14/10/2022
Conjuguer sciences, travail et environnement
Amar Bellal Rédacteur en chef de Progressistes
Il existe une autre conception du rassemblement que celle qui prétend le décréter par « le haut » uniquement : celle qui consiste à rassembler par les contenus, par ce que vivent les travailleurs de la science et des entreprises, par le réel, le défi du climat, du développement industriel, de la recherche.
Ainsi, lors de la Fête de l’Humanité, il y a un événement politique, le rassemblement de personnalités du monde scientifique, du monde du travail et de la défense de l’écologie, qui a lieu lors de la soirée repas de la revue Progressistes du jeudi soir.
C’est tout le défi du camp du progrès social que de réussir à articuler ces enjeux : celui du monde du travail, de l’emploi, de l’industrie, d’une part, celui du développement des avancées scientifiques et techniques, d’autre part, ainsi que celui des grandes questions environnementales et en premier lieu le défi climatique. Or, aujourd’hui, tout est fait pour les opposer.
On oppose le monde du travail, la production de richesses à l’environnement : la fameuse usine qui pollue mais sans laquelle nous devrions importer des produits du bout du monde. On oppose le progrès scientifique et technique aux emplois : la robotisation qui mettrait au chômage les salariés. On oppose la science à l’environnement en désignant des découvertes ou de possibles nouvelles technologies qui menaceraient l’environnement.
S’il est si facile d’opposer science, travail et environnement, c’est parce que tout est piloté par le capital au service des actionnaires, sans que les citoyens, les salariés aient vraiment leur mot à dire, sans qu’on mette en débat la finalité de la recherche scientifique. Alors que, au contraire, il faut articuler et conjuguer ces trois grands sujets. Cela implique que les salariés aient plus de pouvoir lors des prises de décisions stratégiques dans les entreprises, dans les instituts de recherche.
Cela demande de financer, à partir d’autres critères, notamment sociaux et environnementaux, le développement économique. Si on ne fait pas ce travail d’articulation, les discours de la gauche prioriseront la décroissance, la peur, la culpabilisation des gens et la dénonciation du progrès scientifique et technique.
Il se trouve que le PCF, parti historiquement attaché à ces enjeux, doit tenir prochainement son congrès : si ce grand moment d’intelligence collective permettait de faire émerger ne serait-ce que cette idée, ce serait déjà un énorme appui pour le monde du travail !
Reconstruire la gauche passe par le refus du populisme, quelle que soit sa forme, comme le populisme scientifique. Quand la gauche s’aventure dans le populisme, à la fin, le gagnant, c’est toujours l’extrême droite : il suffit de voir les ravages du populisme sanitaire aux Antilles, qui porte la gauche très haut au premier tour des dernières présidentielles, mais cela finit par un vote massif pour Le Pen au deuxième tour.
Évoquons aussi le populisme climatique, qui met en avant par exemple l’idée que 67 milliardaires émettraient autant de CO2 que 30 millions de Français en sous-entendant ainsi que cela solutionnerait 50 % du problème. C’est absolument faux. Le chiffre est farfelu. En réalité, leurs émissions propres correspondent à celles d’environ 100 000 Français, ce qui est déjà scandaleux. L’exagération vient du fait qu’on a tenu compte de toutes les productions industrielles qu’ils possèdent, productions que nous consommons tels l’acier et le ciment de nos logements, le pétrole brûlé dans nos voitures, etc.
C’est donc une présentation biaisée du problème. Dénoncer le train de vie des milliardaires – et il faut le faire, il faut légiférer – ne suffit donc pas pour résoudre la crise du climat… En effet, au-delà du symbole, on ne parle ici que de 0,1 % du problème.
La démagogie dans ce domaine provoque des dégâts durables : on se décrédibilise auprès des scientifiques et spécialistes qui connaissent le sujet, d’une part ; d’autre part, on prend du retard dans la bataille politique en se berçant d’illusions avec une solution toute trouvée.
Pour se relever, la gauche doit travailler à articuler science, travail et environnement, ce qui suppose de refuser toutes les formes de populisme.
