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16/07/2008

Dounia Bouzar « La burqa, une barrière entre soi et le reste du monde »

Justice . Anthropologue du fait religieux, Dounia Bouzar (1) estime juste la décision du Conseil d’État de confirmer le refus d’octroyer la nationalité française à une femme portant le voile.

burqa.jpgC’est une première en France : le Conseil d’État a confirmé, fin juin, le refus d’octroyer la nationalité française à une femme portant le niqab (2), communément appelé burqa en France. La plus haute juridiction administrative, saisie d’une demande d’annulation d’un décret pris en 2005 par le gouvernement, a estimé que la Marocaine Faïza M., « a adopté, au nom d’une pratique radicale de sa religion, un comportement en société incompatible avec les valeurs essentielles de la communauté française, et notamment le principe d’égalité des sexes ». Habitant dans l’Hexagone depuis 2000, cette Maghrébine, mariée à un ressortissant français et mère de trois enfants nés ici, se serait présentée en voile recouvrant tout le corps, y compris le visage et les mains, lors de plusieurs entretiens avec les services sociaux et la police, en vue de sa demande de naturalisation. Une pratique revendiquée par ce couple qui admet « spontanément » son appartenance au courant intégriste, le salafisme. Entretien avec Dounia Bouzar, anthropologue du fait religieux, ancienne personnalité qualifiée du Conseil français du culte musulman (CFCM).

Estimez-vous juste la décision du Conseil d’État ?

Dounia Bouzar. La burqa n’est pas un signe religieux, c’est un uniforme qui symbolise une vision du monde où l’on s’auto-exclut, où l’on exclut les autres. On met une barrière infranchissable entre soi et le reste du monde. Puisque la nouvelle loi exige une certaine adhésion aux « valeurs de la République », cela ne me semble pas étonnant que les juges aient estimé que les valeurs de cette personne sont incompatibles avec un minimum requis. Mais pas uniquement à cause de la burqa, plutôt à cause de l’idéologie qui sous-tend la mouvance « salafiste »… Au-delà du cas de cette Marocaine, accorder la nationalité française aurait fait des terres occidentales un lieu privilégié pour le développement de cette secte interdite au Maghreb, qui endoctrine les femmes pour multiplier d’un seul coup des cellules familiales entières.

Pouvez-vous définir ce qu’est le salafisme ?

Dounia Bouzar. Ces groupuscules qui se disent musulmans utilisent l’islam pour fabriquer des frontières mentales entre les adeptes et le reste du monde : les non-croyants, les croyants non musulmans, mais aussi les autres musulmans qui ne sont pas comme eux. Comment ? En arrachant les individus à tous ceux qui assurent traditionnellement leur socialisation : enseignants, éducateurs, animateurs, parents et même… imams ! Car il s’agit d’exacerber les différences avec « les autres », c’est-à-dire tous ceux qui n’adhèrent pas à la secte. À l’intérieur du groupe, les uns ne doivent pas se distinguer des autres, le « je » doit devenir un « nous », sans différenciation. On retrouve bien là de nombreux critères de la définition de la secte du rapport parlementaire de 1996 : « déstabilisation mentale, rupture induite avec l’environnement d’origine, atteinte à l’intégrité physique, embrigadement des enfants, discours plus ou moins antisocial, troubles à l’ordre public… » Depuis la nuit des temps, l’histoire des sectes est la même : ces groupuscules, porteurs de valeurs apparemment religieuses, sont des organes qui se coupent des « Églises » en même temps qu’elles se mettent à distance de la société dans laquelle elles veulent se répandre. Elles sont une force de rupture puisqu’elles reprochent aux Églises d’avoir perdu leur authenticité originelle à force de compromis avec la société et d’alliance avec la puissance politique.

