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14/09/2016

Confessions d’une ex-musulmane.

sophia3.jpgLorsque j’étais gamine, peu de temps après mon arrivée en France une amitié sincère et insolite s’es créée avec ma toute première enseignante. Je lui dois beaucoup d’une part de mon éducation et de mon apprentissage de la langue française, celui qui s’est opéré par la découverte à ses côtés de l’univers magique de la littérature.

Dans les couloirs feutrés de la bibliothèque départementale de Marseille, je me baladais à travers les rayonnages et flirtais entre les romans et les BD. Je revenais à la maison avec un sac cabas rempli d’histoires toutes plus fantastiques les unes que les autres et de moments de partage riches d’humanité et de générosité, auprès de cette grande dame qui m’a ouvert la porte de son foyer. C’est avec elle, qu’au cours de l’une de ces sorties hebdomadaires je découvre un jour Marjane Satrapi et que j’ai commencé à prendre conscience de la notion de féminisme. Persepolis. La ville Perse. L’Iran et la dictature théocratique.

J’avoue m’être reconnue tout de suite dans ce récit, d’une petite fille volubile et originale, dans une société qui considère la femme comme subalterne, comme humain de seconde zone. Le récit de Marjane Satrapi est empreint de cette colère contre un système dans lequel les libertés individuelles ne sont qu’utopie, où l’émancipation des femmes relève de l’acte de résistance.

Son récit est empreint aussi de cette question de l’identité, Ô combien difficile, lorsque l’on quitte son pays pour un autre. Marjane Satrapi a mis en images la préoccupation et le combat de millions de femmes orientales et nord-africaines. Ces femmes qui connaissent mieux que quiconque le prix de la liberté et de l’insoumission, le prix de pouvoir être force de proposition sans avoir à rendre de compte à personne ; et surtout pas un homme, sans avoir à peser ses mots.

Mais voilà, cet été les plages françaises ont vu arriver un bien drôle d’apparat, que j’avoue n’avoir jamais vu avant.

Trois syllabes pour un vaste scandale.

Bur-ki-ni.

Je ne sais pas bien qui a trouvé le nom, mais ce serait un néologisme qui serait formé à partir de « bikini » et de « burqa ».

J’ai d’abord vu le scandale naître à Marseille, lorsqu’un parc aquatique voulait privatiser le lieu pour accueillir seulement des femmes portant le burkini. Ce n’est pas tant le fait de privatiser un lieu qui me pose problème, nous l’avons tous déjà fait pour des célébrations, pour des séminaires et autres réunions privées ou professionnelles. Seulement là, il s’agissait d’une motivation religieuse bien claire, visant si l’on va jusqu’au bout du raisonnement, à cantonner les femmes dans leur rôle de femme. Une tentatrice par définition qui se doit de rester pudique et humble face à l’homme. Un être qui ne sera et ne restera que la moitié d’un homme, mineure à vie.

Et ce genre de revendications prend de plus en plus de place dans l’espace public, grappillant toujours plus sur le terrain du communautarisme, au détriment du vivre ensemble. Sapant la véritable définition de liberté et de laïcité. Parce que oui, cet événement visait à laisser ces femmes dans l’entre soi de leur pratique et de leurs conditions de femmes. Elles pouvaient se baigner mais seulement vêtues de leur tenue de bain islamique avec leurs enfants (oui on est au parc aquatique, et ça n’allait pas être bibi qui allait s’occuper des gosses, faut pas déconner non plus).

Alors, oui, me direz-vous, toutes les valeurs sont plurielles et représentent pour chacun quelque chose de précis, mais beaucoup autour de moi ont brandi ces étendards là sans jamais considérer que ces combats se doivent d’être universalistes. Si je peux dans une certaine mesure comprendre la revendication des ces femmes sur la forme ; sur le fond, un tas des visages me hantent. Elles s’appellent Katia ou encore Amel, la fleur de l’âge, qui ont payé au prix de leur vie leur refus de porter le voile. Parce que la réalité que ces soi-disant intellectuels de la laïcité et militants antiracistes à deux balles essaient de voiler aussi, c’est ce qui se passe de l’autre côté de la Méditerranée.

