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10/05/2007

La France pas plus à droite qu’avant...

Si les seniors ont assuré la victoire de Sarkozy, gauche et droite font globalement jeu égal dans les autres catégories de la population. C’est le report des voix du FN qui a changé la donne.

Bouches-du-Rhône, correspondant régional.

medium_francerelief2.gifEn termes sportifs, on dirait qu’il ne s’est rien passé dans la dernière ligne droite. Le 22 avril, Ségolène Royal accusait un retard de deux millions de voix sur son rival UMP. Le 6 mai, Nicolas Sarkozy l’a devancée de 2,2 millions de voix.

Les reports de voix des candidats éliminés n’ont donc pas modifié le rapport de forces du premier tour. Selon les enquêtes, l’électorat de Bayrou s’est partagé également entre Sarkozy et Royal. Le noyau dur de droite (soit le score de Bayrou en 2002, 7 %) a opté pour l’ancien ministre de l’Intérieur tandis que les électeurs de gauche qui avaient par « tactique » choisi le président de l’UDF sont eux aussi rentrés au bercail. En réintégrant, certes de manière hypothétique, ces 7 % au total de la gauche le 22 avril, on retrouve le score global de la gauche au premier tour de l’élection présidentielle en 2002 (42 %) et en 1995 (40,5 %). La France ne semble donc pas compter moins d’électeurs de gauche depuis une décennie, même s’ils sont moins nombreux à se retrouver dans l’offre politique des différentes composantes de cette même gauche. De même que la droite dans son ensemble, extrême comprise, n’a pas affolé les compteurs.

La vraie « rupture » électorale réside dans le braconnage réussi d’une partie de l’électorat FN par la droite dite classique. Cette stratégie a fonctionné lors des deux tours, puisque le report de voix des électeurs de Le Pen a été massif (65 %). En valeur absolue, ce report s’établit à 6 % du corps électoral, soit exactement la différence finale entre Sarkozy et Royal. Cette absorption se lit d’ailleurs sur la carte d’une France électorale coupée en deux de chaque côté d’une ligne Le Havre-Marseille.

Ségolène Royal réalise ses meilleurs scores dans des terres de tradition radicale (Sud-Ouest) et démocrate-chrétienne (l’Ouest) tandis que Nicolas Sarkozy arrive en tête dans la partie est du pays qui, en 2002, avait accordé à Le Pen ses plus forts scores. Par exemple : Sarkozy domine dans le Nord, l’Aisne, les Ardennes et la Somme, départements fortement touchés par la désindustrialisation, qui avaient voté Jospin en 1995 avant de placer en tête le leader de l’extrême droite en 2002. De prochaines études de sciences politiques démontreront peut-être que le vote FN a servi sur le long terme à « recycler » des électeurs jadis de gauche vers la droite.

Ces reclassements redessinent la France électorale au-delà de photographies qui peuvent apparaître similaires. Ainsi, si Sarkozy (53 %) égale le score de Chirac en 1995 (52,64 %), la carte de leur implantation diffère, l’Ouest chiraquien et le Nord jospinien de 1995 ayant changé de couleur lors de ce scrutin présidentiel 2007.

Le score de Nicolas Sarkozy, obtenu dans le cadre d’une participation massive et après cinq ans d’exercice du pouvoir par la droite, fait unique depuis trente ans, pourrait signifier une adhésion massive et uniforme du corps électoral français aux thèses libérales et autoritaires. 53 % des suffrages pour le programme le plus à droite jamais porté sous la Ve République, cela suffit d’ailleurs à illustrer le déplacement vers la droite du centre de gravité de la politique française. Pourtant, les enquêtes réalisées après les premier et second tour dessinent une réalité plus contrastée. Que montrent-elles ? Sur les deux millions de voix d’avance de Sarkozy, le 22 avril, 1,7 million provient du vote des retraités. C’est donc la « France qui se couche tôt » qui lui a donné un avantage décisif. Dans le reste de la population, les deux candidats arrivent au coude-à-coude. Confirmation au second tour : le candidat de l’UMP a rallié 68 % des suffrages des plus de 70 ans et 61 % des 60-69 ans, ce qui lui assure la « bascule » pour la victoire.

