Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

01/05/2013

Jean-Michel Carré «La Chine ne subit pas 
la bureaucratie néolibérale»

documentaire, chine, pcc, jean-michel carréArte a diffusé  Chine, le nouvel empire, de Jean-Michel Carré (1). Un documentaire magistral, qui présente une société éminemment contradictoire, mais porteuse d’espoir.

En donnant la parole à des Chinois de différents horizons, votre documentaire présente une société chinoise plutôt bouillonnante de débats, de réflexions… Comment expliquer que cette vitalité ne soit pas davantage prise en compte dans les discours tenus en Occident sur la Chine ?

documentaire, chine, pcc, jean-michel carréJean-Michel Carré. C’est une vraie question, que je me pose encore ! Je crois qu’il y a une profonde méconnaissance de ce qu’est la Chine aujourd’hui. Beaucoup d’Occidentaux en parlent comme s’il s’agissait encore d’un pays du tiers-monde. Bien sûr, ils ont vu avec les jeux Olympiques de Pékin, en 2008, ce dont la Chine est capable. Ils entendent dans les médias que cet immense pays est devenu la deuxième puissance économique mondiale. Pourtant, ils passent à côté du dynamisme chinois et ne comprennent pas le besoin des Chinois de manifester leur puissance. Pour remédier à cette incompréhension, je crois qu’il n’y a pas de meilleure voie que la mise en perspective historique.

C’est ce que j’ai entrepris avec ce documentaire. Je suis remonté un siècle et demi en arrière, car beaucoup de Chinois me parlaient de l’humiliation des guerres de l’opium (1839-1842, puis 1856-1860), qui s’est transmise de génération en génération. On est enclin à oublier cet épisode où le Royaume-Uni impose à la Chine le commerce de l’opium, suivi quelques années plus tard par les puissances occidentales (France, Allemagne, États-Unis, 
Russie) et le Japon où chacune pille et commerce à son gré. Mais les Chinois, eux, n’ont pas oublié. Ce n’est pas du tout qu’ils veuillent aujourd’hui se venger. Ils veulent simplement dire au monde que ce genre d’humiliation ne leur arrivera plus. Et comme tous les autres peuples, ils aspirent à vivre mieux. Cela se manifeste dans leurs relations avec l’extérieur, mais aussi à l’intérieur du pays, par une montée en puissance des luttes. Il y a environ 300 grèves ou manifestations par jour en Chine, et nous n’en parlons quasiment pas.

À ce propos, vous soulignez que lorsque le gouvernement central, suite à des luttes sociales, a décidé en 2012 de relever le salaire minimum, les multinationales occidentales ont protesté…

Jean-Michel Carré. Oui, absolument. Et c’est essentiel de le rappeler. Beaucoup d’ouvriers en France et en Europe en général peuvent avoir l’impression que les ouvriers chinois leur prennent du travail. Or il faut se rappeler que ce sont les chefs d’entreprise occidentaux qui sont allés en Chine pour faire plus d’argent, en profitant des bas salaires. Ce sont eux les vrais responsables des difficultés endurées par les travailleurs européens, pas les Chinois ! Et actuellement, ces patrons multiplient les pressions contre le gouvernement chinois pour tenter de freiner les progrès sociaux, tout en rêvant à une immensité de nouveaux consommateurs, alors que la récession aggrave la situation des salariés de nos pays.

documentaire, chine, pcc, jean-michel carréSans taire les problèmes (corruption, inégalités, autoritarisme…), vous pariez sur la capacité des Chinois 
à inventer une alternative au système capitaliste mondial…

Jean-Michel Carré. Pour dire les choses de manière un peu abrupte : je pense qu’un peuple qui a analysé le marxisme et reste influencé par le confucianisme ne peut pas être mauvais. Le confucianisme est une sorte de spiritualité laïque, centrée sur la vie terrestre et le bien des générations futures, la transmission… Combiné à l’intérêt pour le marxisme, toujours étudié à l’école, cela donne un certain sens du collectif. La Chine utilise des procédés capitalistes, mais elle n’est pas un pays capitaliste au sens strict. Bien sûr, il y a des milliardaires, de la corruption, des injustices flagrantes. Mais il y a aussi, dans le même temps, un sens du pouvoir de la politique. Aujourd’hui, en Occident, ce sont les financiers qui ont pris le pouvoir. Pas en Chine, où l’État garde un contrôle sur de nombreuses entreprises, le système bancaire, l’énergie… Dans les pays occidentaux, quand il s’agit de réaliser des investissements, il y a toujours des freins, des financiers qui ne veulent entendre parler que de profits immédiats. La Chine ne subit pas toute cette bureaucratie néolibérale.

