12/04/2008
Mauvais rêve éveillé à Bucarest
Publié le 10 avril 2008
En trois jours des trottoirs ont été reconstruits, par camions entiers les autorités ont fait venir des arbres blancs de pétales et des carrés de pelouse pour les planter sous les fenêtres des hôtels de luxe. Nous accueillons l’Occident et il faut mentir, faire croire à la blancheur vierge et pure d’une cité corrompue et déliquescente. Les chefs d’État ont vu le miracle économique, les voitures de luxe et des parvenus en costume. Mais, une semaine avant, les autorités ont ratissé la ville, chargé des charrettes de mendiants, d’enfants errants relâchés dans des champs. Je garderai toujours en moi le regard de ce gosse qui devait avoir treize ans. Mon tramway était arrivé. Il était là, face à moi, me regardant droit dans les yeux, le regard absent mais brillant de la drogue qu’il humait par intervalles réguliers dans son petit sac plastique blanc. Bucarest, zone industrielle Titan. Son visage était beau, fin, le teint mat, les cheveux décoiffés et gras, comme une crinière en plein soleil, immobile, sans vie, debout. Pendant ce temps, les firmes françaises, américaines, allemandes et italiennes, saignent à blanc une population sans alternative. La Société générale rachète toutes les banques roumaines, les entreprises de travaux publics reconstruisent le pays en ruine, Renault exploite les ouvriers et les menace d’une nouvelle délocalisation. Même les chiens errants sont mieux traités car la SPA a porté plainte il y a quelques années contre la mairie de Bucarest qui exterminait les meutes de chiens sauvages, depuis il est interdit de les supprimer. Nous croyons en l’Europe et avons espoir pour la Roumanie, mais c’est l’Europe qui assassine les enfants dans les rues. En faisant entrer la Roumanie dans l’Union, nous avons légitimé un pouvoir issu du soviétisme, nous défendons l’immobilisme de l’État roumain car pour le moment les bénéfices enregistrés y sont record. Ce n’est pas grave, nous faisons des affaires, des recherches en sciences politiques, en histoire ancienne, en économie et avons sûrement un bel avenir devant nous. Puis nous rentrerons, tournerons la page Bucarest. Depuis quelques jours, je rêve de m’enfermer en Corrèze avec des livres, et exister dans cette solitude nombriliste, face à des rêves et des histoires de chevaliers. Car vivre ici, en exceptant les mutations profondes que l’on rencontre, peut conduire à la folie la plus terrible. Il existe face à cela plusieurs réponses. La première, habiter dans le centre, sortir tous les soirs, boire pour pas cher et faire des rencontres. Il y a aussi les bien-pensants qui traversent leur séjour comme des prêcheurs. Ou alors nous vivons le désastre, comme passagers clandestins sur un bateau à la dérive. J’ai l’impression d’avoir trouvé ici l’expression la plus honnête de ce que je suis. J’ai emmené ce garçon en moi, il me suit alors même qu’il ne m’a sûrement pas vu. Maintenant vous pouvez me juger, comprendre pourquoi je suis parti, et peut-être comprendre pourquoi je reviendrai changé. Antoine Grande, Lyon (Rhône), vingt-deux ans. Publié dans Libres échanges |
09:01 Publié dans Planète | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : roumanie, témoignage | |
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09/04/2008
« L’exaspération sociale est le ressort du mouvement au Tibet »

Élisabeth Martens renvoie un autre éclairage de ce qui se joue depuis plusieurs centaines d’années sur le Toit du monde.
Comment êtes-vous venue à la Chine et au Tibet ?
Élisabeth Martens. Je suis partie durant trois ans en Chine, de 1988 à 1991 après des études de biologie en Belgique, pour me spécialiser en médecine traditionnelle chinoise. J’ai voyagé dans le pays et au Gansu et j’ai été interpellée par la culture et le bouddhisme tibétains au grand monastère de Labulang si différents de la culture chinoise des Han. Je suis retournée régulièrement au Tibet et dans les régions voisines où vivent des communautés tibétaines, Sichuan, Gansu, Qinghai et Yunnan. La dernière fois, en été 2007.
Qu’est ce qui vous a amené à avoir aujourd’hui un discours qui porte un autre regard sur la question tibétaine telle qu’elle est présentée en Occident ?
Élisabeth Martens. Quand je suis revenue en Europe, on parlait énormément du bouddhisme tibétain parce que le dalaï-lama avait reçu le prix Nobel de la paix en 1989. J’ai été touchée de la différence entre ce qui se disait ici et ce que j’avais vécu. Il y avait et c’est toujours le cas un discours du « politiquement correct » sur le Tibet qui fait fi des sources historiques de ce conflit. Il n’est pas facile de faire entendre une autre voix. C’est comme s’il y avait deux camps qui s’affrontent. Je n’ai pas envie d’être considérée comme appartenant à l’un ou l’autre. Je ne suis pas plus prochinoise que protibétaine. Mais les événements actuels forcent à une réflexion pour sortir de cette confrontation caricaturale dans un débat biaisé.
Depuis des siècles, le Tibet est un enjeu entre les différentes puissances régionales puis mondiales. Quel est le contenu de cette dimension politique ?