Dans le reste de la population, c’est un vote « à l’ancienne », de classe, pourrait-on dire, qui ressort. Sarkozy domine chez les artisans et commerçants (82 %), les agriculteurs (67 %), les professions libérales et les cadres supérieurs (52 %) et les 25-34 ans (57 %), tandis que Ségolène Royal a emporté la majorité chez les 18-24 ans (58 %), les ouvriers (54 %), les employés (51 %) et les professions intermédiaires (51 %).

Lors d’un chat sur le site Internet du quotidien le Monde, Dominique Reynié, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris, décryptait ainsi les résultats du premier tour : « Un pays qui vieillit démographiquement est un pays à l’intérieur duquel les peurs sont plus nombreuses, plus grandes, la demande de protection plus forte, le conservatisme est plus affirmé, la demande de repli plus forte. C’est pourquoi on peut considérer que la France s’installe dans une culture de droite. »

Au final, il ne s’agit pas de nier l’évidence, c’est-à-dire qu’une majorité de Français ont opté pour une droite dure et revancharde, mais de souligner que les anticorps de la société française sont peut-être plus coriaces que ne le laisse entrevoir un coup de bambou électoral.

Christophe Deroubaix, l'Humanité

09:40 Publié dans Connaissances | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : élections présidentielles, chiffres, analyse | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

07/05/2007

Portrait-robot de l'électeur pro-Sarko/pro-Royal

SOCIOLOGIE 

  medium_age1.jpgSur les 44 millions de citoyens qui votent les moins de 50 ans représentent 19 millions de personnes, les plus de 50 ans, totalisent 25 millions d'individus.
Chez les moins de 50 ans, selon le sondage TNS, la candidate socialiste Ségolène Royal est majoritaire : chez les 18/24 ans 61% voteraient pour Ségolène Royal (vs 39% pour Nicolas Sarkozy). Chez les 25/34 ans : 56% pour SR et 44% pour NS. Chez les 35/49 ans, la tendance s'inverse légèrement avec 47% SR et 53% pour NS. Seule tranche d'âge chez les moins de 50 ans à voter majoritairement pour le candidat UMP.
Chez les plus de 50 ans, dans la tranche des 50/64 ans, 52% se disent pour Ségolène Royal contre 48% pour Nicolas Sarkozy. En revanche, chez les plus de 65 ans, la tendance balance très nettement en faveur du candidat UMP qui récolte presque les deux tiers des votes avec 64% contre 36% pour la socialiste.
Enfin, chez les inactifs/retraités, 48% se disent pour Ségolène Royal et 52% pour Nicolas Sarkozy.
Un sondage Ifop du 27 avril dernier, réalisé pour M6/Le Journal du dimanche donne quant à lui 53% de votants pour Ségolène Royal et 47% chez les moins de 35 ans. Dans les tranches d'âges supérieures, les chiffres sont les suivants :
35/49 ans : 56% SR vs 44% NS ; 50/64 ans : 51% SR vs 49% NS et enfin chez les 65 ans et plus 25% SR vs 75% NS ! Pour les retraités, les chiffres sont les suivants 37% pour Ségolène Royal et 63% pour Nicolas Sarkozy.

Une écrasante majorité des agriculteurs (67%) et des artisans et commerçants (82%) ainsi que 52% des professions libérales et des cadres supérieurs ont préféré le candidat de l'UMP, tandis qu'un peu plus de la moitié des professions intermédiaires (51%), des employés (51%) et des ouvriers (54%) ont opté pour Ségolène Royal, ainsi que 75% des chômeurs.

medium_prescarte.jpgGEOGRAPAHIE

Alors que la gauche dirige depuis 2004 20 des 22 régions métropolitaines, Nicolas Sarkozy l'a emporté dimanche dans 16 d'entre elles. Selon un sondage Ipsos, il a été massivement choisi par les ruraux (57%) et les habitants des villes de moins de 100.000 habitants (entre 54% et 56%), tandis que Ségolène Royal et lui font jeu égal dans les villes de plus de 100.000 habitants et dans l'agglomération parisienne.

