrée de ce mouvement.

Il ne s'agit pas de condamner tous les "gilets jaunes", bien évidemment. Cependant, certains commentateurs s'étonnent. Par exemple, le 24 décembre 2018, excédée, l'humoriste et comédienne Sophia Aram s'exclame sur son compte Twitter : "Les slogans complotistes, antisémites, racistes, sexistes, homophobes, les menaces et violences envers les journalistes et les élus… ne sont rien comparés à la masse inerte de Gilets Jaunes que ça ne dérange pas".

Alors, tentons d'expliquer ce qui se passe ici, lorsque l'on parle d'antisémitisme ou de racisme.

Les conspirationnistes prolifèrent sur Internet

Sur Internet, les théories conspirationnistes se développent, plus que partout ailleurs. Elles se diffusent également dans la société, tant à l'extrême gauche qu'à l'extrême droite et touchent toutes les classes sociales. Or, s'il existe des expressions de complotisme dépourvues d'antisémitisme, l'antisémitisme est une constante du conspirationnisme.

Expliquons. L'historien des idées Stéphane François rappelle que les théories du complot consistent en une interprétation des évolutions du monde et des mœurs par l'existence d'un "métacomplot". Pour les complotistes, celui-ci serait fréquemment juif, maçonnique ou financier, les trois pouvant d'ailleurs fusionner, dans un délire paranoïaque.

L'historien des idées explique que parmi les points communs, nous trouvons le refus du "système", la condamnation du néolibéralisme, ainsi qu'un antisionisme/antisémitisme, qui peuvent tous combiner dans la condamnation des financiers juifs. Cette condamnation est d'ailleurs parfois devenue une constance importante de ce type de pseudo-discours dans les mouvances antimondialistes et antilibérales, depuis le début des années 2000.

A ce propos, le politologue Yves Camus rappelle dans un entretien qu'il accorde aux Inrocks.com, le 11 novembre 2018, que c'est "principalement la nébuleuse complotiste soralienne et dieudonniste qui propage les préjugés antisémites".

Antisémitisme et « gilets jaunes » ?

Ajoutons ces derniers développements depuis que le mouvement s'est constitué :

• Une députée de La République en Marche (LREM) dénoncée comme "youpine" sur les réseaux sociaux après un débat télévisé avec des meneurs du mouvement ; la récurrence du procès en collusion "juive" du président de la République, "pute à juifs" (sur une banderole de l'autoroute A6), "pourriture [sic] de juifs" (graffiti rue Molitor à Paris), "Macron (…) = Sion" (panneau à Pontcharra, en Isère), dont les slogans proviennent d'un site particulièrement ordurier et antisémite, bloqué dernièrement par la justice de notre pays. 

• "Vous nous gazez comme des putains de juifs", prononcé le 23 décembre 2018 par des "gilets jaunes" à Paris. Des quenelles et des saluts nazis à Montmartre qui témoignent d'un risque certain d'adoption par des groupes de plus en plus divers des thèmes de l'antisionisme raciste, selon l'historien Vincent Duclert ("Le Monde", 11 novembre 2018). Rappelons ici que les quenelles sont à la fois signe de ralliement antisystème, mais aussi hymne antisémite codé. Dans un tweet ce 24 décembre 2018, Bernard Pivot s'insurge avec raison et fait part de son dégoût, à ce sujet : "Quenelle, joli mot de la cuisine lyonnaise, mot que je chéris parce que les quenelles de ma mère étaient divines, mot sali, souillé, déshonoré par Dieudonné et les 'gilets jaunes' antisémites." Des propos négationnistes sur la ligne 4 du métro parisien ; sur les quais de Rhône, en plein mouvement "gilets jaunes", une inscription sur une banderole : "Macron=Drahi=Attali, Banques=médias=Sion"

Voilà là également en ces quelques slogans, la résurgence de préjugés puissants et terrifiants. En octobre 2016, un sondage d'opinion CNCDH/SIG/IPSOS révélait que 35% des Français pensent que "les Juifs ont un rapport particulier avec l'argent" (1) Depuis quelques années, cet antisémitisme (primaire) connaît un nouvel écho et la montée des préjugés et des stéréotypes est particulièrement alarmante.

L'ultra droite se fédère-t-elle autour de l'antisémitisme ?