19:27 Publié dans Connaissances, Economie, Planète, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : amar bellal, environnement, travail | |
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30/07/2022
PATRICK LE HYARIC : JE REVIENS DE PALESTINE

Lors de toutes les rencontres et séances de travail que nous avons eues avec de nombreuses associations israéliennes et palestiniennes de défense des droits humains, avec les responsables des camps de réfugiés, avec des députés palestiniens comme israéliens, avec les partis progressistes, avec des ministres, dont le Premier ministre, puis le conseiller diplomatique du président M. Abbas, nous avons entendu comme une supplique, comme un appel, comme un cri : « Ne nous laissez pas tomber ; interpellez votre gouvernement, les institutions européennes ; informez sur la situation que nous vivons ». C’est ce que nous faisons depuis. Nous avons adressé un compte rendu de nos visites et des messages ont été transmis à Mme la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, C. Collona, au haut représentant de l’Union européenne chargé des relations extérieures et de la sécurité, M. Josep Borrell, à des parlementaires. Tous nos interlocuteurs ont demandé de l’aide politique, des actes de solidarité, des mobilisations nouvelles tant ils ont comme nous, la conviction que la question de leur reconnaissance est passée au second plan depuis plusieurs années, dans une situation internationale plus que chargée. Tous, y compris les associations israéliennes et les parlementaires israéliens, nous ont interpellés sur la nécessité de faire respecter le droit international, et donc leur volonté de voir cohabiter un état de Palestine aux côtés de celui d’Israël, dans la sécurité et la paix. Dans tous les propos, nous n’avons décelé aucune détestation, aucune haine à l’encontre du peuple et des citoyens israéliens, malgré l’insupportable vie que leur fait subir le pouvoir des droites israéliennes.
C’est donc avec satisfaction que j’ai pris connaissance de la résolution déposée par 38 députés de gauche sur le bureau de l’Assemblée nationale, « visant à la condamnation de l’instauration d’un régime d’apartheid par Israël à l’encontre du peuple palestinien, tant dans les territoires occupés (Cisjordanie, incluant Jérusalem-Est, et Gaza) ». (Lire ici article de Pierre Barbencey dans L’Humanité du 25 juillet 2022 ) Celle-ci demande également à nouveau au pouvoir exécutif - donc à la France - de reconnaitre l’État de Palestine. Ce texte s’appuie sur le droit international et sur les rapports de trois grandes organisations non gouvernementales de défense des droits humains : Betselem (une ONG israélienne), Human Rights Watch et Amnesty International qui tour à tour, entre janvier 2021 et janvier 2022, ont rendu publics les résultats de leurs longues enquêtes. Ces rapports ont été déposés sur le bureau du comité pour l’élimination des discriminations raciales de l’Organisation des Nations Unies. Chacun conclut à l’existence d’un régime qualifié d’apartheid.
C’est exactement ce que nous avons constaté sur le territoire palestinien, occupé par un autre État, contre le droit international. La loi fondamentale israélienne modifiée a en effet fait passer Israël d’un « État juif et démocratique » à un « État-Nation du peuple juif ». Modification qui conduit l’article premier à énoncer que « Le droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est propre au peuple juif ». Comment mieux qualifier une identité nationaliste et excluante ? C’est au nom de cet article que les Arabes israéliens sont discriminés dans leur propre pays et que pour pouvoir circuler sur leurs terres, les Palestiniens doivent avoir dans leur poche une carte d’une certaine couleur qui ne les autorise à circuler seulement sur certaines parties du territoire. À mon souvenir, il existe cinq couleurs de ces cartes. Chaque Palestinien est donc selon le secteur où il habite, assigné à résidence. Les autres parties du territoire leur sont interdites. Même les voitures ont des couleurs différentes sur leurs plaques d’immatriculation. Si vous avez une plaque verte, c’est à dire Palestinienne, vous ne pouvez pas circuler sur les routes réservées aux Israéliens, vous subissez les affres des check-points et ne pouvez pas approcher des zones considérées comme Israélienne ! Par contre avec une plaque jaune, israélienne, vous êtes libre de circuler partout. Mais, où sont donc sont les partisans de la libre circulation des personnes ?
20:07 Publié dans Actualités, Planète, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : palestine, patrick le hyaric | |
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26/02/2022
Présidentielle 2022 : le programme de Fabien Roussel pour « la France des jours heureux »
11:51 Publié dans Actualités, Connaissances, International, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : programme, fabien roussel, pcf | |
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18/01/2022
André Chassaigne : « Il est illusoire d’espérer être au second tour »
ENTRETIEN. Le député communiste refuse de céder aux sirènes de la candidature unique et appelle la gauche à se recentrer sur ses fondamentaux.