Oui tout près, à quelques centaines de kilomètres de là, on égorge ou on condamne à l’illettrisme les jeunes femmes qui refusent de se couvrir la tête et ces cheveux ô combien érotiques et suscitant le désir sexuel. Parce que la culture, la liberté et la rébellion dérangent dans ces pays, parce que ces gens ont fait de moi et de beaucoup d’autres de ces femmes du Moyen-Orient des exilées, je n’arrive à avoir que peu d’empathie pour ce débat qui n’en est pas un. Après tout, se voiler c’est se résoudre à l’idée que nous sommes avant tout des êtres sexués, et qu’étant objet séduisant il faut se cacher. Mais moi aussi, je trouve les hommes désirables, pourquoi diable ne faudrait-il pas les camoufler eux aussi ? Ah dans ce sens c’est tout de suite plus compliqué. Qu’ont donc ces gens à me répondre ?

Mais trêve de digression, je veux maintenant m’adresser à ces femmes notamment qui font ce choix, qu’ont-elles à répondre à toutes ces résistantes iraniennes qui combattent pour leur liberté depuis la Révolution Islamique et qui bravent l’autorité à s’afficher tête découvertes, ces femmes qui plutôt que de perdre leur temps des pleurnichages sans queue ni tête, se voient elles récompensées de Prix Nobel de la Paix comme Malala Yousafzai, la jeune pakistanaise qui a résisté aux fondamentalistes musulmans que sont les Talibans ou encore Shirin Ebadi militante invétérée pour la défense des droits humains en Iran.

Qu’ont-elles comme argument à donner à ces jeunes filles privées de lycée en Algérie (http://www.courrierinternational.com/article/algerie-pas-...). Qu’ont-elles à raconter à ces égyptiennes qui même voilées se retrouvent tout de même abusées dans les faubourgs de la capitale et dans les transports en commun ?

Elles parleront de liberté, mais si la liberté se revendique, elle se respecte aussi. Où est-elle, la liberté, dans une religion qui bannit celle des autres, qui interdit la pratique de l’avortement, qui interdit l’homosexualité et le transgenre, qui interdit la sodomie ou encore les rapports sexuels hors mariage ? Où est la liberté quand on peut lire que « Vos femmes sont pour vous un sillon fertile. Allez à votre sillon, comme vous le voudrez. » II, 223 et que par conséquent nulle musulmane ne peut refuser un rapport sexuel à son mari faisant implicitement l’apologie du viol conjugal ?

Est-ce donc cette liberté et cette laïcité-là que vous revendiquez et que vous voulez enseigner ailleurs ?

Laïcité je veux bien, mais où est donc, toi, ta part de laïcité lorsque tu considères que tout autre croyance, le polythéisme et l’athéisme sont l’un des pires péchés et que tu ne verras jamais comme autre chose qu’une kâfira, une vulgaire mécréante. Comment peux-tu, chère amie, te revendiquer comme féministe alors que ta religion est l’antithèse de la liberté des femmes. Si ce n’était pas le cas, crois moi, jamais nous n’aurions quitté nos pays d’origine, nous primo-arrivants, et sans nulle doute vos parents et grands parents aussi.

A moins que vous ne l’ayez oublié.

Révolutionnairement vôtre,

La Robe Rouge

12:13 Publié dans Cactus, La Robe rouge, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sophia, robe rouge, musulman | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

15/08/2016

LETTRE D'ALGERIE A UN FRANCAIS MOYEN !

alger-alger-algerie-algiers.jpg

Cher Monsieur,

" La liberté de chacun s'arrête là où commence celle de l'autre...
Ici on est en France et nous vivons dans un pays libre et non dicté par une religion rétrograde.
Il y a suffisamment de pays où le voile ne pose aucun problème culturel, alors n'hésitez pas, retournez-y. "

Bonjour Monsieur Jean-Paul M. Permettez-moi de vous remercier pour votre suggestion.

Quant à moi, je vis paisiblement dans mon pays que vous connaissez bien : l'Algérie. Je vous assure que les gens sont libres de s'habiller comme ils le veulent. Nous avons des citoyens assez conservateurs mais également des jeunes qui suivent les différentes modes sans aucun complexe. Le problème actuel qui se pose réellement en France, n'est ni un problème culturel, ni un problème de choix d'un mode de vie particulier.