A Nicolas Sarkozy, l'Est et le Nord
Longtemps terre socialiste, le Nord a basculé dans le camp de la droite, seul le Pas-de-Calais restant fidèle à la gauche. Nicolas Sarkozy est ainsi arrivé en tête dans le Nord, même si Lille (55,92%) a choisi Ségolène Royal. Il l'emporte aussi dans l'Aisne, les Ardennes et de peu dans la Somme, confirmant une tendance déjà perceptible au premier tour. Tous ces départements, victimes du déclin industriel, avaient majoritairement voté pour Lionel Jospin en 1995. En 2002, Jean-Marie Le Pen y avait réalisé des scores importants. Autre ancien bastion de la gauche qui bascule, la Seine-Maritime, même si là aussi les grandes villes ont choisi la candidate socialiste. C'est le cas de Rouen et même du Havre, pourtant dirigé par l'UMP Antoine Ruffenacht.

La vague rose sur le littoral atlantique
Les départements de l'Ouest et le Sud-Ouest ont voté en masse pour la candidate socialiste. Elle l'emporte notamment dans les Pyrénées-Atlantiques, le département du centriste François Bayrou. La Dordogne, la Corrèze de Jacques Chirac et de François Hollande, ont fait de même, ainsi que les Deux-Sèvres, le département de Ségolène Royal. A noter, la victoire emblématique de Ségolène Royal à Bordeaux, la ville d'Alain Juppé. Dans l'Ouest, le PS consolide ses positions. En Bretagne, seul le Morbihan a placé Nicolas Sarkozy en tête et à Rennes, Ségolène Royal réalise un des ses meilleurs scores dans une grande ville (62,71%).

Sarkozy s'impose en Ile-de-France, Royal dans les "quartiers"
Il est vainqueur d'un souffle à Paris, avec 50,19% des voix. Le nouveau président est devancé dans 11 des 20 arrondissements parisiens. Il réalise son meilleur score dans le XVIe et le XVIII tandis qu'il est nettement battu dans le XXe et le XVIIIe.

Côté banlieue, Nicolas Sarkozy rafle six départements sur huit. Son adversaire socialiste s'impose assez largement en Seine-Saint-Denis (56,54%), ainsi que dans le Val-de-Marne, de justesse, avec 50,2% des suffrages. Elle l'emporte également dans la plupart des grandes villes, avec notamment 67,94% des voix à Saint-Denis, 66,80% à Bobigny ou 64,19% à La Courneuve. C'est dans cette commune de Seine-Saint-Denis que le nouveau chef de l'Etat, en juin 2005, avait promis de nettoyer la cité des 4.000 au "kärcher".

10:25 Publié dans Connaissances | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Sarkozy, président, vote | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

LE DESSIN DU MOIS DE MAI

LE NOUVEAU PRESIDENT !

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05/05/2007

PRESIDENTIELLES MEDIAS ET ECONOMIE

medium_sarkomedia.2.jpgL’élection présidentielle française montre avec force comment une analyse économique erronée, et des problèmes d’arithmétique plus généraux, peut déterminer les idées et même l’avenir non seulement d’un pays mais d’un continent.

Les Etats-Unis ont fait face à une situation similaire lors du débat sur les retraites, où une majorité d’américains a été convaincue - par une tromperie autant verbale que comptable - que le système de retraite allait faire face à de sérieux problèmes financiers quand la génération du « baby boom » allait partir à la retraite. Ce qui est faux !

Le thème général de la campagne de Nicolas Sarkozy qui l’a propulsé en tête à l’issue du premier tour est que l’économie française serait d’une certaine façon « bloquée » et aurait besoin d’être réformée pour se rapprocher de celle des Etats-Unis. Il est également très largement admis que la France aurait besoin de devenir plus « compétitive » dans l’économie mondialisée, la concurrence étant devenue plus rude dans ce monde globalisé.

L’éditorialiste du New York Times Thomas Friedman est le principal défenseur de la thèse selon laquelle les travailleurs français doivent baisser leur niveau de vie à cause de la globalisation de l’économie. « Toutes les forces de la mondialisation s’attaquent aux états-providence européens » dit-il. « Les français essaient de préserver une semaine de 35 heures dans un monde où les ingénieurs indiens sont prêts à faire des journées de 35 heures ». Pour Friedman et autres « experts », c’est impossible.