Voilà bientôt vingt ans qu’André Chassaigne promène sa silhouette et sa moustache blanche dans les travées de l’Assemblée nationale. À la tête du groupe de la Gauche démocrate et républicaine depuis 2012, le député communiste du Puy-de-Dôme, qui se représentera en juin, affiche aussi un long parcours d’élu local commencé en 1977 à la mairie de Saint-Amant-Roche-Savine.
En vieux briscard, cet ancien professeur d’histoire-géographie, qui a été candidat à la présidentielle en 2012 face à Jean-Luc Mélenchon, porte un regard acéré sur le paysage politique national. Et s’il regrette l’état dans lequel gît aujourd’hui la gauche, il se félicite du discours parfois décapant du candidat de son cher Parti communiste, Fabien Roussel.
Le Point : Le climat général de la France n’est pas au beau fixe. On sent une défiance généralisée vis-à-vis des élus, vis-à-vis des institutions et même de la communauté scientifique. Comment analysez-vous cette séquence ?
André Chassaigne : Le rejet de la parole politique, qui se double d’un manque de confiance dans la parole scientifique, est un phénomène ancien. Cela vient du fait que la politique a perdu de son éthique. Trop souvent la politique est faite de promesses, notamment pendant les campagnes électorales, de petites phrases et de choix à court terme. Elle ignore les fondamentaux qui consistent à répondre aux besoins des gens. La parole politique ne se concrétise plus par des actes qui prennent en compte les réalités du quotidien. C’est ce qui s’est manifesté, en particulier avec le mouvement des Gilets jaunes, qui est l’expression d’une souffrance du quotidien, et qui témoigne aussi d’une blessure, car une partie de la population se sent méprisée et rejetée.
Pourquoi la gauche n’arrive-t-elle pas à apporter une réponse politique à cette colère et à cette défiance ?
Parce que la gauche a oublié ses fondamentaux. Entre 2012 et 2017, avec la loi El Komry et aussi la loi Macron, François Hollande a conduit une politique à contresens de celle qu’il avait annoncée. Et ça, cela laisse des traces. C’est rédhibitoire. Alors qu’il avait dit qu’il lutterait contre la finance, il a mené une politique qui ne se différencie guère de celle qu’auraient pu conduire des libéraux s’ils avaient été aux manettes.
L’union de la gauche est-elle possible à nouveau ?
Je vais séparer deux choses pour ne pas tomber dans le piège de la question. Il y a d’abord la présidentielle, et ensuite les législatives. Il faut comprendre que le système de la Ve République avec son élection présidentielle suivie des élections législatives entraîne une personnalisation du pouvoir forte. Résultat, le parti qui ne participe pas à la course présidentielle disparaît du paysage politique. L’élection présidentielle, c’est une trappe à petits partis, c’est aussi une trappe à idées qui ne peuvent pas être défendues sous le prétexte de vote utile.
Il était donc impensable, cette fois-ci, de ne pas avoir de candidat communiste comme en 2012 et 2017… Vous regrettez ces choix ?
En 2012, j’étais favorable au Front de gauche et à la candidature unique de Jean-Luc Mélenchon. Je me suis présenté contre lui car je ne voulais pas d’un candidat autoproclamé. Mais on était dans une dynamique et je l’ai soutenu. En 2017, je me suis battu au sein du Parti communiste pour qu’il y ait un candidat communiste. Le vote interne a choisi de soutenir une fois encore Jean-Luc Mélenchon. Ce soutien s’est fait sans programme commun. Résultat : aux élections législatives, l’une des priorités de La France insoumise a été de plumer la volaille communiste. Leur objectif était qu’il y ait le moins de députés communistes possible. Voilà pourquoi je considère qu’en 2017, c’était une erreur de ne pas avoir de candidat qui porte nos orientations politiques, qui sont différentes de celles des socialistes et des Insoumis. L’élection présidentielle est un canal pour développer nos idées, essayer de mettre des graines dans les consciences afin de permettre une transformation de la société.
Vous n’êtes donc pas favorable à une candidature unique de la gauche pour la présidentielle ?