Pourtant, le motif invoqué par la décision juridique est que cette femme « a adopté une pratique radicale de sa religion, incompatible avec notamment le principe d’égalité des sexes »…

Dounia Bouzar. Là, c’est très grave. Voilà encore un exemple où les instances républicaines reprennent au pied de la lettre les définitions de l’islam des intégristes. En serait-il de même si un Mexicain se reconnaissant « Serviteur de la Rose-Croix » demandait la nationalité française ? Espérons qu’elle lui soit refusée, mais il ne viendrait à l’idée de personne de spécifier que cet homme a adopté « une pratique radicale de la religion chrétienne… » La terre entière saurait d’un même mouvement que le pauvre bougre s’est fait endoctriner par des charlatans. Refuser la burqa, c’est respecter l’islam, à condition de ne pas relier les deux ! Car, en agissant ainsi, on renforce le pouvoir de cette secte intégriste ! Et c’est ce qu’ils veulent ! ! !

Comment expliquez-vous cet amalgame entre salafisme et islam existant au sein même des hautes institutions de la République ?

Dounia Bouzar. Ce n’est pas la première fois que la République française laisse les intégristes définir l’islam. Rappelons-nous que déjà, en 2005, un juge avait relaxé un imam salafiste qui appelait à la violence contre les femmes, en argumentant que l’imam « s’est limité à expliquer ce que dit sa religion au travers du Coran et [que] le tribunal n’a pas à pénétrer dans le for intérieur de la religion ». Plus récemment, le fameux jugement du tribunal de Lille acceptant de considérer la virginité comme « qualité essentielle » de la mariée pose le même type de questionnement : la justice a-t-elle cru ainsi « respecter les valeurs de l’islam » ? Normalement, la laïcité est là pour lutter contre les systèmes moyenâgeux qui autorisent des hommes à se servir de Dieu pour édicter des lois prétendument divines qui les arrangent ! L’islam est perçu comme une religion archaïque, ce qui entraîne de la part des institutions une double posture contradictoire : soit elle est diabolisante et discriminatoire envers tout pratiquant, soit au contraire elle devient hyperlaxiste parce qu’on « les » considère comme des sauvages pas totalement civilisés envers qui il faut faire preuve de tolérance.

Certains estiment que le Conseil d’État applique dans cette affaire la double peine, dans le sens où l’épouse est victime à la fois de son mari et de l’État français. Qu’en pensez-vous ?

Dounia Bouzar. Je ne pense pas que ça lui rendrait service, ni à elle ni aux autres, de faire comme si de rien n’était. C’est bon pour elle qu’on s’arrête, qu’on soit choqué, qu’on s’étonne. Cela va l’obliger à se poser des questions sur quelque chose qu’elle voudrait présenter comme une simple application de sa religion. Le refus du Conseil d’État va l’obliger à élaborer une pensée sur ce qu’elle voulait présenter comme un automatisme. Et si elle recommence à penser, elle est sauvée… C’est comme ça qu’on peut aider quelqu’un à sortir d’une secte : en le remettant dans une position de sujet pensant, en introduisant une faille dans sa vision du monde, en le déstabilisant. Il n’existe pas d’autre moyen.

(1) Dernier ouvrage paru : Allah, mon boss et moi, éditions Dynamique

Diversité, avril 2008.

(2) Absent du langage coranique, le niqab provient du verbe naqaba (perforer).

On l’appelle ainsi pour les petits trous faits dans le masque pour permettre à la femme de « voir ».

Entretien réalisé par Mina Kaci, pour l'Humanité

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09/04/2008

« L’exaspération sociale est le ressort du mouvement au Tibet »

38028749.jpgEntretien avec Élisabeth Maertens, auteur d’une Histoire du bouddhisme tibétain. La compassion des puissants.

Élisabeth Martens renvoie un autre éclairage de ce qui se joue depuis plusieurs centaines d’années sur le Toit du monde.

Comment êtes-vous venue à la Chine et au Tibet ?