L’une des pierres d’achoppement diplomatique entre l’Occident et la Chine reste la question du Tibet. Or, sur ce point, une séquence du documentaire rappelle les manœuvres de la CIA en 1956 
pour créer des dissensions dans cette province afin de déstabiliser 
la Chine communiste…

Jean-Michel Carré. Oui, tout à fait. Et je tiens beaucoup à cette séquence, n’en déplaise à ceux qui, ici en France, ne manqueront pas de m’attaquer sur le sujet. Je ne fais que rappeler des faits, à partir d’archives audiovisuelles auxquelles j’ai pu avoir accès. Et n’oublions pas que, quand l’armée de libération de Mao est arrivée au Tibet, elle a découvert une théocratie moyenâgeuse où régnait encore l’esclavage. Rappelons aussi qu’avant les manœuvres américaines, les relations entre les Tibétains et le gouvernement central n’étaient pas faites d’hostilité. Le dalaï-lama fut même nommé vice-président de l’Assemblée nationale populaire et se déclarait « bouddhiste marxiste ». La Chine, sur cette question, continue de subir l’ostracisme occidental.

Dans votre documentaire, vous rappelez un slogan de Mao : 
«Faites la révolution, pas la production», renversé par Deng Xiaoping : «Faites la production, 
pas la révolution.» La tension entre ces deux visions caractérise-t-elle encore la Chine d’aujourd’hui ?

Jean-Michel Carré. Les Chinois sont soucieux qu’on ne perde pas de vue certaines valeurs liées au « vivre ensemble ». L’un de mes interlocuteurs, un philosophe chinois qui apparaît dans les trois volets de mon documentaire, résume bien, par sa propre évolution, la situation. Dans la première partie, il explique pourquoi il a d’abord été maoïste ; dans la deuxième, il revient sur son passage au pragmatisme économique de Deng Xiaoping ; dans la troisième, il affirme que la bonne voie est un équilibre entre les deux, entre le besoin d’un « vivre ensemble » authentique et la nécessité du travail productif.

Entretien avec le journal l'Humanité

 

15/04/2013

THATCHER : UN MONSTRE POLITIQUE !

royaume-uni, irlande, margaret thatcher, bobby sands, irlande du nord, IRAMargaret Hilda Thatcher,(Royaume-Uni),né le 13 octobre 1925 et morte le 8 avril 2013 à Londres. Premier ministre de 1979 à 1990.

Par José Fort, ancien responsable de la rubrique Monde de l'Humanité.

Nous ne pleurerons pas Mme Thatcher. Cette fille d’épicier a consacré toute sa vie politique à détruire le monde ouvrier, à laisser mourir des patriotes irlandais, à privilégier la caste des riches, à casser les plus pauvres.

La politique atlantiste de cette forcenée de l’ultra libéralisme fabriquée dans le même moule que Reagan restera dans l’Histoire non pas comme "La dame de fer" mais plutôt comme "la préposée aux sales coups".

Renaud avait vu juste lorsque dans un de ses célèbres textes, il écrivait :

"Les assassins sont tous des frères
Pas une femme pour rivaliser
A part peut être madame Thatcher"

Ou encore :

"Moi je me changerai en chien si je peux rester sur terre
Et comme réverbère quotidien
Je m’offrirai madame Thatcher"

Miss Maggy de Renaud

En regardant la photo de l’ancienne Première ministre britannique plusieurs images me viennent à l’esprit. Le film Les Virtuoses de Marc Herman et ces chômeurs devenus musiciens de fanfare. Mme Thatcher au nom du libéralisme économique a cassé l’industrie britannique favorisant la finance. Des régions entières sinistrées, les villes fantômes des mineurs relégués dans l’oubli, les syndicalises pourchassés, les services publics démantelés.

Vous souvenez-vous des patriotes irlandais en lutte ?
De Bobby Sands crevant dans sa cellule après 66 jours de grève de la faim sans un geste d’humanité de Mme Thatcher ?
Vous souvenez-vous de la guerre des Malouines, une expédition coloniale menée malheureusement avec le soutien politique de la France ?
Vous souvenez-vous de sa morgue et de sa haine à peine cachée du monde et des peuples en mouvement ?
On dit que cette dame souffrait de la maladie d’Alzheimer. Cela lui aura au moins permis d’oublier son sinistre parcours politique.

Deux jours avant les funérailles de Margaret Thatcher, la chanson "Ding Dong! The Witch Is Dead" (Ding Dong! La sorcière est morte), s'est hissée en deuxième position du palmarès en Grande-Bretagne. Les démonstrations de joie se sont succédées ce week-end pour fêter la disparition de la Dame de fer.