Cette fois-ci, les choses sont claires. Sur le site Internet de "l'essayiste" d'extrême-droite Alain Soral, une annonce est publiée. Une "grande réunion publique" devrait avoir lieu le 19 janvier 2019, en présence du militant d'extrême droite, Yvan Benedetti, qui a présidé le groupuscule l'Œuvre française en 2012. Rappelons que le 22 octobre 2018, à l'occasion du décès du négationniste Robert Faurisson, Benedetti rendait sur Twitter hommage au négationniste, qu'il qualifie notamment de "Hérault (sic) des temps modernes qui aura marqué la 2ème moitié du XXe siècle."

Il faut compter aussi sur la présence du directeur de l'hebdomadaire d'extrême droite "Rivarol", Jérôme Bourbon, condamné récemment par la justice pour des tweets négationnistes et antisémites ; d'Elie Hatem, du mouvement royaliste l'Action française ; du militant antisémite et négationniste, Hervé Ryssen, multirécidiviste, condamné maintes fois par la justice et de l'inénarrable Alain Soral.

L'ultra-droite s'avance, profite de la colère, l'instrumentalise et veut fédérer autour de l'antisémitisme. L'ultra droite, factieuse par nature, récupère ici les mécontents, pour jeter en pâture la République, la mondialisation, les minorités et bien évidemment, les juifs.

"Gilets jaunes" et racisme

Le site Internet de "l'Obs" nous alertait déjà et à juste titre, dans un article qui avait été publié le 19 novembre 2018. Depuis deux mois, des "gilets jaunes" profèrent des insultes antisémites, mais également racistes et homophobes. Dernièrement, Jean François Mbaye qui fait partie des nouveaux députés LREM, élu du Val-de-Marne, se voit menacé de mort avec une lettre anonyme, ouvertement raciste, et glaçante : "Tu es ce qu'on appelle un noir de service. On va tout simplement te mettre une balle dans la tête, le climat actuel s'y prête bien. Les victimes d'accident de chasse augmentent. Tu vas mourir."

Cette lettre visait également Henri Berville, député de la 2e circonscription des Côtes-d'Armor et Lætitia Avia, députée de la 8e circonscription de Paris. Jean François Mbaye vient de déposer plainte. Voilà là, un exemple terrifiant d'un racisme outrancier qui vise délibérement les noirs, un racisme qui s'exprime notamment sur l'Internet. 

Les exemples ne manquent d'ailleurs pas. 

En novembre 2018, alertés par du bruit, des "gilets jaunes" ont signalé à la gendarmerie la présence de migrants dans un camion-citerne bloqué sur un barrage à Flixecourt (Somme). Dans une vidéo tournée sur place et publiée sur les réseaux sociaux, un homme appelle à faire un "barbecue géant" avec les migrants, en paraissant se réjouir de l'intervention des forces de l'ordre.

Repenser la colère

"On a été bons les gars, mieux que la douane ! ", entend-on également alors que les migrants descendent du poids lourd, interpellés par les gendarmes. Nous voyons là encore à quel point les délires racistes hostiles aux immigrés ou aux réfugiés sont récupérés, eux qui sont si perfidement instrumentalisés par l'extrême droite. 

Les souffrances sont réelles, la colère est palpable, c'est un fait. Les "gilets jaunes" expriment uns souffrance sociale, une désespérance. Pourtant, il faudrait repenser cette colère plus sereinement, plus fraternellement, plus démocratiquement surtout et la traduire différemment et d'abord et surtout sans la moindre violence. Vouloir en découdre tous les samedis, pousser des coups de gueule, balancer des pavés sur la gueule des flics, occuper des ronds-points, rien de tout cela n'est démocratique, républicain et ne constituera jamais une politique.

Enfin, aucune cause sociale, économique, politique, aucune désespérance, aucune misère ne pourra jamais légitimer, justifier, tolérer, développer, faire se développer des comportements racistes, homophobes, xénophobes, sexistes et/ou antisémites. 

Marc Knobel

1) Sondage CNCDH/SIG/IPSOS, réalisé du 17 au 24 octobre 2016, sur un échantillon de 1006 personnes. Voir à ce sujet le rapport de la CNCDH, "La Lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie", Paris, La Documentation Française, pp. 58 et suivantes.

Les intertitres sont de la rédaction

Sources NouvelObs

17:27 Publié dans Actualités, Cactus, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gilets jaunes, tribune, racisme | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!