Élisabeth Martens. Je suis partie durant trois ans en Chine, de 1988 à 1991 après des études de biologie en Belgique, pour me spécialiser en médecine traditionnelle chinoise. J’ai voyagé dans le pays et au Gansu et j’ai été interpellée par la culture et le bouddhisme tibétains au grand monastère de Labulang si différents de la culture chinoise des Han. Je suis retournée régulièrement au Tibet et dans les régions voisines où vivent des communautés tibétaines, Sichuan, Gansu, Qinghai et Yunnan. La dernière fois, en été 2007.

Qu’est ce qui vous a amené à avoir aujourd’hui un discours qui porte un autre regard sur la question tibétaine telle qu’elle est présentée en Occident ?

Élisabeth Martens. Quand je suis revenue en Europe, on parlait énormément du bouddhisme tibétain parce que le dalaï-lama avait reçu le prix Nobel de la paix en 1989. J’ai été touchée de la différence entre ce qui se disait ici et ce que j’avais vécu. Il y avait et c’est toujours le cas un discours du « politiquement correct » sur le Tibet qui fait fi des sources historiques de ce conflit. Il n’est pas facile de faire entendre une autre voix. C’est comme s’il y avait deux camps qui s’affrontent. Je n’ai pas envie d’être considérée comme appartenant à l’un ou l’autre. Je ne suis pas plus prochinoise que protibétaine. Mais les événements actuels forcent à une réflexion pour sortir de cette confrontation caricaturale dans un débat biaisé.

Depuis des siècles, le Tibet est un enjeu entre les différentes puissances régionales puis mondiales. Quel est le contenu de cette dimension politique ?

Élisabeth Martens. Au XIIIe siècle, le Tibet est annexé à la Chine par les Mongols, et au XVIIIe les Mandchous ont divisé leur empire chinois en 18 provinces, dont la province tibétaine. Fin du XIXe, l’empire britannique envahit le Tibet et y installe ses comptoirs de commerce. Le dalaï-lama de l’époque, prédécesseur de l’actuel, voit dans l’occupation anglaise du Tibet une opportunité pour revendiquer l’indépendance. Or la Chine du début du XXe est soumise à un dépeçage mené par les pays occidentaux. Épisode toujours vivant dans la mémoire chinoise et la République reste inflexible. En 1949, avec l’avènement de la République populaire, le gouvernement de Pékin réaffirme les frontières chinoises. Dès 1956, une rébellion armée est organisée dans plusieurs monastères tibétains Cette rébellion armée est dès ces débuts soutenue financièrement et logistiquement par la CIA. Un rapport de l’Office des affaires étrangères américain de l’époque est explicite : « Le Tibet devient stratégiquement et idéologiquement important. Puisque l’indépendance du Tibet peut servir la lutte contre le communisme, il est de notre intérêt de le reconnaître comme indépendant. (…) Toutefois, ce n’est pas le Tibet qui nous intéresse, c’est l’attitude que nous devons adopter vis-à-vis de la Chine. » Les émeutes qui ont eu lieu ce mois de mars 2008 doivent être analysées dans un contexte économique en tout premier lieu mais sans oublier que le Tibet reste un des terrains de combat entre les États-Unis et la Chine, depuis longtemps.

Certains Tibétains réclament l’indépendance, d’autres l’autonomie. Quel est le rapport de force au sein du mouvement ?

Élisabeth Martens. Au sein de la communauté tibétaine en exil, une scission est de plus en plus évidente : d’une part, il y a les modérés, dont le dalaï-lama, qui parle « d’autonomie poussée ». C’est une fraction majoritaire au sein du gouvernement en exil, et il y a les radicaux qui exigent une indépendance totale. Jusqu’à présent la demande d’indépendance a été sans suite : ni les Nations unies ni aucun pays n’ont jamais reconnu le Tibet comme État indépendant.

On a parlé de génocide du peuple tibétain, qu’en est-il ?