La France est une grande nation qui se caractérise par ce côté universel. Elle a rayonné sur le monde par ses idées, par son savoir-faire, par son avancée scientifique et technologique, par la convergence des différents styles d'art .... Elle a dans, sa grandeur, accueille tous les persécutés politiques, défendant les Droits de l'Homme et le Droit des Nations à disposer de leur autodétermination. La France, au cours des millénaires de son Histoire, a su faire coexister les blancs, les noirs, les chrétiens, les juifs, les musulmans, les athées....en son sein et qui se sont toujours mobilisés contre le fascisme, le nazisme et surtout contre l'injustice et le mépris de la dignité humaine.

Vous devez Cher Monsieur, être fier de ce grand héritage et continuer à le défendre contre toute démagogie et surenchère politicienne. Cette surmédiatisation des faits éphémères est un véritable leurre pour diversion et éviter de se pencher sur les véritables problèmes du peuple de France et le laisser courir derrière des lièvres sans but réel.

Ces questions stupides sont sans aucun intérêt pour les citoyens français, d'origines diverses. Le véritable problème est le chômage avec son corollaire l’atteinte à la dignité humaine : des mères de familles obligées de voler des aliments de première nécessité pour nourrir leurs enfants, des SDF abandonnés dans les rues sans aucune assistance...

Ah! si l'Abbé Pierre était encore parmi nous, il vous expliquerait mieux que moi la situation " pas possible " de nos frères oubliés dans les difficultés matérielles sans aucune aide! Ce sont ces fléaux qui rongent , tel un cancer, la France et non un voile ou tout autre tenue vestimentaire....Ce sont des futilités qui ne méritent aucune attention pour le citoyen responsable. Elles sont les créneaux du Front National, des racistes, des antisémites, des politiciens véreux .......

farouk.jpgDe l'Algérie, je vous prie de bien vouloir daigner accepter mes chaleureuses salutations. Bonne journée Monsieur Jean-Paul M.

Docteur Farouk Hamza
TIZI-OUZOU

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11:34 Publié dans International, Point de vue, Société | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : algérie, français, farouk hamza | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

20/07/2016

Inès Safi : "Pour en finir avec le choc des ignorances"

iness.jpg

Chercheuse au CNRS en physique théorique, et dialogue entre sciences et foi, Inès Safi souligne l’urgence d’une éthique des rapports économiques, géopolitiques et écologiques pour rétablir une confiance entre tous.

Les adeptes du choc des civilisations semblent valider leur théorie à travers l’actualité tragique. Or, nous pourrions nous demander si ces tragédies n’ont pas été attisées par l’adoption de cette théorie, qui ne serait qu’une hypothèse erronée, donc une des facettes de l’ignorance résidant au cœur de l’intolérance.

Ne doit-on pas plutôt défendre la théorie du choc des ignorances, dont la multiplicité procède de la diversité de leurs modalités et de leurs alliances ? D’une part, les modalités de ces ignorances se manifestent dans la désinformation et les mensonges qui manipulent l’actualité et l’histoire, en générant parfois des guerres, ainsi que dans l’essentialisation et le réductionnisme desséchants opérés sur les êtres, les courants de pensée et les religions. D’autre part, les alliés de ces ignorances sont légions : extrémistes religieux ou antireligieux, marchands d’armes et financiers avides de gains, ou politiciens et dictateurs assoiffés de domination. Et la liste n’est pas exhaustive… 

Il est possible de distinguer, d’une façon schématique et simplifiée, deux camps regroupant des « combattants » qui se croient adversaires, alors qu’ils sont en réalité solidaires : d’un côté, ceux qui portent des visions sectaires et rétrogrades de l’islam ; de l’autre, ceux qui portent le drapeau de l’islamophobie savante et virulente, tout en adoptant la position du premier camp selon laquelle il n’existe qu’une seule lecture possible de l’islam. Les ignorances de ces deux camps forment alors des miroirs mis en abyme, qui réduisent symétriquement l’islam à des textes scripturaires facilement accessibles et déchiffrables par la logique, révélant une charia qui exclut les infidèles de la félicité. À travers cette réduction à un seul moment historique et à un socle unique, ils sapent toutes les interactions de l’islam avec son passé et ses environnements, ainsi que son évolution dynamique ouverte, ses ramifications en une multitude de modes de vie, de pensée, d’expressions foisonnantes, qu’elles soient artistiques, culturelles, scientifiques ou philosophiques.