Je considère comme illusoire, trompeur, artificiel de dire que l’on peut avoir une candidature unique de la gauche. Pourquoi ? Parce que cela reposerait sur une personnalité et pas sur un programme. Aussi même s’il y avait l’espoir de gagner, ce qui n’est pas le cas, ce serait pour faire quelle politique ? Je sais qu’il y a une demande du peuple de gauche pour une candidature unique. Mais même si on y arrivait et si on gagnait, ça pourrait avoir des effets à moyen terme et à long terme désastreux. Notamment si nous n’étions pas capables de mettre en œuvre une politique de transformation de la société. Le deuxième élément, c’est que la gauche est aujourd’hui tellement affaiblie qu’il est illusoire d’espérer être au second tour. Le fait de se rassembler n’y changera rien.
Ne serait-il pas urgent de préparer l’Union pour les législatives pour avoir une opposition capable de faire entendre sa voix ?
Je le crois. Le conseil national du parti a pris la décision de travailler à un socle de propositions. Il y a déjà des contacts qui sont pris. Passée la présidentielle, il va falloir qu’on réfléchisse, car quel que soit le président ou la présidente de la République élu(e), tout ne sera pas joué. La gauche peut retrouver des forces au niveau du Parlement. Je ne suis pas pour un accord national, mais il serait pertinent d’en nouer sur certains territoires pour être au second tour et pour avoir une chance de gagner des circonscriptions.
D’où viendra alors le salut de la gauche ?
Il faut aller chercher ceux qui s’abstiennent et ceux qui votent en faveur de l’extrême droite. Or, on n’ira pas chercher cet électorat-là en se contentant d’avoir une candidature de rassemblement, surtout si elle apparaît artificielle. Pour aller le chercher, il faut des organisations politiques avec des candidats qui développent leurs propres thèses. Ainsi et seulement ainsi, on pourra reconquérir l’électorat populaire qui est parti.
Comment le Parti communiste a laissé s’échapper cet électorat populaire ? Et comment le Rassemblement national, lui, s’est-il imposé auprès de lui ?
Il faut que je pèse mes mots. Je suis obligé de me censurer un peu. On a abandonné, au nom d’une forme de boboïsation intellectuelle, ce que j’appelle nos fondamentaux. Le Parti communiste a perdu ses bases ouvrières parce qu’il a délaissé la valeur travail. Comme nous avons participé à la création de la sécurité sociale en 1946, il nous faut aujourd’hui défendre la mise en œuvre d’une sécurité du travail. L’idée est de garantir un travail ou une formation rémunérée à toute personne qui rentre dans la vie active, et cela jusqu’à la retraite. Nous défendons aussi l’idée que le revenu du travail soit plus élevé que les aides sociales. Et ça, c’est un discours qui décape. Mais je pense que le peuple comprend ça. Le travail a été délaissé par les communistes : on était plus sur une posture sociétale.
Est-ce la seule erreur commise par les communistes, qui ont du mal à dépasser la barre des 5 % aux élections ?
Nous n’avons pas eu le courage politique de porter des propositions qui pouvaient heurter une majorité de citoyens. Ainsi, pendant plusieurs années, on a pris des gants pour dire qu’on était favorable à l’énergie nucléaire. Parce que s’était développé dans le pays un mouvement qui consistait à dire que c’était assassin d’être favorable à l’énergie nucléaire. Aujourd’hui, Fabien Roussel dit clairement que l’énergie nucléaire est indispensable pour notre développement économique. Bien sûr, nous sommes favorables aux énergies renouvelables, mais par pitié arrêtons de créer une illusion avec ces dernières : on ne pourra pas mettre des éoliennes, des panneaux photovoltaïques et de la géothermie partout.
Enfin, nous avons délaissé la qualité de la vie et du quotidien des gens. Je suis issu d’un territoire rural et j’ai découvert les difficultés du quotidien dans la ville en arrivant à l’Assemblée nationale en 2002. J’ai été effaré quand les députés m’ont raconté qu’il y avait des quartiers entiers qui étaient abandonnés. Cela pour vous dire que par rapport aux questions de sécurité, nous n’avons pas été assez fermes dans nos propos, comme si nous étions gênés, voire tétanisés, de parler de cela. Les élus de terrain dans ces quartiers difficiles ont fait le boulot, mais je pense que dans nos propositions nationales, nous n’avons pas été suffisamment offensifs en défendant une politique plus sécuritaire. Et dire qu’il faut plus de force de police, une police de proximité, qu’il faut mettre les moyens par rapport à ça, ce n’est pas être fasciste.
Qu’est-ce que c’est qu’être un communiste en 2022 ?