Élisabeth Martens. Au XIIIe siècle, le Tibet est annexé à la Chine par les Mongols, et au XVIIIe les Mandchous ont divisé leur empire chinois en 18 provinces, dont la province tibétaine. Fin du XIXe, l’empire britannique envahit le Tibet et y installe ses comptoirs de commerce. Le dalaï-lama de l’époque, prédécesseur de l’actuel, voit dans l’occupation anglaise du Tibet une opportunité pour revendiquer l’indépendance. Or la Chine du début du XXe est soumise à un dépeçage mené par les pays occidentaux. Épisode toujours vivant dans la mémoire chinoise et la République reste inflexible. En 1949, avec l’avènement de la République populaire, le gouvernement de Pékin réaffirme les frontières chinoises. Dès 1956, une rébellion armée est organisée dans plusieurs monastères tibétains Cette rébellion armée est dès ces débuts soutenue financièrement et logistiquement par la CIA. Un rapport de l’Office des affaires étrangères américain de l’époque est explicite : « Le Tibet devient stratégiquement et idéologiquement important. Puisque l’indépendance du Tibet peut servir la lutte contre le communisme, il est de notre intérêt de le reconnaître comme indépendant. (…) Toutefois, ce n’est pas le Tibet qui nous intéresse, c’est l’attitude que nous devons adopter vis-à-vis de la Chine. » Les émeutes qui ont eu lieu ce mois de mars 2008 doivent être analysées dans un contexte économique en tout premier lieu mais sans oublier que le Tibet reste un des terrains de combat entre les États-Unis et la Chine, depuis longtemps.
Certains Tibétains réclament l’indépendance, d’autres l’autonomie. Quel est le rapport de force au sein du mouvement ?
Élisabeth Martens. Au sein de la communauté tibétaine en exil, une scission est de plus en plus évidente : d’une part, il y a les modérés, dont le dalaï-lama, qui parle « d’autonomie poussée ». C’est une fraction majoritaire au sein du gouvernement en exil, et il y a les radicaux qui exigent une indépendance totale. Jusqu’à présent la demande d’indépendance a été sans suite : ni les Nations unies ni aucun pays n’ont jamais reconnu le Tibet comme État indépendant.
On a parlé de génocide du peuple tibétain, qu’en est-il ?
Élisabeth Martens. Après la révolte de 1959, les autorités du bouddhisme tibétain en exil ont avancé le chiffre de 1,2 million de morts. Plusieurs études démographiques ont démontré par la suite qu’il y avait eu manipulation. Patrick French, ex-directeur de Free Tibet, a été vérifier sur place, à Dharamsala. Après avoir compulsé longuement les documents « officiels » qui ont servi à avancer ce nombre, il s’est rendu compte de la falsification et a démissionné de ses fonctions. Il raconte cet épisode dans son livre Tibet, Tibet.
Vous réfutez l’opposition ethnique des émeutes et mettez l’accent sur une colère sociale ?
Élisabeth Martens. Si les manifestations ont été aussi fortes c’est qu’elles étaient aussi nourries par l’exaspération économique et sociale qui est le ressort interne du mouvement. Beaucoup de Tibétains en majorité des jeunes sont des laissés-pour-compte des avancées économiques de la Chine. Comme partout dans le pays, les inégalités se font de plus en plus criantes. Mais il y a une spécificité du Tibet. Beaucoup de Chinois han et hui (musulmans) viennent s’y installer pour travailler et surtout y gagner de l’argent. Ceux qui profitent du gros des énormes investissements que le gouvernement central injecte dans la province. Beaucoup de jeunes Tibétains sont chômeurs. Ils manquent d’instruction et de qualification. Ils viennent de la campagne et ont juste suivi l’école primaire. Les Han qui viennent travailler au Tibet sont des techniciens qualifiés, des universitaires ou des cadres, et bien sûr des commerçants. Amener les Tibétains à se former serait un moyen de diminuer l’inégalité sociale. Il ne s’agit pas du seul développement économique du Tibet mais aussi du développement social des Tibétains.
Entretien réalisé par Dominique Bari article paru dans l’Humanité du 8 avril 2008
11:13 Publié dans Entretiens | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : tibet, chine, martens | |
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04/04/2008
LE DESSIN DU MOIS DE D'AVRIL
23:12 Publié dans Le dessin du mois | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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30/03/2008
NE PAS CONFONDRE LE TIBET ET LE NEPAL
Le Tibet est une région autonome de la Chine peuplée de 5,5 millions d’habitants dont la capitale est Lhasa, le Népal est un royaume qui va devenir république après la destitution du « roi fou » Gyanendra qui est peuplé de 28 millions d’habitants est dont la capitale est Katmandou.
Ces deux pays sont situés sur la zone de la chaîne de l'Himalaya sont limitrophes mais ont chacun une histoire différente.
Dans le cadre des événement qui se déroulent aujourd’hui au Tibet, la rédactrice en chef de la rédaction de France 2, Arlette Chabot a réalisé une émission sur ce thème et pour justifier la répression qui se déroule dans ce pays a diffusé des images qui montrent des moines matraqués par la police.
L’ennui est que ces images ne concernent pas le Tibet, mais le Népal.
Il semble que chez les « professionnels » de l’information il existe une très grande confusion sur les évènements qui se déroulent dans ce continent, une incompétence sur les connaissances géographiques, un manque de rigueur évident, et surtout un manque de déontologie total.
12:10 Publié dans Cactus | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : népal, tibet, manipulation, chabot, france2 | |
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