Il est important de comprendre qu’il n’y a aucune logique économique derrière l’argumentaire selon lequel les citoyens d’un pays riche doivent réduire leur niveau de vie ou subir une baisse des programmes sociaux gouvernementaux à cause des progrès économiques des pays émergents. Quand un pays développé a atteint un certain niveau de productivité, il n’y a aucune raison économique devant obliger ses citoyens à baisser leurs salaires ou acquis sociaux, ou à les faire travailler plus, parce que d’autres pays sont en train de rattraper leur retard. Cette productivité -fondée sur le savoir-faire collectif du pays, sa compétence, sa capitalisation, et son organisation économique - demeure, et augmente même chaque année. La circonstance que la concurrence internationale est utilisée comme excuse par des groupes défendant des intérêts particuliers pour baisser le niveau de vie des travailleurs français, allemands ou américains - ce qui est le cas - démontre que les règles du commerce internationale ne sont pas écrites par les bonnes personnes. Cela révèle un déficit démocratique et non un problème inhérent au progrès économique.

Une autre erreur souvent faite dans ce débat est de comparer le revenu français par habitant à celui des Etats-Unis, une comparaison qui désavantage la France : $30.693 contre $43.144 pour les Etats-Unis (ajusté pour établir une parité entre les pouvoirs d’achat). Mais cette comparaison est injuste parce que les français travaillent moins d’heures que les américains. Les économistes ne disent jamais qu’une personne est moins bien lotie qu’une autre si elle gagne moins parce qu’elle travaille moins. Un meilleur indicateur du bien-être économique, si l’on doit faire une comparaison, est donc la productivité. Or, elle est aussi forte, voire plus forte, en France qu’aux Etats-Unis.

Il convient à ce stade de faire un peu d’arithmétique sur le fort taux de chômage en France chez les jeunes, lequel a déterminé la politique française et influencé l’opinion mondiale durant les émeutes des banlieues en 2005. La méthode standard de mesure des taux de chômage place les chômeurs dans le numérateur, et les chômeurs plus les non chômeurs dans le dénominateur (c/c+nc). Par cette méthode, les français mâles âgés de 15 à 24 ans ont un taux de chômage de 20,8%, comparé à 11,8% aux Etats-Unis. Mais cette différence est principalement due aux fait qu’en France il y a proportionnellement beaucoup plus de jeunes hommes absents du marché du travail - parce qu’un plus grand nombre d’entre eux sont étudiants et que les jeunes en France travaillent beaucoup moins à mi-temps quand ils font leurs études que les jeunes américains. Ceux qui sont absents du marché du travail ne sont comptés ni dans le numérateur ni dans le dénominateur des taux de chômage.

Une meilleure façon de comparer consiste donc à prendre le nombre de chômeurs et de le diviser par la population dans la tranche d’âge 15 à 24 ans. On obtient alors un taux de chômage américain de 8,3% contre 8,6% pour les français. On voit que les deux pays ont un sérieux problème de chômage chez les jeunes, lequel se concentre par ailleurs dans les minorités ethniques. Mais le problème n’est pas sensiblement pire en France qu’aux Etats-Unis.

Nicolas Sarkozy propose de rendre les licenciements plus faciles, de baisser les impôts (y compris ceux frappant les successions), de revenir en fait sur la semaine de 35 heures, ainsi que d’autres mesures qui favoriseront les salariés à revenus élevés et les chefs d’entreprises. Ces mesures redistribueront les revenus vers le haut, comme cela est le cas aux Etats-Unis depuis plus de 30 ans. Mais, encore une fois, il y a peu ou pas de preuves économiques que ces mesures créeront des emplois ou de la croissance.

Ségolène Royal propose quant à elle une série de mesures pour stimuler la demande à travers toute l’économie - y compris une augmentation du salaire minimum, des allocations de chômage et la création d’emplois publics. Tout ceci a un sens économique, puisque les mesures de madame Royal offrent au moins la possibilité - principalement en stimulant la demande dans son ensemble et le pouvoir d’achat des consommateurs - de créer des emplois.

Si, par cette élection, la France marque un tournant historique vers la droite, ce sera dû principalement à de la désinformation économique.

Mark Weisbrot est Co-Directeur du “Center for Economic and Policy Research”, à Washington, DC.


  Source : Center for Economic and Policy Research www.cepr.net/index.php

23:15 Publié dans Economie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Sarkozy, médias, économie | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!