Je suis fils d’ouvrier et j’ai le sens des choses. Pour moi, être communiste, ce n’est pas admirer le modèle soviétique – ça l’a été quand j’étais jeune, je ne veux pas le nier car il y avait ce regard admiratif sur ce système alimenté par une propagande vantant les évolutions industrielles, la culture, la démocratie et les kolkhozes. Mais tout ça a volé en éclat rapidement. Être communiste, c’est se battre pour plus de justice sociale et faire que les gens vivent mieux. C’est en finir avec l’argent roi et cette financiarisation scandaleuse et excessive qui fait que certains vivent sur un tas d’or et que d’autres à côté n’arrivent pas à vivre dignement. Je pense qu’il faut transformer la société. Notre difficulté est qu’on a du mal à montrer ce que serait la société que nous défendons. Ça a tellement été un gâchis dans les pays dits socialistes qu’aujourd’hui cette perspective d’une autre société, plus juste, plus humaine, on a du mal à la faire imaginer.
Fabien Roussel ne décolle pas dans les sondages. Comment expliquez-vous cela ?
Même si cela ne se traduit pas encore dans les enquêtes, les remontées que j’ai sur le terrain au sujet de sa campagne sont bonnes. On me dit qu’il parle clairement et simplement.
Certes… Mais il reste en dessous des 3 %…
Fabien Roussel est un député de terrain, qui est dans la vraie vie. Il n’a pas une approche idéologique et intellectuelle, il part du concret. En plus, il a une personnalité séduisante. La question qui se pose, c’est comme pour une imprimante : quand on met le papier, est-ce que cela va imprimer ou pas ? Même si cela ne se traduit pas dans les sondages, je suis assez optimiste sur le fait qu’il va y avoir un décollage. Ce n’est pas de la méthode Coué. Car au-delà de sa personnalité, les gens commencent à dire que les idées qu’il défend ne sont pas celles des autres candidats de gauche… Ce qui peut imprimer, c’est son courage de porter des idées contraires à l’air du temps, avec transparence et clarté.
Est-ce que vous craignez la primaire populaire ?
Fabien Roussel n’a pas été retenu, mais je ne la crains pas car elle n’a de sens que si elle s’appuie sur un programme, sur des objectifs partagés.
Et la candidature de Christiane Taubira ?
J’ai beaucoup d’estime pour Christiane Taubira. C’est quelqu’un que j’apprécie. Mais là, elle débarque à un mois de l’officialisation des candidatures, sans programme, uniquement sur la base de sa personnalité… Sa candidature ne va pas résoudre les difficultés. Cela va juste amener une candidate de plus.
Quels sont vos points de divergence avec La France insoumise et avec la candidature de Jean-Luc Mélenchon ?
On a des différences au niveau des idées notamment sur le nucléaire et sur le rapport au travail. Nous ne sommes pas pour le revenu universel. Mais aussi sur la façon de faire. Je vous donne un exemple : les Insoumis ont porté une proposition de loi pour arrêter l’utilisation du glyphosate au 1er janvier prochain. Nous sommes évidemment d’accord, mais nous avons conscience que cela ne peut pas se faire d’un coup de baguette magique et qu’il faut accompagner les agriculteurs. Souvent, ils ont une approche idéologique qui est à l’opposé de notre culture. Ils ne tiennent pas compte des réalités du terrain. Ils sont dans une logique tribunitienne, ils vont préférer d’emblée rejeter un texte alors que nous, nous aurons tendance à vouloir le discuter pour l’amender. Leur discours ne s’adresse pas à ceux qui sont dans l’hémicycle mais à ceux qui sont à l’extérieur. C’est leur parti pris. Nous sommes moins dans la violence verbale et l’attaque. Je me sentirais mal dans leur groupe. Nous ne visons pas seulement la prise de pouvoir, nous cherchons aussi à être utiles aux gens que nous représentons. Cela se voit aussi sur le terrain, lors des grèves, on essaie d’accompagner les gens pour trouver des solutions concrètes. Jamais je ne suis allé devant une usine avec un mégaphone pour gueuler et lever le drapeau rouge. Je préfère demander à rencontrer le chef d’entreprise et essayer de faire avancer les choses.
L’urgence climatique est là et elle est visible. Comment les communistes y répondent-ils ?