Ces deux camps sont d’autant plus solidaires qu’ils ignorent les innombrables écoles de la spiritualité profonde de l’islam en tant que religion de l’Amour, où la diversité des voies est perçue comme un ensemble des chemins menant vers le même sommet, où chaque créature représente une manifestation sacrée de la Beauté. Ces ignorances communes procèdent en fait d’une loi commune : la soumission aveugle à la logique du tiers-exclu, qui empêche même ceux qui sont adeptes d’une religion d’accéder à la spiritualité.

Un cercle vicieux

Les deux camps s’enferment de surcroît dans un cercle vicieux d’action-réaction où chacun alterne entre le rôle de bourreau et celui de victime, et alimente son ignorance de l’autre, du rejet de l’autre, et vice versa. Car l’ignorance entraîne la peur de celui que l’on méconnaît ; la peur conduit à la haine et au rejet de celui qui devient une menace ; et cette haine et ce rejet entraînent la diabolisation et la diffamation qui justifient à leur tour les combats de diverses natures, ce qui amplifie encore l’ignorance, et ainsi de suite. Je n’énonce qu’une simple évidence si je rappelle que l’antidote à l’ignorance est la connaissance. Mais les ignorances étant multiples, tout comme leurs modalités et leurs alliances, les connaissances devraient l’être tout autant.

Chacun a besoin de connaître autrui, mais aussi de se connaître soi-même, de s’aimer soi-même et d’aimer autrui. Il est important de mieux connaître les religions et les cultures de ceux que l’on côtoie, tout en accédant à sa propre culture et à sa propre religion, et en prenant conscience de leurs intimes relations et interactions passées et actuelles. Il serait alors crucial de créer des modes d’accès à ces richesses, indépendamment de la propagande et de la démagogie des détenteurs des pouvoirs économiques et religieux.

Il est clair que le monde occidental (dont les contours sont certes mal définis) a aussi une responsabilité de taille dans le combat contre l’ignorance qui ne fait qu’empirer dans ses rangs, par le dédain porté aux joyaux spirituels, poétiques et littéraires islamiques qui ont façonné sa propre culture ; ces lacunes émanent d’une volonté d’hégémonie coloniale passée ou même présente.

Aussi, les domaines de la culture, du savoir et des sciences ont besoin d’être libérés d'une forme de « rationalité pratique » généralisée et normative à tous les champs de la vie, qui voit la domination exclusive d'un paradigme économique selon lequel l'humain devient une variable d'ajustement, et les plus faibles, des sources de profit auxquelles les puissants n’appliquent plus leurs prétendues valeurs. La justice est essentielle pour rétablir la confiance, qui est une des conditions de la connaissance réciproque. Et la connaissance générant plus de confiance, nourrit à son tour un cercle vertueux. Cette connaissance implique le respect des valeurs, sans discrimination, et un traitement équitable en termes de savoirs, d’informations ou de répartition des territoires et des richesses. Une éthique des rapports économiques, géopolitiques et écologiques devient d’une grande urgence.

La belle mosaïque de l’œuvre divine

D’un point de vue musulman, nous sommes appelés à changer ce qui est en nous-mêmes afin que Dieu change notre état, pour paraphraser un verset coranique. En particulier, en remédiant à l’ignorance qui sévit, et pour contrer la wahhabisation des esprits. Il ne s’agirait alors pas seulement de modalités d’acquisition rationnelles du savoir, mais de celles qui relèvent de l’expérience et du goût. Il est primordial de plaider en faveur de la revivification de la véritable tradition (à différencier des coutumes vides de sens) et de la réouverture des voies de connaissance par le cœur.

Le mystique soufi Al-Ghazâlî (1058-1111) écrivait : « Celui dont l’œil du cœur n’est pas ouvert ne perçoit de la religion que l’écorce et l’apparence, non le fond et la réalité » (Kitâb al-‘Ilm – Le Livre de la science). Un pilier primordial de cette connaissance est le tawhîd, l’Unicité, au sein de laquelle notre essence est une à un niveau de réalité au-delà du monde sensible. Le tiers-exclu est ainsi dépassé, car les différences sont en fait des contingences, et la multiplicité s’intègre harmonieusement dans l’Unicité : « Toutes les formes sont des images reflétées dans l’eau du ruisseau. Lorsque tu te frottes les yeux, en réalité, toutes sont Lui » (Rûmî, poète du XIIIe siècle).