Élisabeth Martens. Après la révolte de 1959, les autorités du bouddhisme tibétain en exil ont avancé le chiffre de 1,2 million de morts. Plusieurs études démographiques ont démontré par la suite qu’il y avait eu manipulation. Patrick French, ex-directeur de Free Tibet, a été vérifier sur place, à Dharamsala. Après avoir compulsé longuement les documents « officiels » qui ont servi à avancer ce nombre, il s’est rendu compte de la falsification et a démissionné de ses fonctions. Il raconte cet épisode dans son livre Tibet, Tibet.

Vous réfutez l’opposition ethnique des émeutes et mettez l’accent sur une colère sociale ?

Élisabeth Martens. Si les manifestations ont été aussi fortes c’est qu’elles étaient aussi nourries par l’exaspération économique et sociale qui est le ressort interne du mouvement. Beaucoup de Tibétains en majorité des jeunes sont des laissés-pour-compte des avancées économiques de la Chine. Comme partout dans le pays, les inégalités se font de plus en plus criantes. Mais il y a une spécificité du Tibet. Beaucoup de Chinois han et hui (musulmans) viennent s’y installer pour travailler et surtout y gagner de l’argent. Ceux qui profitent du gros des énormes investissements que le gouvernement central injecte dans la province. Beaucoup de jeunes Tibétains sont chômeurs. Ils manquent d’instruction et de qualification. Ils viennent de la campagne et ont juste suivi l’école primaire. Les Han qui viennent travailler au Tibet sont des techniciens qualifiés, des universitaires ou des cadres, et bien sûr des commerçants. Amener les Tibétains à se former serait un moyen de diminuer l’inégalité sociale. Il ne s’agit pas du seul développement économique du Tibet mais aussi du développement social des Tibétains.

Entretien réalisé par Dominique Bari article paru dans l’Humanité du 8 avril 2008

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23/02/2008

Pouvoir d'achat : les prix s'envolent, pas les salaires ?!

Avec l’explosion du prix du pétrole et des produits alimentaires, l’inflation a atteint des sommets inégalés depuis seize ans selon les indices des prix (+2,8%).

Entretien accordé à Humanite.fr par Philippe Moati, directeur de recherche CREDOC et co-auteur du rapport "Mesurer le pouvoir d’achat".

d83021aa857e4b094e039a714e54339e.jpgLe professeur d’économie Philippe Moati, directeur au Centre de Recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (CREDOC), co-auteur du rapport « Mesurer le pouvoir d’achat » pour le conseil d’analyse économique commente les derniers chiffres conjoncturels.

L’inflation est en hausse et la consommation en baisse en janvier, cette situation était-elle prévisible ?

Cela fait un moment que l’on assiste à ce frémissement. C’est surtout la violence avec laquelle surviennent ces données d’autant que, selon de nombreux observateurs, le processus de hausse des prix n’est pas terminé concernant les produits alimentaires. En effet, les négociations annuelles qui vont déterminer les « produits transformés » sont en cours…

Faut-il s’attendre à des hausses supplémentaires ?

Cela n’est pas exclu dans les prochains mois. Cette hausse serait toutefois tempérée par l’application de la loi Chatel qui permet aux distributeurs de répercuter intégralement la marge arrière dans les prix de vente au consommateur. Mais la plupart des observateurs s’accordent à penser que cet effet va être masqué par les hausses sur les matières premières.

Cela concerne également le prix du pétrole ?