La priorité, c’est de suivre les recommandations du Giec. Il s’agit d’une urgence absolue pour la planète et les humains, car c’est une question de vie ou de mort à moyenne échéance. Aussi la mesure prioritaire est évidemment de décarboner l’économie. C’est d’ailleurs un argument supplémentaire en faveur du nucléaire. Un autre domaine sur lequel il faut mettre les moyens : la rénovation énergétique des logements. Il faut aller plus loin que ce qui se fait aujourd’hui. Il ne faut pas opposer la lutte contre le changement climatique et la question sociale. Il y a de gros investissements à faire dans le public, sur le transport, sur les logements. J’ai défendu une proposition de loi qui visait à sortir du déficit toutes les dépenses faites pour lutter contre le réchauffement climatique. Ça a été recalé, mais l’idée fait son chemin. Pendant la crise sanitaire, on a laissé de côté le Pacte de stabilité. Je dis : faisons de même pour la crise écologique.
La gauche n’est-elle pas gênée avec le discours des Verts sur la sobriété et la décroissance ?
Aujourd’hui, on considère que les réponses aux problèmes de la planète relèvent des comportements individuels. Je ne dis pas qu’il ne faut pas changer nos habitudes, mais il faut aussi des actions politiques fortes sur l’obsolescence des produits, sur le recyclage… Notre mode de vie doit évoluer, mais la sobriété ne s’accompagne pas forcément d’une décroissance, car il y a des besoins à satisfaire au niveau de la population.
Il y a un autre sujet de fracture à gauche, c’est tout ce qui concerne la cancel culture… Le wokisme a tendance à prendre le pas sur la lutte sociale…
Pendant toute une période, le Parti communiste a été sur des luttes spécifiques : les sans logement, les sans-papiers, les sans travail, les exclus, les femmes… Je ne dis pas qu’il ne faut pas défendre ces causes, mais cela entraîne une fragmentation des messages. Je suis convaincu qu’il faut qu’on ait une approche globale en considérant que tous ces problèmes sont les conséquences d’un système libéral où l’argent l’emporte sur tout.
Quel bilan faites-vous de cette mandature ?
Je déplore les effets néfastes d’une majorité pléthorique. Le Parlement ne remplit pas son rôle car il est à la solde de l’exécutif. On a besoin d’un Parlement plus frondeur. Quand je les vois se lever comme un seul homme pour applaudir un ministre qui dit des contre-vérités ou qui fait de la communication, je me dis : mais qu’est-ce que c’est que ce Parlement ? Les mardis après-midi, c’est terrible : on a affaire à des ministres qui ne reconnaissent aucune erreur. Sauf, parfois, Jean Castex. Ils nous chantent tous la même chanson : « Tout va très bien, madame la Marquise… » Ils ont la queue du renard qui sort de la gueule, mais ils assurent qu’ils ne l’ont pas croqué. Olivier Véran est le spécialiste : on peut lui donner la Légion d’honneur dans ce domaine. Quand j’étais député sous une majorité de droite, et que je portais un amendement, s’il était correct, il était retenu. Aujourd’hui, aucun respect de l’opposition. Vous présentez un amendement, ils le récupèrent et le recyclent pour qu’il leur soit attribué.
La victoire d’Emmanuel Macron est-elle inéluctable ?
Autant je le croyais, il y a un an, autant je ne le crois absolument plus. Même lui doute… Ce n’est pas pour rien qu’il a fait sa sortie dans Le Parisien : il essaye d’alimenter les clivages pour redonner du souffle à l’extrême droite. Il avait beaucoup misé sur un second tour avec Marine Le Pen, mais, aujourd’hui, il a compris qu’il pourrait se trouver face à un autre candidat. Et là qui peut prédire le résultat ? Personne ! Les jeux sont beaucoup plus ouverts.
Est-ce que vous serez candidat aux élections législatives ?
Oui. Je ne suis pas tout jeune, mais j’aime le travail que je fais à l’Assemblée et j’ai envie de continuer. J’avais un suppléant qui aurait dû prendre ma suite, mais il est devenu conseiller départemental et ça lui plaît. Je vais donc me représenter avec un nouveau suppléant plus jeune qui j’espère un jour me succédera. J’attends avec gourmandise de faire campagne électorale. Parce que depuis deux ans, on n’est plus en lien avec la population comme avant. Moi, j’étais toutes les fins de semaine sur le terrain dans les communes, les manifestations et sur les marchés… Cela me manque énormément.
12:50 Publié dans Actualités, Entretiens, Point de vue | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : andré chassaigne, présidentielle | |
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