Toute créature est lieu de manifestation divine, dont l’amour et la connaissance est un chemin inévitable vers l’Amour et la Connaissance de Dieu, l’ultime but de la réalisation spirituelle. « Ô vous, êtres humains. Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle et Nous avons fait de vous des peuples et des tribus afin que vous vous reconnaissiez les uns les autres » (Coran 49, 13). Le but primordial de cette différentiation entre homme et femme, ou entre peuples, la connaissance ou la reconnaissance, ne se réduit pas ici à faire simplement « connaissance ».

C’est que l’être distinct me ramène à des vérités que je ne percevrais pas seul : il est pour moi un miroir où se reflètent des attributs divins qui complètent ceux qui se manifestent en moi. Aimer et connaître ceux qui sont différents n’est guère une option : c’est un fondement même du cheminement. Reconnaître l’unité derrière la multiplicité, la proximité derrière l’altérité, c’est contempler cette diversité des formes sans laquelle la belle mosaïque de l’œuvre divine perdrait son sens. Connaître cette mosaïque est aussi une manifestation de notre amour : car l’amour de la Connaissance a pour terme la connaissance de l’Amour.

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17/06/2016

Pourquoi je déteste le foot.

Sur le boulevard d’Athènes à Marseille, au bas duquel on voit les escaliers de la gare Saint Charles, j’ai mes petites habitudes dans un café. On ne peut pas faire plus central, et c’est un quartier foisonnant de diversité, de parfums, d’épices mais aussi de misère.

Entres les bars et leurs terrasses, il y a aussi les bureaux d’associations d’aide aux demandeurs d’asiles, des campements précaires de Roms, le consulat de Tunisie, le marché de Noailles, la Fac de Droit et l’ESPE, des prostituées aussi et tout cela dans un tout petit périmètre.

Le samedi, c’est noir de monde, les gens sortent faire leurs courses ou flâner au soleil en sirotant un Gambetta Limonade, une boisson typique d’ici. Tout ce joyeux bazar fonctionne toute l’année. Sans heurts, sans violence. Et, j’ai l’habitude tous les matins de prendre mon café dans l’une ces terrasses au croisement de la Canebière et du boulevard d’Athènes, comme je l’ai fait hier au milieu de la matinée. En descendant depuis le cours Julien, je constate l’arrivée massive de supporters anglais et russes. S’il est vrai que ce quartier n’est pas épargné par le problème du harcèlement de rue et qu’il m’est arrivée de me faire alpaguer dans la rue, hier je n’ai jamais rien vécu de tel. Sur les 400m qui séparent mon domicile du café, j’ai pu dénombrer une bonne dizaine d’accostage intempestifs : sifflements, des mots inaudibles d’un argot anglais que je n’ai pas cherché à comprendre mais aussi d’autres qui sont venus « m’inviter à boire une bière ». Il était 11 heures du matin.

J’arrive tant bien que mal à mon café pour travailler et trouve le café bondé, avec des supporters déjà bien éméchés avec des pintes face à eux. J’arrive tout de même à trouver une place à l’extérieur. Je constate que je suis la seule femme, et que tous les regards sont tournés vers moi. J’assiste aussi à de curieuses scènes où ces mêmes plaisantins ivres vont aborder les femmes du campement Rom et les prostituées. Je fais abstraction et continue de préparer mon intervention de l’après midi à une cinquantaine de mètres de là, à la Cité des Associations. La thématique ? Le vivre ensemble…

Face à moi, la rue continuait de devenir de plus en plus bondée, et je sentais déjà la tension monter entre l’alcool et les regards noirs que se lançaient anglais et russes lorsqu’ils se croisaient.