12/04/2013

"La publication de leur patrimoine par les politiques est une mascarade"

pincon.jpgDans la presse, sur leur compte Twitter ou sur leur blog, de plus en plus d'élus et de ministres publient leur déclaration de patrimoine, en gage de transparence, dans la foulée de l'affaire Cahuzac. Une opération de communication et de diversion, juge la sociologue Monique Pinçon-Charlot, auteure avec Michel Pinçon de L'Argent sans foi ni loi (Textuel).

Francetv info : Que vous inspire la publication de leur patrimoine par certains responsables politiques ?

Monique Pinçon-Charlot : C'est une mascarade. Les hommes politiques jouent la transparence individuelle, mais ce n'est pas ce qu'on leur demande. Cette stratégie de communication leur permet de cacher le problème de la responsabilité collective de la classe politique. Ce qu'il faut, c'est un arsenal législatif qui empêche les politiques de s'accaparer le bien commun : une loi d'embargo sur les paradis fiscaux et des moyens pour lutter contre la fraude fiscale.

Certains éléments de ces déclarations vous ont-ils interpellée ?

Quand je lis : "Une Peugeot 5008 de 2012 estimée à 23 000 euros à l’argus" [un élément de la déclaration du député UMP Bruno Le Maire], cela me fait rigoler. Ça n'a aucun intérêt. C'est naïf et populiste. Dans la tempête, ils veulent montrer qu'ils sont simples, modestes, qu'ils font du vélo… Une fois encore, ce n'est pas ce qu'on leur demande. Empêcher les plus riches d'avoir des comptes offshore, le trou noir du capitalisme, me paraît autrement plus important.

Cette démarche n'est-elle pas une avancée vers une plus grande transparence et une meilleure lutte contre la fraude ?

Non. Un des moyens de lutter efficacement contre les fraudes serait d'avoir une assemblée plus représentative de la population française, et plus seulement des personnes issues du même milieu favorisé, en connivence avec les milieux financiers. Pour cela, il faudrait une transformation en profondeur du système électif, avec le vote obligatoire et la limitation du nombre de mandats des élus pour en finir avec les carrières politiques. Avec des députés ouvriers, employés, universitaires, élus pour un temps court, on éviterait les petits arrangements entre amis.

Propos recueillis par Lorraine Kihl pour France Info

28/03/2013

«Chypre restera comme le cobaye de la zone euro»

 	Entretiens, bce, Banques, austérité, fmi, dette publique, chypre, troïka, aides européennesChypre, envoyé spécial de l'Humanité. Stavros Evagorou, député et responsable du secteur économique du parti communiste (AKE L), évoque le mauvais rôle joué par Bruxelles dans la crise, alors que les banques chypriotes vont rouvrir ce jeudi après l'adoption de restrictions inédites dans la zone euro, censées limiter les effets d'une éventuelle panique bancaire.

Chypre est-il un paradis fiscal ?

Stavros Evagorou. Plusieurs mois avant la décision de l’Eurogroupe de taxer tous les dépôts, les media allemands ont propagé des accusations fausses contre Chypre. Notre pays serait un paradis fiscal, un centre de blanchiment d’argent… Ces journaux écrivaient sur les oligarques russes. Pourtant nous avons le même taux d’imposition sur les sociétés que la Bulgarie, un taux proche de l’Irlande et supérieur à celui de Malte. Pourquoi donc s’acharner sur Chypre? Aux Pays-Bas, il y a trois fois plus d’argent russe déposé qu’à Chypre. Et deux fois plus au Luxembourg. Il ne me semble pas que là-bas, les Russes soient prolétaires. Notre système bancaire a été inspecté par Moneyval, une institution du Conseil de l’Europe chargée de la lutte contre le blanchiment d’argent. Nous avons une note meilleure que l’Allemagne. Nous sommes les septièmes dans la zone euro. S’ils insistent pour détruire notre système financier, ce n’est pas parce qu’ils ont quelque chose contre les Chypriotes. Ils ciblent les Russes. Ces derniers jours, des délégations de banquiers allemands ou de la zone euro se rendent à Chypre pour convaincre les investisseurs russes de transférer leur argent dans leur pays.

Akel estime que la troïka « asservit » Chypre. Pourquoi une telle expression ?

Stavros Evagorou. Chypre restera dans l’histoire économique comme le cobaye de la zone euro. Suite à un accord avec l’UE, nous avons voté depuis 2011, trente-cinq lois comprenant des mesures d’austérité, telles que des baisses de salaires. Nous n’avons pas encore reçu un euro. L’accord de l’Eurogroupe lundi avec le président de la République Nicos Anastasiades, n’est pas la fin de la route. Ce n’est que le début. Il y aura des privatisations et de nouvelles mesures d’austérité. Ces mesures sont appliquées en Grèce, au Portugal. Elles ont conduit ces peuples à la pauvreté, leurs pays à la récession.