Vous avez raison pour les ménages cela forme un tout. On assiste à la fois à une poussée des prix des produits alimentaires qui représentent tout de même 15% des budgets des ménages et du prix du pétrole qui conditionne le prix de l’essence et les dépenses de chauffage. Ce sont deux postes importants dans la consommation qui continuent de croitre. Jusqu’à présent, j’ai tenu un discours assez ferme sur les chiffres du pouvoir d’achat entre le ressenti et les indices publics. Selon moi, dans les années récentes, ces données traduisaient bien une croissance continue du pouvoir d’achat même si elle était légère. La question du pouvoir d’achat était essentiellement basée sur la perception par certaines catégories. Aujourd’hui, force est de constater une dégradation. En effet, je vois difficilement comment le pouvoir d’achat va pouvoir continuer à progresser à l’échelle macro-économique avec une telle inflation sur les produits de base. Dans ce cas là, il faudrait que les revenus progressent également et cela n’est pas à l’ordre du jour. Le niveau d’augmentation du point d’indice pour les salaires des fonctionnaires illustre cette tendance. Il va donc se produire un petit décalage.

Vu ce contexte de hausse des prix de base et pétroliers, comment percevez-vous la politique économique engagée par le gouvernement actuel ?

e6bb1a461223fa5ba5a26db8decc2bd7.jpgLa porte est extrêmement étroite quel que soit le gouvernement. La flambée des prix est en grande partie exogène. Elle est conditionnée par les grands marchés mondiaux. On peut condamner un certain nombre de mécanismes, notamment spéculatifs. Mais réduire le prix du pétrole et des matières premières ce n’est pas à la portée du gouvernement. Il est légitime de la part des salariés de demander une augmentation des salaires mais cela nous ferait revenir aux politiques d’indexation que l’on a connues par le passé légitimement revendiquées par certains mais dans l’orthodoxie économie actuelle : cela est considéré comme un épouvantail. Cela n’est pas totalement faux. Pour l’instant, nous avons une inflation qui peut être maîtrisée. Nous n’en sommes pas à une tendance inflationniste. Les prix ont poussé à un haut niveau, il vont continuer un peu. Il faut tenir compte des questions géopolitiques de croissance mondiale, d’épuisement des ressources naturelles.

Cette politique s’établit sur une prévision de 2% de la croissance. Pensez-vous que c’est envisageable ?

On fera sans doute moins. C’est donc difficile dans une économie qui croît peu d’envisager des hausses de revenus. Dans ce cas là, on risque vraiment d’entraîner une spirale inflationniste.

Quelle est la solution alors ?

La solution, je n’en ai pas. Celui qui l’a, serait élu président de la République. D’ailleurs, celui qui a fait croire qu’il l’avait a été élu et maintenant on voit ce qui se passe… Je pense que nous allons vivre en 2008 une hausse réelle du pouvoir d’achat. Cela va probablement se retrouver au niveau macro-économique et toucher une partie plus grande des ménages. Je ne vois pas les marges financières suffisantes pour compenser.

Les marges financières n’existent pas. Pourtant dans le même temps ce gouvernement a su débloquer les marges – plus de 14 milliards d’euros - en début de mandature ?…

Tout à fait mais maintenant il ne peut plus rien faire… On peut critiquer le passé mais si vous me demandez : qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui ? Entre la crainte de rentrer dans une spirale inflationniste et l’absence de moyens financiers pour venir soutenir ceux qui vont le plus souffrir de cette situation, je ne vois pas. On pourrait imaginer donner un petit coup de pouce – l’État – aux catégories les plus vulnérables comme le rapport Quinet l’indiquait en reprenant ce que nous avancions nous-mêmes dans notre rapport mais encore faut-il des moyens pour le faire.

N’y a t-il pas lieu de corriger et de revoir un système dans lequel les personnes vivent plus mal ?

Si vous portez une critique systémique, je suis prêt à en discuter… A ce propos, la réponse apportée par le gouvernement réside dans ce qui a été présenté dans le rapport Attali. Il est juste de se poser la question : comment gagner un point de croissance ? Soit on se dit le système est pourri et alors il faut savoir ce que l’on met à la place, soit on continue avec l’actuel et on essaie de voir comment faire pour gagner la croissance qui nous manque.

Propos recueillis par Pierre Chaillan pour Humanite.fr

20:31 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : L'Humanité, prix | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!