Mon intervention portait donc sur le bilan quant au vivre ensemble et pendant deux heures j’ai animé un débat sur les constats et les solutions pour mieux le faire tous les jours. Je sors satisfaite de mon après-midi et de mon intervention, avec le sentiment d’avoir été à cet instant précis une pépiniériste d’idées face à des parents (pour la plupart) désireux de faire et d’inventer. Arrivée dans le hall, j’entends des bruits d’hélicoptères, des sirènes, des cris et lorsque je sors enfin à l’extérieur en faisant quelques mètres en direction du Vieux-Port, là… je n’ai même pas les mots pour le décrire. Du sang par terre, pas un petit mètre carré sans dépris de bouteilles d’alcool, des gens qui courent dans tous les sens, des bouteilles de bières qui volent dans tous les sens et qu’on entends se briser à peu près partout. Certains bars commençaient à fermer, les promeneurs et vendeurs du vide-grenier hebdomadaire pliaient bagage et rentraient se mettre à l’abri. Qu’on se le dise c’était le chaos. Moi qui venait de parler pendant deux heure de paix et de société apaisée, j’assiste à une scène de guerre.

La peur me prend au ventre, mais c’est ensuite la colère qui me saisit. Je hais le foot. j’abhorre le culte du ballon rond. J’abomine ce fascisme footbalistique. La mafia qu’il y a derrière me répugne. J’ai à ce moment là tout un tas de phrases que j’ai entendues ou lues qui me reviennent à l’esprit et qui résonnent péniblement. « Cette coupe d’Europe sera une manne financière pour tout le monde », « nous exhortons les manifestant à s’abstenir d’aller dans la rue pour ne pas mettre en danger les supporters étrangers », « quoi…? accueillir des réfugiés qui fuient la guerre et la misère, mais ça va pas, ces décérébrés venus d’outre Méditerranée vont mettre le pays à feu et à sang, violer nos femmes et nos filles ».

Frénésie de l’argent, des millions qui flambent pour de la pacotille, blanchiment, exploitation sexuelle à l’ombre des matchs ces joueurs se croyant tout puissants, exploitation des ouvriers qui fabriquent tous les goodies vendus à des décérébrés inconscients dont le maillot aura été fabriqué par un gamin de 12 ans auquel il n’aura été rétrocédé pas plus de 60 centimes… Et surtout, la folie violente et inconsciente que j’ai vu hier dans les rues dans lesquelles j’ai plaisir à me promener tous les jours. L’autre chose que je me suis demandée, c’est : « mais où sont les flics…? »

faujour-el-khomri.jpgDepuis plusieurs semaines, chaque fois que j’allais manifester contre la loi travail, cela terminait mal. Nous étions pourchassés comme des rats, les CRS formaient régulièrement des murailles humaines le long du kilomètre de trottoir que compte la Canebière et hier… de l’ordre du ridicule.
Tout le monde savait que ce match était sous haute tension, la veille déjà des heurts avaient eu lieu, comment peut on croire à un tel manque d’organisation concernant un événement international que nous savons tous synonyme de violence et d’alcool. Tandis que face à cela, les personnes qui bloquent les usines sont des terroristes, faire avancer le débat, c’est mal et manifester met en danger les gentils supporters venus en France pour l’UEFA. J’ai même vus des gens se faire arrêter car ils se sont rendus à la plage et que des galets étaient restés dans leur sac. C’est certain que c’est super dangereux face aux bouclier et au bombes de désencerclement…

Alors maintenant, que l’on arrête de se voiler la face, hier il ne s’agissait pas du tout des terroristes grévistes musulmans coupeurs de tête entrés en France illégalement et venus mettre en péril cette pauvre race blanche chrétienne. Et malheureusement hier, ce que j’ai vu c’est le deux poids deux mesures. Sauf qu’en l’occurrence, ce qui s’est passé dans mon quartier est inadmissible et je voudrais pointer du doigt la mise en danger d’autrui. Hier plus que jamais je ne me suis pas sentie en sécurité, pas sentie protégée dans une scène d’émeute. Le ministère de l’intérieur a fait une faute grave dans la considération de cette manifestation et dans celle de la censure du droit de grève.

Je ne me reconnais plus dans cette France qui cautionne le consumérisme financier et sexuel, les trafics en tous genre et la violence portée par ce sport soi-disant populaire qu’est le foot alors que l’on brime ceux qui ont pour seul tort de s’insurger contre la casse de nos conquis sociaux.

Ma sécurité de l’emploi se fait prendre en otage par mon Etat et mon doux et bel été se fait polluer par des personnes faisant l’apologie de l’abrutissement par un loisir violent et obsolète.

Non, la France ne va pas bien du tout, et il faudrait sérieusement se mettre à se poser les bonnes questions.