Akel demande que Chypre évalue les solutions en dehors du cadre de la troïka. Qu’entendez-vous ?

Stavros Evagorou. Prendre nos propres mesures, mais en dehors du cadre de la troïka. Peut-être souffrira-t-on autant. Mais nous n’aurons pas, à chaque étape de notre vie quotidienne, dans les institutions, les ministères, les représentants de la troïka qui nous dictent ce qu’il faut faire. La chancelière Angela Merkel est la représentante d’une doctrine qui augmente le chômage au Sud et draine l’argent vers le Nord. Malheureusement, François Hollande est devenu, comme on l’appelle ici, le « politicien invisible ». De nombreuses voix demandent maintenant d’abandonner la zone euro. Ce n’est pas ce que nous disons. Car c’est une voie très dure. Ce ne serait pas sage, de la part de mon parti, sans avoir les cartes en main, de dire qu’il faut en sortir. Mais il faut étudier les coûts respectifs du fait de rester dans le cadre de la troïka et du fait de sortir de l’euro.

Le président Dimitris Christofias, membre d’Akel et au pouvoir jusqu’à fin février, n’est pas parvenu à faire voter par le Parlement une augmentation de l’impôt sur les sociétés. A-t-il tenté de réformer le système bancaire ?

Stavros Evagorou. Il a tenté de convaincre le précédent gouverneur de la Banque centrale de Chypre – c’est pour cette raison que les relations entre eux n’étaient pas bonnes – de restructurer le système bancaire. Le gouvernement peut dire qu’il faut restructurer le système bancaire. C’est tout. Une restructuration passe par des décisions de la Banque centrale, qui est indépendante. Or celle-ci a autorisé l’expansion des banques en Grèce, en Russie et en Serbie. Ce que critiquait Akel. Quand nous critiquions le gouverneur, le parti de droite Disy de l’actuel président Nicos Anastasiades disait : « Ne touchez pas à l’indépendance de la Banque centrale ». La loi sur la restructuration du système bancaire, votée vendredi, accorde enfin des pouvoirs au ministère de l’Economie. Elle était préparée par le précédent gouvernement, pour appliquer les consignes de la BCE.

Quelles sont ces trente-cinq lois d’austérités prises depuis 2011, y compris donc, lorsque vous étiez au gouvernement ?

Stavros Evagorou. Il s’agit de baisse de salaires et des pensions au-delà d’un certain montant. La troïka est aveugle: elle nous demandait de diminuer le nombre de fonctionnaires de 6.000 alors qu’ils sont 52.000. On s’est rendu compte qu’il manquait des infirmières, des docteurs, sans qu’on puisse en recruter de nouveau. On nous a empêchés de choisir dans quel secteur agir. Nous n’avions d’autre choix, du fait du mémorandum avec la troïka et l’UE. La meilleure voie aurait été d’investir l’argent disponible pour développer le pays. Mais cette possibilité était caduque du fait de la crise internationale, de la dette et des banques. Le problème de Chypre, ce n’était pas les finances publiques. Du fait des mesures prises, nous avons eu un surplus budgétaire. Si vous avez 5% de déficit public et 70-75% de dette publique, avec quelques mesures, vous pouvez reprendre la voie du développement. Le problème de Chypre, ce n’était pas la dette publique, mais celle du secteur bancaire. Sa faillite est la conséquence des mauvaises décisions prises par nos partenaires européens: l’annulation partielle de la dette grecque qui a fait perdre à nos banques 4,5 milliards d’euros en une nuit. C’est d’ailleurs plus ou moins la somme réclamée aujourd’hui par l’Eurogroupe.

Avez-vous pris des mesures sociales ?

Stavros Evagorou. Nous avons introduit un quatorzième mois pour les petites retraites, augmenté les allocations pour les familles nombreuses ou monoparentales. La contribution sociale pour les étudiants a progressé. Même après les mesures d’austérité, la progression des fonds sociaux reste aujourd’hui de 12% par rapport à ce qui existait précédemment.

Sur quelles bases peut se reconstruire Chypre ?

Stavros Evagorou. Ce qui reste doit être sauvé. Ensuite, on peut transformer notre île en pays de services, en développant nos systèmes de santé et d’éducation, nos services d’audits, nos services légaux. L’activité bancaire peut jouer un rôle, mais avec un secteur plus petit. Une petite progression peut exister dans des secteurs spécifiques tels que la pharmacie ou l’hi-tech. Il faut développer notre secteur gazier et pétrolifère. Enfin, vue notre situation géographique, nous pouvons améliorer notre aéroport et nos ports. La Chine veut des installations navales pour ses exportations. Chypre trouvera à nouveau sa voie. Les Chypriotes sont des travailleurs. Nous réussirons.