16/02/2008

EXCLUSIF : VICTOR HUGO S'EXPRIME A PROPOS DU PRESIDENT

E-Mosaïque : Vous semblez vous tenir très informé de l’actualité politique française. Quel regard portez-vous sur notre nouveau président ?

88da249ab004c27a80f1d98921643cdd.jpgVictor Hugo : Depuis des mois, il s’étale ; il a harangué, triomphé, présidé des banquets, donné des bals, dansé, régné, paradé et fait la roue… Il a réussi. Il en résulte que les apothéoses ne lui manquent pas. Des panégyristes, il en a plus que Trajan. Une chose me frappe pourtant, c’est que dans toutes les qualités qu’on lui reconnaît, dans tous les éloges qu’on lui adresse, il n’y a pas un mot qui sorte de ceci : habilité, sang-froid, audace, adresse, affaire admirablement préparée et conduite, instant bien choisi, secret bien gardé, mesures bien prises. Fausses clés bien faites. Tout est là… Il ne reste pas un moment tranquille ; il sent autour de lui avec effroi la solitude et les ténèbres ; ceux qui ont peur la nuit chantent, lui il remue. Il fait rage, il touche à tout, il court après les projets ; ne pouvant créer, il décrète.

E-Mosaïque : Derrière cette folle ambition personnelle décelez-vous une vision politique de la France, telle qu’on est en droit de l’attendre d’un élu à la magistrature suprême ?

Victor Hugo : Non, cet homme ne raisonne pas ; il a des besoins, il a des caprices, il faut qu’il les satisfasse. Ce sont des envies de dictateur. La toute-puissance serait fade si on ne l’assaisonnait de cette façon. Quand on mesure l’homme et qu’on le trouve si petit, et qu’ensuite on mesure le succès et qu’on le trouve si énorme, il est impossible que l’esprit n’éprouve quelque surprise. On se demande : comment a-t-il fait ? On décompose l’aventure et l’aventurier… On ne trouve au fond de l’homme et de son procédé que deux choses : la ruse et l’argent…Faites des affaires, gobergez-vous, prenez du ventre ; il n’est plus question d’être un grand peuple, d’être un puissant peuple, d’être une nation libre, d’être un foyer lumineux ; la France n’y voit plus clair. Voilà un succès.

E-Mosaïque : Que penser de cette fascination pour les hommes d’affaires, ses proches ? Cette volonté de mener le pays comme on mène une grande entreprise ?

Victor Hugo : Il a pour lui désormais l’argent, l’agio, la banque, la bourse, le comptoir, le coffre-fort et tous les hommes qui passent si facilement d’un bord à l’autre quand il n’y a à enjamber que la honte…Quelle misère que cette joie des intérêts et des cupidités… Ma foi, vivons, faisons des affaires, tripotons dans les actions de zinc ou de chemin de fer, gagnons de l’argent ; c’est ignoble, mais c’est excellent ; un scrupule en moins, un louis de plus ; vendons toute notre âme à ce taux ! On court, on se rue, on fait antichambre, on boit toute honte…une foule de dévouements intrépides assiègent l’Elysée et se groupent autour de l’homme… C’est un peu un brigand et beaucoup un coquin. On sent toujours en lui le pauvre prince d’industrie.

E-Mosaïque : Et la liberté de la presse dans tout çà ?

Victor Hugo (pouffant de rire) : Et la liberté de la presse ! Qu’en dire ? N’est-il pas dérisoire seulement de prononcer ce mot ? Cette presse libre, honneur de l’esprit français, clarté de tous les points à la fois sur toutes les questions, éveil perpétuel de la nation, où est-elle ?


*Toutes les réponses de Victor Hugo proviennent de son ouvrage « Napoléon le Petit », le pamphlet républicain contre Napoléon III.

23:20 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Victor Hugo, Sarkozy, entretien exclusif | |  del.icio.us |  Imprimer | | Digg! Digg |  Facebook | | Pin it!